LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 661-6, III, et L. 661-7, alinéa 2, du code de commerce, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, et les principes régissant l'excès de pouvoir ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que le débiteur est recevable à former appel du jugement qui arrête ou rejette le plan de cession de l'entreprise ; que par exception au second, qui réserve au ministère public le pourvoi en cassation en la matière, ce recours est ouvert à une partie à l'arrêt statuant sur l'appel d'un tel jugement, en cas d'excès de pouvoir ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, les 14 avril 2015 et 23 février 2016, la société Aux Délices de la tour (la société ADT), exploitant un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société MJ synergie étant désignée liquidateur ; que, par un jugement du 14 décembre 2015, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société ADT au profit de la société Boulangerie-pâtisserie Febre ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel réformation relevé par la société débitrice, l'arrêt retient que cette dernière ne caractérise pas l'intérêt propre qu'elle aurait de faire appel du jugement arrêtant son plan de cession ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le débiteur a qualité pour former appel du jugement arrêtant le plan de cession de l'entreprise, la cour d'appel, en déclarant l'appel de la société ADT irrecevable, a commis un excès de pouvoir négatif que cette société pouvait dénoncer par la voie du recours en cassation ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la saisine de la cour est régulière, l'arrêt rendu le 28 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne M. Y..., la société Boulangerie-pâtisserie Febre, la société AJ partenaires, en qualité d'administrateur judiciaire de la société ADT, et la société MJ synergie, en qualité de mandataire judiciaire de celle-ci, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Aux Délices de la tour
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société Aux délices de la Tour irrecevable en son appel du jugement arrêtant le plan de cession,
AUX MOTIFS QUE l'article L. 661-6 II du code de commerce reconnaît au débiteur le droit de faire appel des décisions arrêtant ou rejetant le plan de cession pour la protection stricte de ses intérêts propres ; qu'ainsi le débiteur qui a présenté un plan de redressement a un intérêt propre à faire appel d'un jugement qui arrête le plan de cession totale ou partielle de son entreprise, ou qui méconnaît les principes fondamentaux du droit, ou porte atteinte à un droit propre qui ne se confond pas, cependant, avec l'intérêt collectif des salariés ou des créanciers, ou avec les intérêts personnels de son dirigeant ou de ses cocontractants, et encore moins avec ceux du repreneur évincé ; que dans le cadre des intérêts propres qu'elle prétend protéger pour justifier de son intérêt à faire appel du jugement arrêtant le plan de cession, la société Aux Délices de la Tour qui n'avait pas présenté antérieurement de plan de redressement soutient principalement que du fait même que M. Y... offre un prix de cession sensiblement plus important, elle a un intérêt à s'opposer au choix d'un cessionnaire qui présente une offre moins avantageuse, donc un apurement moindre de son passif ; que le remboursement plus important des créanciers résultant d'un prix de cession plus élevé n'intéresse que la collectivité des créanciers, dont les intérêts sont défendus, dans le cadre du jugement de redressement judiciaire, par le mandataire judiciaire, et ce dernier, après avoir émis, pour ce motif, un avis favorable à l'offre de M. Y..., a modifié sa position devant le tribunal de commerce, au regard des critères édictés par les articles L. 642-1 et L. 642-5 al1 du code de commerce, et notamment des garanties de pérennité de l'entreprise et d'exécution du plan de cession présentées par la société Boulangerie pâtisserie Fèbre ; qu'il n'est pas prétendu que le différentiel de prix de cession permettrait après distribution aux créanciers de dégager un bonus au profit de la société Aux Délices de la Tour ; que celle-ci invoque en second lieu le fait que la non reprise par cette offre d'un contrat de crédit-bail portant sur une machine aura pour effet d'augmenter son passif, ce qui n'intéresse là encore que l'intérêt collectif des créanciers ou du co-contractant, qu'elle n'est pas chargée de protéger, étant observé au demeurant qu'aucune pièce relative à ce contrat n'est fournie permettant d'apprécier l'incidence financière d'une poursuite ou non de ce contrat, selon qu'il comporte ou non une option d'achat ; que concernant les irrégularités de procédure qu'elle soulève, sans en tirer d'ailleurs une quelconque conséquence en termes d'atteinte aux principes fondamentaux du droit, la société appelante invoque la non convocation des bailleurs, dont elle ne représente pas les intérêts, même si l'un de ces bailleurs est précisément M. Y..., candidat cessionnaire évincé, ou, au dernier état de ses écritures, la modification par la société Boulangerie Pâtisserie Fèbre de son offre, en dehors du délai prévu par l'article R. 642-1 du code de commerce, alors que cette modification qui a porté sur la date de prise de possession ramenée au 28 décembre 2012 au lieu du 1er janvier 2013 a eu pour effet de mettre à la charge du preneur les primes de fin d'année des salariés, ce qui n'a donc causé aucun grief à la société appelante ; qu'en l'absence de caractérisation par la société Aux Délices de la Tour de l'intérêt propre qu'elle aurait de faire appel du jugement arrêtant le plan de cession, l'appel qu'elle a interjeté contre ce jugement doit être déclaré irrecevable en application de l'article 546 du code de procédure civile ;
1) ALORS QUE le débiteur est recevable à interjeter appel du jugement qui arrête le plan de cession ; que ce droit existe indépendamment du bien-fondé des moyens invoqués par le débiteur pour obtenir la réformation de ce jugement ; qu'en énonçant, pour dire irrecevable l'appel formé par la société Aux Délices de la Tour, qu'elle ne caractérisait pas l'intérêt propre qu'elle aurait de faire appel du jugement arrêtant le plan de cession, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé par refus d'application l'article L. 661-6 III du code de commerce, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU'en tout état de cause, le débiteur dont l'entreprise fait l'objet d'un plan de cession et qui se trouve ainsi exproprié a intérêt à interjeter appel du jugement ayant ordonné la cession, soit pour s'y opposer, soit pour faire valoir ses arguments en faveur d'un autre repreneur ; qu'en énonçant que la société Aux Délices de la Tour était dépourvue d'intérêt à interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 546 du code de procédure civile.