Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...B...et le groupement foncier agricole (GFA) Geoffrion ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté interministériel du 29 octobre 2012 portant homologation du classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru ", d'annuler cet arrêté, en tant que le Château Croque Michotte ne figure pas dans la liste établissant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru ", d'ordonner à l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) ou à l'Etat de produire différentes pièces et échantillons relatifs à l'organisation et au déroulement des opérations de classement et de condamner l'Etat à leur verser une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1300651 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 février 2016, le 30 août 2017 et le 31 octobre 2017, M. B... et le GFA Geoffrion, représentés par Me L...puis par MeE..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2015 ;
2°) à ce qu'il soit enjoint à l'INAO, ou à l'État, de produire l'identité des échantillons de calage, ainsi que la totalité des contrats de prestations de service conclus entre Qualisud et les personnes qui ont procédé aux dégustations, avec leurs annexes ;
3°) à titre principal, d'annuler l'arrêté interministériel du 29 octobre 2012 portant homologation du classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru " ;
4°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté interministériel du 29 octobre 2012 portant homologation du classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru ", en tant que le Château Croque Michotte ne figure pas dans la liste homologuée par cet arrêté ;
5°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours pour prise illégale d'intérêt ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé, le tribunal ayant omis de préciser pourquoi les modifications apportées par le décret du 5 décembre 2011 rendait l'arrêté du 6 juin 2011 inconciliables avec celui-ci ;
- le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement concernant le moyen tiré de la méconnaissance des principes de transparence et d'égalité de traitement entre les candidats et a omis de répondre à des branches de ce moyen ;
- le tribunal a omis de statuer sur la demande de communication de pièces ;
- le tribunal a omis de vérifier que la composition de la CNAOV était régulière et le quorum était atteint lors de la séance du 16 juin 2011 ;
- ils justifient d'un intérêt pour agir y compris pour demander l'annulation intégrale de l'arrêté attaqué ;
- la requête n'est pas tardive, l'arrêté ne leur ayant pas été notifié avec mention des délais et voies de recours ;
- l'abrogation du décret n° 2011-174 du 11 février 2011 par le décret n° 2011-1779 du 5 décembre 2011 a eu pour effet d'abroger ou de priver de base légale l'arrêté du 6 juin 2011 ; par suite, l'arrêté attaqué, qui ne prend pas en compte les modifications substantielles du cahier des charges de l'appellation, est lui-même privé de base légale ;
- le cahier des charges de l'AOC a été homologué par le décret du 5 décembre 2011 sans que la procédure nationale d'opposition n'ait été mise en oeuvre alors que le décret introduisait des modifications majeures ;
- l'avis du conseil des vins de Saint-Emilion qui n'a pas été consulté après l'édiction du décret du 5 décembre 2011 et a été rendu sans vote de l'assemblée générale mais par le conseil d'administration sans que le quorum soit atteint est entaché d'irrégularité ;
- l'arrêté du 29 octobre 2012 a été pris alors qu'aucun arrêté n'était intervenu pour fixer la composition du nouveau comité national des appellations d'origine relatives aux vins institué au sein de l'INAO ni que le quorum soit atteint lors de la séance du 16 juin 2011 ;
- le principe d'impartialité a été méconnu du fait de la participation de MM. J...K...et H...aux délibérations du conseil national des appellations d'origine relatives aux vins ; le GFA Geoffrion a déposé plainte pour prise illégale d'intérêt ; s'il est vrai que le juge administratif n'est pas tenu de surseoir à statuer, la solution du litige dépend de l'issue de cette plainte ; de plus M.I..., qui entretient des liens de subordination avec les exploitants du Château Chauvin, a participé aux séances de dégustation ;
- la composition de la CNAOV était irrégulière et le quorum n'était pas atteint lors de la séance du 16 juin 2011 ;
- les principes de transparence et d'égalité de traitement ont été méconnus notamment du fait que n'ont pas été portés à la connaissance des candidats la pondération des sous-critères de notation des vins ainsi que les items définis par le Bureau Veritas Certification pour apprécier chaque sous-critère ; ils n'en ont été informés que lors de la notification du rejet du classement du cru en litige ; deux sous-critères n'ont, de plus, pas donné lieu à une notation ; le règlement de la dégustation n'a défini ni les conditions de prélèvement, ni les garanties d'anonymat des bouteilles y compris au débouchage, ni les critères de sélection des jurys de dégustateur, ni la méthode de préparation des échantillons, ni la répétition des dégustations pour éliminer les résultats incohérents, ni non plus les fiches de dégustation ; les échantillons de référence n'assuraient pas une égalité de traitement lors des dégustations entre vins de typicité différente (vins de terroirs de sables et graves et vins de terroirs argilo-calcaires) ; les règles d'étiquetage n'ont pas été retenues comme critère de classement alors que la grille de notation les mentionne sans qu'il soit tenu compte des irrégularités d'étiquetage ;
- Qualisud aurait dû prélever des échantillons dans les millésimes 2001 à 2010 inclus ;
- la note obtenue par le vin en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le critère de la qualité et de la constance des vins, d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le critère de la caractérisation de l'exploitation, d'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le critère de la conduite de l'exploitation, d'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le critère de la notoriété ;
- la procédure de contrôle est entachée d'irrégularité ;
- le délai fixé par l'article 7 de l'arrêté du 6 juin 2011 pour obtenir un réexamen des propositions de classement a été méconnu ;
- la demande d'injonction est justifiée n'excède pas l'office du juge dans l'exercice de son pouvoir d'instruction ;
- l'effet rétroactif de l'annulation de l'arrêté ne doit pas être limité ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2017, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de première instance est tardive ;
- les requérants n'ont d'intérêt à agir que contre l'arrêté du 29 octobre 2012, en tant que le Château Croque Michotte ne figure pas dans la liste homologuée par cet arrêté ;
- les moyens relatifs au principe d'égalité et tiré du droit de la commande publique sont inopérants ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- la demande tendant à l'injonction de communiquer divers documents devra être rejetée, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ;
- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour faisait droit à un moyen de la requête, elle ne pourrait annuler l'arrêté du 29 octobre 2012, qu'en tant que le Château Croque Michotte ne figure pas dans la liste homologuée par cet arrêté ;
- à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour annulait l'arrêté du 29 octobre 2012 dans son entier, elle devrait différer les effets de son annulation dans le temps, en application de la jurisprudence Association AC ! de 2004, à une date qui ne pourrait être antérieure au 1er juillet 2018.
Par un mémoire enregistré le 23 juin 2017, le ministre de l'économie et des finances déclare n'avoir aucune observation à apporter dans cette instance.
Par des mémoires enregistrés le 29 août 2017 et le 25 octobre 2017, l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) représenté par la SCP Hélène Didier et FrançoisD..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- la requête est irrecevable en tant que les requérants ne justifient pas d'un intérêt pour demander l'annulation intégrale de l'arrêté mais seulement pour solliciter l'annulation de l'arrêté en tant qu'il exclut le Château Croque Michotte des grands crus classés ;
- l'arrêté du 6 juin 2011 ne peut être regardé comme ayant été abrogé ;
- l'exception d'illégalité du décret du 5 décembre 2011 est inopérante et en tout état de cause infondée ;
- l'avis du Conseil des vins de Saint-Emilion n'est entaché d'aucune irrégularité ;
- l'exception d'illégalité de l'arrêté du 8 février 2007 fixant la composition du comité national des appellations d'origine des vins, eaux-de-vie et autres boissons alcoolisées est inopérante, l'entrée en vigueur du décret du 7 octobre 2009 ayant été sans incidence autre que l'ajout d'un membre ;
- le principe d'impartialité n'a pas été méconnu lors de la consultation du comité national des appellations d'origine ;
- la méthode de notation n'est entachée d'aucune irrégularité ; le principe de transparence n'est pas applicable ; les grilles et méthodes de notation n'ont pas à être communiquées aux candidats dès lors que les mêmes critères sont appliqués aux candidats et connus de ces derniers ; le principe d'égalité n'a pas été méconnu ;
- le choix des millésimes dégustés n'est entaché d'aucun vice, les prélèvements ne pouvant porter sur le cru 2010 dont l'élevage jusqu'au 1er février de la deuxième année qui suit la récolte n'était pas achevé ;
- l'appréciation technique portée sur la qualité des crus échappe au contrôle du juge de sorte que le moyen selon lequel la notation du vin en litige est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation, d'ailleurs infondé, ne peut qu'être écarté ;
- la visite d'exploitation effectuée par Mme G...intervenue pour Qualisud et le Bureau Veritas et non pour la commission de classement n'est pas entachée d'irrégularité ;
- l'article 7 du règlement de classement n'a pas été méconnu, le délai fixé pour se prononcer sur une demande de réexamen d'un refus de classement étant purement indicatif ;
- les requérants ne justifient pas que la relation d'un des dégustateurs avec un des crus candidats, le Château Chauvin, a été de nature à entacher d'illégalité l'arrêté attaqué, le dégustateur en cause n'ayant pas participé aux séances au cours desquelles ce vin a été dégusté.
Par un mémoire enregistré le 29 août 2017, le Conseil des vins de Saint-Emilion représenté par MeC..., intervenant au soutien de l'Etat, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- ayant intérêt au maintien du jugement attaqué et de l'arrêté contesté, son intervention est recevable ;
- la demande d'annulation totale de l'arrêté est irrecevable faute pour les requérants de justifier d'un intérêt leur donnant qualité pour demander cette annulation ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 mars 2018 la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 avril 2018.
Un mémoire, présenté pour M. B... et le GFA Geoffrion, a été enregistré le 29 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la consommation ;
- le décret n° 2009-1195 du 7 octobre 2009 mettant la partie réglementaire du code rural en conformité avec la réglementation communautaire en matière vitivinicole et portant diverses adaptations ;
- le décret n° 2011-1779 du 5 décembre 2011 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru " ;
- l'arrêté du 8 février 2007 portant nomination au comité national des vins, eaux-de-vie et autres boissons alcoolisées de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;
- l'arrêté du 6 juin 2011 relatif au règlement concernant le classement des " premiers grands crus classés " et des " grands crus classés " de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru " ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.A...,
- les conclusions de Mme Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de Me C...représentant le Conseil des vins de Saint-Emilion (Cvse), de Me D...représentant l'INAO et de M.B....
Considérant ce qui suit :
1. M. F...B..., en sa qualité de gérant de l'exploitation dénommée Château Croque Michotte, et au nom du groupement foncier agricole (GFA) Geoffrion, propriétaire de cette exploitation, a fait acte de candidature en vue du classement de ce château en qualité de " grand cru classé " de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru ". En application de l'article 3 de l'arrêté du 6 juin 2011 relatif au règlement concernant le classement des " premiers grands crus classés " et des " grands crus classés " de l'appellation d'origine contrôlée Saint-Emilion grand cru, le dossier de candidature a été déposé auprès des services de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO). A la suite des travaux de la " commission de classement des crus classés de l'appellation Saint-Emilion grand cru ", instituée par l'article 2 du règlement précité, dont les membres ont été nommés par le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des eaux de vie de l'INAO, la candidature présentée pour le Château Croque Michotte a été écartée par décision du 7 juin 2012.
2. Par courrier du 20 juin 2012, M. B... a sollicité, en vertu de l'article 7 du règlement précité, un nouvel examen de son dossier de candidature. Par décision du 5 septembre 2012, l'INAO a informé M. B...que la commission de classement avait, de nouveau, proposé de ne pas retenir le Château Croque Michotte parmi la liste des " grands crus classés " de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru ". M. B...a formé, contre cette décision, un recours gracieux adressé à l'INAO le 15 septembre 2012 et un recours hiérarchique adressé au ministre chargé de l'agriculture le 22 septembre 2012.
3. Par arrêté du 29 octobre 2012, pris sur le fondement de l'article 7 du règlement précité, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et le ministre de l'économie et des finances ont homologué le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru ", proposé par le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des eaux de vie de l'INAO, suivant la liste nominative figurant à l'article 1er de cet arrêté.
4. M. B...et le GFA Geoffrion ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation totale de cet arrêté et, dans un mémoire postérieur à la demande introductive d'instance, l'annulation de cet arrêté, en tant que le Château Croque Michotte ne figure pas dans la liste établissant le classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru ".
5. Par leur requête, M. B...et le GFA Geoffrion relèvent appel du jugement n° 1300651 du 17 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté l'ensemble de leurs conclusions d'annulation. Ils demandent à la cour, outre l'annulation de ce jugement, à titre principal, l'annulation de l'arrêté interministériel du 29 octobre 2012 portant homologation du classement des crus de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru ", à titre subsidiaire, l'annulation du même arrêté en tant que le Château Croque Michotte ne figure pas dans la liste homologuée par cet arrêté et qu'il soit enjoint à l'INAO, ou à l'État, de procéder à la communication de plusieurs documents.
Sur l'intervention du Conseil des vins de Saint-Emilion :
6. Aux termes de l'article 2 de ses statuts votés le 28 juin 2007, le Conseil des vins de Saint-Emilion a pour objet " (...) / 1. de défendre les intérêts des A.O.C. Saint-Emilion, Saint-Emilion Grand cru et du classement attaché (...) " et " / 2. d'étudier et de défendre les droits ainsi que les intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes visées par [ses] statuts ". Eu égard à cet objet, le Conseil des vins de Saint-Emilion a intérêt au maintien du jugement attaqué. Par conséquent, son intervention est recevable.
Sur la régularité du jugement attaqué :
7. En premier lieu, il ressort du point 5 du jugement attaqué que les premiers juges, après avoir relevé que le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru " homologué par le décret n° 2011-1779 du 5 décembre 2011 avait modifié certaines dispositions du précédent cahier des charges de ladite appellation, homologué par le décret n° 2011-174 du 11 février 2011, ont estimé que les modifications apportées n'étaient pas inconciliables avec le règlement de classement adopté par l'arrêté du 6 juin 2011. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de la demande, a ainsi suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que le règlement de classement homologué par l'arrêté du 6 juin 2011 ne pouvait constituer le fondement réglementaire de l'arrêté contesté du 29 octobre 2012.
8. En deuxième lieu, il ressort du point 8 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de la demande, ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de ce qu'une procédure nationale d'opposition aurait dû être mise en oeuvre préalablement à l'homologation du cahier des charges relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru ", en indiquant les raisons pour lesquelles ils estimaient que les modifications apportées à ce cahier des charges ne pouvaient être regardées comme des " modifications majeures " au sens de l'article R. 614-20-1 du code rural et de la pêche maritime.
9. En troisième lieu, dans le cadre de la contestation d'un acte réglementaire par voie d'exception, ne peuvent être utilement critiquées les conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Par conséquent, le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre au moyen tiré de l'irrégularité de la composition du comité national compétent en matière d'appellations d'origine relatives aux vins lors de sa délibération du 16 juin 2011, qui était inopérant.
10. En quatrième lieu, si les requérants ont invoqué en première instance une violation des principes d'égalité et de transparence, il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif, a écarté les moyens ainsi soulevés en indiquant les raisons pour lesquelles il estimait que ces principes généraux du droit n'avaient pas été méconnus. Le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués à l'appui du moyen tiré de la violation du principe d'égalité. En particulier, il n'était pas tenu de répondre à l'argument selon lequel les vins dégustés étaient de typicité différente.
11. En cinquième lieu, il est vrai, ainsi que le font valoir les requérants, que le règlement du classement homologué par l'arrêté du 6 juin 2011 détaillait les éléments d'appréciation, tels que " les modes de distribution " ou " l'assiette foncière ", pouvant être pris en compte par la commission de classement des crus classés de l'appellation " Saint-Emilion grand cru " afin d'évaluer les quatre principaux critères de notation définis par ce règlement, à savoir, premièrement, le " niveau de qualité et [la] constance des vins ", deuxièmement, la " notoriété ", troisièmement, la " caractérisation de l'exploitation " et, quatrièmement, la " conduite de l'exploitation ". Toutefois, aucun texte ni aucun principe n'obligeait la commission de classement à pondérer ou à noter de manière individualisée ces éléments d'appréciation détaillés, lesquels ne constituaient pas, en eux-mêmes, les quatre critères de notation précités. Les premiers juges n'étaient donc pas tenus de répondre aux moyens tirés de l'absence de notation et de pondération de ces éléments, tels que " les modes de distribution " ou " l'assiette foncière ", alors même qu'ils étaient qualifiés de " sous-critères " par les requérants.
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12. En sixième lieu, si les requérants ont sollicité, en première instance, la communication de plusieurs éléments relatifs aux opérations de classement des crus classés de l'appellation " Saint-Emilion grand cru ", il ressort clairement de la motivation du jugement attaqué que les premiers juges se sont estimés suffisamment informés et ont entendu écarter cette demande de communication comme étant sans intérêt pour la solution du litige. Par conséquent, le moyen tiré d'une omission de statuer sur ce point doit être écarté.
13. En septième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal administratif a estimé que le conseil d'administration du syndicat intéressé avait, préalablement à l'homologation du règlement de classement du 6 juin 2011, émis valablement son avis. Le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été répondu au moyen tiré de l'irrégularité de la consultation de cet organisme manque donc en fait.
14. En huitième et dernier lieu, les requérants reprochent au tribunal administratif de n'avoir pas répondu à plusieurs arguments présentés à l'appui de leur moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la notation, et en particulier le critère lié à la topologie de leur exploitation. Toutefois, les premiers juges n'avaient pas à répondre à ce moyen inopérant, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apporter une appréciation sur les mérites des candidats.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement est régulier.
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
16. Par une demande introductive d'instance enregistrée au tribunal administratif de Bordeaux le 21 février 2013, M. B...et le GFA Geoffrion ont présenté des conclusions d'excès de pouvoir dirigées contre l'arrêté du 29 octobre 2012, en demandant l'annulation de l'ensemble de la liste du classement homologué des crus de l'appellation d'origine contrôlée " Saint-Emilion grand cru ". Puis, par un mémoire enregistré le 12 juin 2014, ils ont complété leurs conclusions d'excès de pouvoir, en demandant, outre l'annulation de l'ensemble du classement homologué, l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2012, en tant que le Château Croque Michotte ne figure pas dans ce classement homologué. A aucun moment, M. B...et le GFA Geoffrion n'ont présenté au tribunal administratif une demande tendant à l'annulation de la décision du 5 septembre 2012 par laquelle la commission de classement a proposé de ne pas retenir le Château Croque Michotte parmi la liste des " grands cru classé " et dont ils avaient connaissance, à tout le moins, dès le 15 septembre 2012, date leur recours gracieux dirigé contre cette décision.
17. L'arrêté du 29 octobre 2012, qui se distingue de la décision du 5 septembre 2012 par laquelle la commission de classement a proposé de ne pas retenir le Château Croque Michotte parmi la liste des " grands crus classés ", a le caractère d'un acte collectif composé de plusieurs décisions à caractère individuel. Or, le délai de recours contentieux contre un tel acte court à compter de la date de sa publication qui, en l'espèce, a été effectuée au Journal officiel de la République française le 7 novembre 2012. Les conclusions de M. B... et du GFA Geoffrion dirigées contre l'arrêté du 29 octobre 2012, présentées au tribunal administratif plus de deux mois après sa publication au Journal officiel de la République française, étaient donc tardives.
18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées à l'adresse de l'INAO et de l'État, que M. B...et le GFA Geoffrion ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention du Conseil des vins de Saint-Emilion est admise.
Article 2 : La requête de M. B... et du GFA Geoffrion est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., au groupement foncier agricole Geoffrion, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, au ministre de l'action et des comptes publics, au directeur de l'Institut national de l'origine et de la qualité et au conseil des vins de Saint-Emilion.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. David Katz, premier conseiller,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
Le rapporteur,
David A...
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX00704