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15/11/2017 | FRANCE | N°16-14630

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 novembre 2017, 16-14630


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 661-3 du code de commerce, ensemble l'article 583 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Diane, représentée par son liquidateur judiciaire, a formé tierce opposition au jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde de la société SFER, son débiteur ;

Attendu que pour déclarer irrecevable cette tierce opposition, l'arrêt retient que la société Diane ne peut, dans le cadre d'une p

rocédure de tierce opposition, développer une argumentation qu'elle n'avait pas cru bon d'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 661-3 du code de commerce, ensemble l'article 583 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Diane, représentée par son liquidateur judiciaire, a formé tierce opposition au jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde de la société SFER, son débiteur ;

Attendu que pour déclarer irrecevable cette tierce opposition, l'arrêt retient que la société Diane ne peut, dans le cadre d'une procédure de tierce opposition, développer une argumentation qu'elle n'avait pas cru bon d'exposer lorsque son avis sur le projet de plan a été sollicité ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si la société Diane invoquait une fraude à ses droits ou un moyen qui lui était propre, peu important qu'il n'ait pas été invoqué à l'occasion de la consultation de la société Diane sur le projet de plan de sauvegarde, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Condamne la société SFER aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société BTSG, ès qualités

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 19 novembre 2014 qui avait écarté comme irrecevable la tierce opposition de la SCP BTSG ès qualités au jugement du 20 août 2014 arrêtant le plan de sauvegarde de la société SFER ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Diane ne peut soutenir que le jugement aurait été rendu en fraude de ses droits pour avoir été tenue dans l'ignorance du projet de plan de sauvegarde de la société SFER alors qu'elle a donné son avis sur ledit projet par courrier du 19 mai 2014 ; qu'elle a fait savoir qu'elle s'y opposait notamment au motif qu'il ne prévoyait pas le remboursement de sa créance, qu'elle a par ailleurs observé que le montant des créances fiscales et des fournisseurs sur la société SFER n'était pas encore connu de façon définitive, qu'elle a aussi suggéré que la société était d'ores et déjà en état de cessation des paiements ; qu'ayant donné son avis, ainsi que l'a retenu le premier juge, elle ne peut donc sérieusement soutenir que le jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis du 20 août 2014 qui s'est prononcé sur le plan de sauvegarde aurait été prononcé en fraude de ses droits ; que la société Diane affirme encore que le jugement du 20 août 2014 aurait été pris en fraude de ses droits en ce qu'il a été décidé qu'il n'y avait pas lieu de prendre en compte sa créance déclarée de 216.764.736 € pour se prononcer sur la viabilité de la proposition de plan de sauvegarde alors qu'il résulte de l'article L. 626-21 du code de commerce que le plan de sauvegarde doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, même celles qui sont contestées ; qu'il s'agit là en réalité d'un moyen personnel au soutien de la tierce opposition ; que la société Diane avait déclaré le 19 avril 2013 une créance de 216.764.736 € représentant pour l'essentiel la perte de l'économie fiscale ainsi que les intérêts et pénalités et majorations fiscales de retard subies pour les années 2008 à 2010 par les investisseurs qui par ailleurs ont procédé à leur propre déclaration de créance ; que la décision du juge-commissaire du 6 février 2014 qui a rejeté la déclaration de créance de la société Diane dans la procédure de la société SFER a depuis lors été confirmée par la Cour ; que si la jurisprudence retient que le passif contesté doit être pris en compte dans les prévisions du plan de sauvegarde, cette obligation a pour limite l'abus manifeste de déclaration de créance, ici caractérisé ; que par ailleurs, la société Diane ne peut, comme elle le fait dans ses copieuses écritures, dans le cadre d'une procédure de tierce opposition, développer une argumentation qu'elle n'avait pas cru bon exposer lorsque son avis sur le projet de plan a été sollicité ; que les conditions de l'article 583 du code de procédure civile ne sont pas réunies ; que la SCP BTSG ès qualités n'est pas recevable en sa tierce-opposition ; que le jugement est en voie de confirmation (arrêt, p. 11) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'en l'espèce, estimer que le jugement du 20 août 2014 aurait été rendu en fraude des droits de la SARL Diane signifierait qu'elle était tenue dans l'ignorance du projet de plan par la suite d'une collusion entre les parties au litige ; qu'invitée par le mandataire judiciaire – comme tous les autres créanciers – à donner son avis sur la proposition de plan de sauvegarde de la SFER élaboré par les administrateurs judiciaires, la société Diane s'y est opposée au motif qu'il ne prévoyait pas le remboursement de sa créance ; qu'elle a donc pu faire valoir ses arguments et son refus a bien été acté dans l'état des réponses remis au tribunal par le mandataire judiciaire ; qu'en ce qui concerne la deuxième condition de l'article 583 alinéa 2 du code de procédure civile, il s'agit du moyen propre qui est un moyen personnel à l'intéressé, que lui seul peut faire valoir ; qu'en l'espèce, il convient de rappeler que la SARL Diane a déclaré le 19 avril 2013 une créance de 216.764.736,85 € représentant pour l'essentiel la perte de l'économie fiscale ainsi que les intérêts, pénalités et majorations fiscales de retard subis pour les années 2008 à 2010 par les investisseurs lesquels ont d'ailleurs procédé à leur propre déclaration de créance ; que par ordonnance rendue le 6 février 2014, le juge-commissaire a rejeté la créance de la SARL Diane, décision dont cette dernière a interjeté appel ; que la cour d'appel n'a toujours pas rendu sa décision ; que les conditions de l'article 583 précité n'étant pas remplies, il convient de débouter M. A..., ès qualités de liquidateur de la SARL Diane, de sa tierce opposition (jugement, p. 4 et 5 § 1) ;

1°) ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; qu'il ne peut soulever un moyen d'office sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la société BTSG, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Diane, contestait le plan de sauvegarde de la société SFER adopté le 28 août 2014 en faisant valoir que ce plan aurait dû prévoir le remboursement de la créance déclarée par la société Diane, fût-elle contestée (concl., p. 26 à 28) ; que la cour d'appel a rejeté ce moyen au motif que la décision du juge-commissaire du 6 février 2014 ayant rejeté cette créance avait été « depuis lors confirmée par la Cour », et qu'il en résultait un « abus manifeste de déclaration de créance » (arrêt, p. 11 § 8 et 9) ; qu'aucune des parties ne s'était prévalue dans ses écritures d'un rejet à hauteur d'appel de la créance déclarée par la société Diane ; que la cour d'appel, qui a dès lors soulevé un moyen d'office tiré du rejet en appel de la créance, n'a pas invité les parties à présenter préalablement leurs observations et a ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile et le principe de la contradiction ;

2°) ALORS QU'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt ; que les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent former tierce opposition au jugement rendu en fraude à leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres ; que la recevabilité de la tierce opposition à l'encontre d'un jugement arrêtant un plan de sauvegarde n'est subordonnée ni à la formulation, par le tiers opposant, d'une contestation préalable du projet, ni à celle de l'ensemble des moyens susceptibles de fonder une tierce opposition ultérieure ; qu'en l'espèce, la société BTSG ès qualités faisait valoir que le plan de sauvegarde de la société SFER était incompatible avec les conventions conclues par la société Diane pour la mise en place des sociétés de défiscalisation et portait atteinte à son droit de propriété sur les centrales photovoltaïques (concl., p. 28 et s.) ; que la cour d'appel a refusé d'examiner ces moyens au motif que la société Diane ne pouvait, « dans le cadre d'une procédure de tierce opposition, développer une argumentation qu'elle n'avait pas cru bon exposer lorsque son avis sur le projet de plan a été sollicité » (arrêt, p. 11 § 10) ; qu'en se prononçant ainsi, en soumettant la recevabilité de la tierce opposition à une condition qui n'est pas prévue par la loi, la cour d'appel a violé les articles L. 661-2 du code de commerce et 583 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt ; que les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent former tierce opposition au jugement rendu en fraude à leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres ; qu'en l'espèce, la société BTSG ès qualités faisait valoir (concl., p. 28 à 30) que le plan de sauvegarde de la société SFER était incompatible avec les conventions conclues avec la société Diane pour la mise en place des sociétés de défiscalisation, dans la mesure où il faisait obstacle à la mise en oeuvre des clauses résolutoires prévues dans ces conventions en cas de remise en cause de l'avantage fiscal sur lequel elle reposait ; qu'elle faisait également valoir (concl., p. 30 à 33) que le plan portait atteinte à son droit de propriété sur les centrales photovoltaïques puisqu'il reposait sur l'acquisition in fine de ces centrales par les sociétés d'exploitation sur la base de promesses d'achat qui ne l'engageaient pas ; que la cour d'appel, pour déclarer irrecevable la tierce opposition formée par la société BTSG ès qualités, s'est bornée à affirmer que la société Diane avait commis un abus de déclaration de créance et que sa créance avait été rejetée en appel (arrêt, p. 11 § 8 et 9), et qu'elle ne pouvait développer une argumentation qui n'avait pas été exposée dans son avis sur le projet de plan (arrêt, p. 11 § 10) ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à répondre aux moyens selon lesquels le plan de sauvegarde de la société SFER était incompatible avec la mise en oeuvre de la clause résolutoire prévue dans les conventions conclues pour la mise en place des sociétés de défiscalisation et portait atteinte au droit de propriété de la société Diane sur les centrales photovoltaïques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 661-2 du code de commerce et de l'article 583 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-14630
Date de la décision : 15/11/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Sauvegarde - Plan de sauvegarde - Jugement arrêtant le plan - Voies de recours - Tierce opposition - Recevabilité - Conditions - Détermination

Viole l'article L. 661-3 du code de commerce, ensemble l'article 583 du code de procédure civile, la cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable la tierce opposition formée par un créancier contre le jugement arrêtant le plan de sauvegarde de son débiteur, retient que ce créancier développe une argumentation qu'il n'avait pas exposée lorsqu'il a donné son avis sur le projet de plan, alors qu'il lui appartenait de rechercher si ce créancier invoquait une fraude à ses droits ou un moyen qui lui était propre, peu important qu'il n'ait pas été invoqué à l'occasion de sa consultation sur le projet de plan de sauvegarde


Références :

article L. 661-3 du code de commerce

article 583 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 27 janvier 2016

Sur les conditions de recevabilité de la tierce opposition formée par un créancier contre le jugement arrêtant le plan de sauvegarde, à rapprocher :Com., 26 janvier 2016, pourvois n° 14-11.298, 14-13.690, Bull. 2016, IV, n° 16 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 nov. 2017, pourvoi n°16-14630, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.14630
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