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14/02/2018 | FRANCE | N°16-22335

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 février 2018, 16-22335


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 8252-2 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire ; que lorsque l'étranger employé sans titre l'a été dans le cadre d'un travail dissimulé, il bénéficie soit des dispositions de l'article L. 8223-1, soit des dispositions du présen

t chapitre si celles-ci lui sont plus favorables ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 8252-2 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire ; que lorsque l'étranger employé sans titre l'a été dans le cadre d'un travail dissimulé, il bénéficie soit des dispositions de l'article L. 8223-1, soit des dispositions du présent chapitre si celles-ci lui sont plus favorables ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., de nationalité sénégalaise, a été engagé à compter du 4 mai 2012 par la société Starqush en qualité de second de cuisine ; que licencié pour faute grave par lettre du 11 septembre 2013 et soutenant avoir effectué des heures supplémentaires, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Attendu que pour condamner l'employeur au versement de sommes au titre de l'indemnité de travail dissimulé et de l'indemnité forfaitaire de trois mois, l'arrêt énonce que l'employeur ne justifiant pas que le salarié était muni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée, il y a lieu d'appliquer l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 8252-2 du code du travail de trois mois de salaire, et que la pratique consistant à rémunérer les heures supplémentaires sous forme de prime, pendant les premiers mois de la relation contractuelle, caractérise la volonté délibérée de faire échapper aux obligations déclaratives une partie de la rémunération du salarié et qu'il convient dès lors de faire droit à la demande formée au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des dispositions légales que le salarié ne pouvait prétendre qu'à l'une ou l'autre des indemnités, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Starqush à verser à M. Y... les sommes de 13 936, 08 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé et de 5 130, 90 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 8252-2 du code du travail, l'arrêt rendu le 16 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Starqush

La société Starqush fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. Y... les sommes de 13.936,08 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé, de 5.130,90 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 8252-2 du code du travail et celle de 300 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des carences de l'employeur dans l'accomplissement des démarches relatives à l'emploi d'un travailleur étranger ;

AUX MOTIFS QU'en l'espèce, l'employeur ne justifie pas avoir transmis au préfet la copie du document produit par l'étranger à l'embauche ; que l'employeur verse aux débats la copie du registre du personnel qui porte la mention des références du titre que M. Y... aurait présenté à son employeur à savoir : « carte de séjour, date d'entrée 1/03/95, numéro carte de séjour [...]         valable jusqu'au 1/ 10/ 13» ; que le fait que cette mention soit suivie des mots « registre visé par l'inspection du travail le 22/05/2012 », alors en outre que le salarié avait été engagé depuis le 4 mai 2012, ne signifie pas que le titre de séjour a été effectivement présenté et examiné par l'inspecteur du travail ; que de plus, l'employeur ne produit pas la copie du titre présenté, que la loi lui fait pourtant obligation d'annexer au registre unique du personnel ; que l'employeur ne justifiant pas que M. Y... était muni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée, il y a lieu d'appliquer l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 8252-2 du code du travail de trois mois de salaire ; que la société Starqush sera en conséquence condamnée à verser la somme de 3 x 1710,30 €, soit 5130, 90 € de ce chef ; qu'en outre, le délit d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié cause nécessairement un préjudice direct et personnel au travailleur étranger irrégulièrement employé ; que M. Y... ne produit toutefois aucun document sur sa situation administrative ; qu'il ne justifie pas que le courrier daté du 15 juillet 2013 en ces termes : «Monsieur, vous employez M. Y... qui se trouve être en situation irrégulière sur le territoire. Les dispositions de la circulaire du 28 novembre 201, vous permettent d'éviter des poursuites pénales, dans la mesure où sa régularisation par le travail est possible. Je vous convie en conséquence remplir le formulaire Cerfa communiqué par la préfecture étant précisé que M. Y... est tout disposé à régler la taxe exigée par l'OFI.J'ajoute que, eu égard aux conditions d'embouche, un refus de régularisation de M. Y..., pas compréhensible humainement parlant, ne le serait pas davantage juridiquement »), a effectivement été adressé à cette date à son employeur, alors que l'employeur affirme sans être démenti qu'il a reçu ce courrier le 11 septembre 2013, soit concomitamment à la procédure de licenciement ; que M. Y... verse aux débats la déclaration de main courante qu'il a faite le 2 septembre 2013 [
] ; que M. Y... qui mentionne dans cette main courante les détails du conflit qui l'oppose à son employeur, ne mentionne à aucun moment la situation de travail illicite dans laquelle il se trouverait, ni le fait que son avocat aurait demandé expressément depuis juillet 2013 à la société de remplir l'imprimé Cerfa ; que dans le courrier qu'il a adressé le 21 août 2013 à son employeur, pour contester l'avertissement dont il venait de faire l'objet, M. Y... a accusé son employeur de ne pas respecter la loi, en visant la dissimulation de déclaration à l'Urssaf et la dissimulation et la fausse déclaration aux impôts, sans aucunement invoquer sa situation de travailleur sans-papiers ; qu'en considération de l'absence d'éléments .sur l'étendue du préjudice subi, la société Starqush sera condamnée à verser la somme de 300 € titre à de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des carences de l'employeur dans l'accomplissement des démarches relatives à l'emploi d'un travailleur étranger ; (
.) ;
Sur le travail dissimulé ; que l'examen des bulletins de salaire a révélé que dans les premiers mois suivant son embauche, le salarié a perçu des « primes exceptionnelles », sans autre précision, d'un montant relativement important puisque représentant environ 1/5eme de la rémunération ; que faute pour l'employeur d'apporter la moindre explication sur cette rémunération variable, et alors que la cour a retenu que cette rémunération correspondait au paiement d'heures supplémentaires omises sur le bulletin de salaire, l'existence d'une pratique consistant à rémunérer les heures supplémentaires sous forme de prime, pendant les premiers mois de la relation contractuelle, doit être retenue ;que cette pratique caractérise la volonté délibérée de faire échapper aux obligations déclaratives une partie de la rémunération du salarié ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à la demande formée au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ; que pour le calcul du salaire de référence, il y a lieu de tenir compte de la moyenne des derniers bulletins de salaire (mai à août 2013) qui font apparaître les heures supplémentaires effectuées ; que l'indemnité pour travail dissimulé s'élève donc à la somme suivante : 6 x 2322,68 = 13.936,08 € ;

1°) ALORS QUE le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire du simple fait pour l'employeur de faire effectuer par un salarié des heures supplémentaires rémunérées sous forme de prime ; qu'en se bornant, pour faire droit à la demande du salarié en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, à déduire le caractère intentionnel de la mention sur les bulletins de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli de la rémunération des heures supplémentaires sous forme de prime, pendant les premiers mois de la relation contractuelle, sans caractériser autrement l'élément intentionnel de l'omission sur les bulletins de paie du nombre d'heures de travail réellement effectuées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en tout état de cause, lorsque le salarié étranger employé sans autorisation de travail l'a été dans le cadre d'un travail dissimulé et que son contrat de travail a été rompu, il bénéfice, selon l'article L. 8252-2 du code du travail, soit d'une indemnité pour travail dissimulé soit d'une indemnité forfaitaire pour rupture du contrat de travail, seule l'indemnité la plus favorable pouvant être octroyée par le juge ; qu'en condamnant la société Starqush à verser à M. Y... la somme de 5130,90 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à L. 8252-2 du code du travail et celle de 13936,08 euros à titre d'indemnité forfaire pour travail dissimulé, la cour d'appel qui a cumulé les deux indemnités forfaitaires, a ainsi violé l'article L. 8252-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-22335
Date de la décision : 14/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, CONTROLE DE L'APPLICATION DE LA LEGISLATION - Lutte contre le travail illégal - Travail dissimulé - Sanction - Indemnisation - Indemnité forfaitaire - Cumul avec d'autres indemnités - Possibilité (non) - Cas - Indemnité forfaitaire pour emploi illicite d'un salarié étranger

EMPLOI - Travailleurs étrangers - Emploi illicite - Licenciement du salarié - Effets - Indemnisation - Indemnité forfaitaire - Cumul avec d'autres indemnités - Possibilité (non) - Cas - Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Il résulte de l'article L. 8252-2 du code du travail que le salarié étranger a droit, au titre d'une période d'emploi illicite, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire en cas de rupture de la relation de travail. En conséquence, lorsque l'étranger, employé sans titre, l'a été dans le cadre d'un travail dissimulé, il bénéficie soit des dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail, soit de celles de l'article L. 8252-2 du même code, si celles-ci lui sont plus favorables


Références :

article L. 8252-2 du code du travail dans sa version applicable au litige

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 fév. 2018, pourvoi n°16-22335, Bull. civ.Bull. 2018, V, n° 28
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, V, n° 28

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22335
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