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15/11/2018 | FRANCE | N°16BX02466

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2018, 16BX02466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler la décision du 2 juin 2015 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours présenté à la commission des recours des militaires, dirigé contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par la même autorité sur sa demande du 5 septembre 2014 tendant à être maintenu en activité jusqu'à l'âge de 59 ans, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de la défense à l

a suite de sa saisine de la commission des recours des militaires le 12 novembre 2014...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler la décision du 2 juin 2015 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours présenté à la commission des recours des militaires, dirigé contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par la même autorité sur sa demande du 5 septembre 2014 tendant à être maintenu en activité jusqu'à l'âge de 59 ans, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de la défense à la suite de sa saisine de la commission des recours des militaires le 12 novembre 2014 d'un recours dirigé contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par le même ministre sur sa demande du 5 septembre 2014, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre sur cette demande. Il a demandé au tribunal, d'autre part, d'annuler la décision du 11 avril 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours présenté à la commission des recours des militaires, dirigé contre la décision du même ministre du 1er juin 2015 prononçant sa radiation des cadres à compter du 7 février 2016 pour atteinte de la limite d'âge, ensemble cette décision du 1er juin 2015. Il demandait également qu'il soit enjoint au ministre de la défense de le réintégrer à compter du 7 février 2016 et de le maintenir en activité jusqu'à l'âge de 59 ans et, à tout le moins, de réexaminer son dossier.

Par un jugement n°s 1501013, 1502641 du 1er juin 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2016, M.A..., représenté par le cabinet Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 1er juin 2016 ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'enjoindre au ministre de la défense de le réintégrer à compter du 7 février 2016 et de le maintenir en activité jusqu'à l'âge de 59 ans et, en toute hypothèse, de réexaminer son dossier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à supposer même que les textes applicables réformant la limite d'âge aient pour effet de fixer cette limite au 7 février 2016 pour ce qui le concerne, il dispose néanmoins du droit de poursuivre son activité au-delà de cette limite ;

- en effet, par une décision du 25 juin 2008, le ministre de la défense l'a autorisé à poursuivre son activité jusqu'au 1er juillet 2016 ; si cette décision était illégale, elle est devenue définitive et a créé des droits à son profit ; or, cette décision l'a exclu du régime déterminé par les mesures transitoires relatives à la limite d'âge ; il doit être regardé comme bénéficiant ainsi des dispositions de l'article L. 4139-16 du code de la défense.

Il résulte de l'instruction que la requête a été régulièrement communiquée au ministre de la défense, qui en a accusé réception le 29 juillet 2016.

Par ordonnance du 24 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 6 octobre 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires ;

- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites ;

- le décret n° 2000-511 du 8 juin 2000 ;

- le décret n° 2008-939 du 12 septembre 2008 relatif aux officiers sous contrat ;

- le décret n° 2011-20103 portant relèvement des bornes d'âge de la retraite des fonctionnaires, des militaires et des ouvriers de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., recruté le 1er décembre 1978 par l'armée de terre en qualité de sous-officier, exerçant les fonctions de pilote puis de moniteur d'hélicoptère, a démissionné de son corps pour souscrire le 1er juillet 2008 un contrat de huit ans en tant qu'officier sous contrat rattaché au corps des officiers des armes de l'armée de terre, dans la spécialité " pilote ", avec effet à cette même date. Il a demandé le 5 septembre 2014 à pouvoir servir jusqu'à l'âge de 59 ans et à bénéficier d'une révision des modalités d'attribution de la prime des officiers sous contrat, mais a vu sa demande rejetée. Sa radiation d'office des contrôles par limite d'âge à compter du 7 février 2016 lui a été notifiée par un arrêté du ministre de la défense du 1er juin 2015. M. A...relève appel du jugement du 1er juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du ministre de la défense rejetant sa demande du 5 septembre 2014 ainsi que de l'arrêté du 1er juin 2015 le radiant des contrôles, d'autre part, à l'annulation des décisions par lesquelles le ministre a implicitement rejeté les recours administratifs qu'il a formés devant la commission de recours des militaires à l'encontre des décisions initiales et, enfin, à l'annulation des décisions des 2 juin 2015 et 11 avril 2016 par lesquelles le ministre a expressément confirmé le rejet de ses recours préalables.

Sur la légalité des décisions initiales et implicites :

2. M.A..., s'il persiste en appel à solliciter l'annulation des décisions initiales du ministre de la défense et des décisions implicites nées du silence gardé plus de quatre mois par cette même autorité sur ses recours administratifs préalables formés en vertu de l'article R. 4125-1 du code de la défense, ne conteste pas devant la cour le constat par les premiers juges de ce que ses conclusions dirigées contre ces décisions sont devenues sans objet en cours d'instance devant le tribunal, dès lors que s'y sont substituées les décisions expresses prises par le ministre respectivement le 2 juin 2015, s'agissant de la demande de maintien en activité jusqu'à 59 ans, et le 11 avril 2016 s'agissant de la mesure de radiation des contrôles. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation des décisions antérieures à ces deux dernières doivent donc être rejetées.

Sur la légalité des décisions du 2 juin 2015 et du 11 avril 2016 :

3. Aux termes de l'article L. 4139-12 du code de la défense : " L'état militaire cesse, pour le militaire de carrière, lorsque l'intéressé est radié des cadres, pour le militaire servant en vertu d'un contrat, lorsque l'intéressé est rayé des contrôles.". L'article L. 4139-14 du même code prévoit que : " La cessation de l'état militaire intervient d'office dans les cas suivants : 1 ° Dès l'atteinte de la limite d'âge ou de la limite de durée de service pour l'admission obligatoire à la retraite, dans les conditions prévues aux articles L. 4139-16 et L. 4141-5 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le militaire sous contrat ne peut dépasser la limite d'âge du grade correspondant de l'officier de carrière du corps auquel il est rattaché, ni la durée de service maximale. Pour les officiers des armes de l'armée de terre, la limite d'âge est fixée à 59 ans par l'article L. 4139-16 du code de la défense, lequel prévoit par ailleurs que la durée de service maximale pour les officiers sous contrat est de vingt ans.

4. La limite d'âge des militaires a été modifiée par la loi n° 2005-270 susvisée du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, qui a notamment porté la limite d'âge des officiers subalternes de 52 à 57 ans, tout en prévoyant un régime transitoire. Ainsi, lorsque la différence entre la limite d'âge antérieure (52 ans) et l'âge d'un officier subalterne au 1er janvier 2005 était supérieure à six ans et un jour et inférieure à sept ans, l'allongement de la limite d'âge était limité à trois années supplémentaires, et celle-ci portée à 55 ans. La loi n° 2010-1330 susvisée du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a ensuite porté à 59 ans la limite d'âge pour l'admission obligatoire à la retraite des militaires au grade d'officier des armes de l'armée de terre, à compter du 1er janvier 2015, tout en renvoyant à un décret le soin de fixer les limites d'âge, de manière transitoire et progressive sur la période antérieure, c'est-à-dire pour la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2014. En vertu de l'article 3 du décret n° 2011-2103 du 30 décembre 2011, la durée de relèvement à appliquer à la limite d'âge varie en fonction de l'année au cours de laquelle l'intéressé atteint l'âge limite tel qu'il résulte des dispositions de la loi du 24 mars 2005. Ainsi, lorsque la limite d'âge survient au cours de l'année 2014, la durée de relèvement à appliquer à cette limite d'âge est d'un an et sept mois.

5. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., né le 6 juillet 1959, était âgé de 45 ans, 5 mois et 25 jours au 1er janvier 2005. Conformément aux dispositions rappelées au point 4, la différence entre cet âge et l'âge limite de 52 ans étant comprise entre six ans et un jour et sept ans, la limite d'âge pour son admission obligatoire à la retraite s'établissait en principe à 55 ans. Cette limite était toutefois repoussée d'un an et sept mois en vertu de l'article 3 du décret du 30 décembre 2011, M. A...atteignant l'âge de 55 ans au cours de l'année 2014. Ainsi, à la date d'effet de son contrat d'officier, le 1er juillet 2008, la limite légale d'admission à la retraite du requérant s'établissait à 56 ans et 7 mois. Par conséquent, en acceptant, par une décision du 25 juin 2008, que M. A...souscrive un contrat d'officier d'une durée de huit ans à compter du 1er juillet 2008, arrivant à échéance postérieurement au 6 février 2016, date à laquelle celui-ci aurait atteint la limite d'âge qui lui était applicable en vertu des dispositions statutaires et réglementaires susrappelées, le ministre de la défense a méconnu ces dispositions, ce dont il convient d'ailleurs. Toutefois, il ne ressort d'aucun élément du dossier que ce recrutement sur contrat aurait eu un autre objet que de pourvoir à un emploi d'officier pilote ou n'aurait pas été accompagné de l'affectation de l'intéressé dans les fonctions correspondantes et constituerait ainsi une nomination pour ordre. Dans ces conditions, la décision du 25 juin 2008 ne peut, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, être regardée comme un acte nul et non avenu. Si elle était en revanche illégale, ainsi qu'il a été dit, cette décision est néanmoins devenue définitive et a créé au profit du requérant un droit au maintien en activité jusqu'au terme prévu par le contrat du 1er juillet 2008, dont il est fondé à se prévaloir à l'encontre des décisions contestées, nonobstant l'intervention, en cours d'exécution du contrat, de la limite d'âge qui lui était en principe applicable. La même décision du 25 juin 2008 ne lui a, en revanche, ouvert aucun droit au maintien en activité au-delà de ce terme, et notamment jusqu'à l'âge de 59 ans, ainsi qu'il le revendique. Il en résulte que la décision du 11 avril 2016 du ministre de la défense radiant M. A...des contrôles pour atteinte de la limite d'âge à compter du 7 février 2016 est illégale mais que celle du 2 juin 2015 rejetant sa demande de maintien en activité jusqu'à l'âge de 59 ans n'est illégale qu'en tant qu'elle refuse ce maintien jusqu'au 30 juin 2016.

6. Si le courrier adressé le 5 septembre 2014 au ministre de la défense par M. A...comportait une demande de révision des modalités d'attribution de la prime des officiers sous contrat visée à l'article L. 4139-11, également rejetée par la décision contestée du 2 juin 2015, le requérant n'expose devant la cour aucun moyen spécifique à l'encontre de ce volet de la décision, ni ne critique l'analyse par laquelle les premiers juges ont confirmé la légalité de cette décision sur ce point.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 juin 2015 en tant que celle-ci refuse son maintien en activité jusqu'au 30 juin 2016, ainsi que ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2016 le radiant des contrôles à la date du 7 février 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le ministre des armées procède à la réintégration juridique rétroactive du requérant pour la période du 7 février au 30 juin 2016. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de procéder à cette mesure dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il ya lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La décision du ministre de la défense du 2 juin 2015 est annulée en tant qu'elle refuse le maintien de M. A...en activité jusqu'au 30 juin 2016.

Article 2 : La décision du ministre de la défense radiant M. A...des contrôles à la date du 7 février 2016 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre des armées de procéder à la réintégration juridique de M. A... dans son contrat d'officier à compter du 7 février 2016 et jusqu'au 30 juin 2016, dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Pau n°s 151013, 1502641 du 1er juin 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

Le rapporteur,

Laurent POUGET Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 16BX02466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02466
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-09 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Radiation des cadres.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-15;16bx02466 ?
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