La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/01/2018 | FRANCE | N°15MA03876

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 18 janvier 2018, 15MA03876


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E...A..., agissant tant en leur nom propre qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs F...etB..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise sur les conditions de prise en charge de leur fils C...par l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et, à titre subsidiaire, de la condamner à leur payer la somme de 133 686 euros.

La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a demandé au tr

ibunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique - hôpitau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E...A..., agissant tant en leur nom propre qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs F...etB..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise sur les conditions de prise en charge de leur fils C...par l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et, à titre subsidiaire, de la condamner à leur payer la somme de 133 686 euros.

La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille à lui payer la somme de 3 481,82 euros au titre de ses débours et celle de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1308339 du 29 juin 2015, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille à payer à M. et Mme A...en leur qualité d'ayants droit de leur fils " la totalité ou une fraction " de la somme de 2 001,50 euros, ainsi que, sous réserve de déduction des provisions déjà versées, 2 000 euros tant à M. A...qu'à Mme A...et 1 400 euros en leur qualité de représentant légal de leur fils F...et de leur filleB.... Le tribunal a condamné l'établissement public de soins à payer à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 10,82 euros au titre de ses débours ainsi que celle de 103 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 septembre 2015, M. A...et autres, représentés par MeI..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 juin 2015 ;

2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille à leur payer la somme de 133 686 euros.

Ils soutiennent que :

- une nouvelle expertise est nécessaire ;

- les expertises n'ont pas été réalisées de manière contradictoire ;

- l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille a commis des fautes médicales ;

- le taux de perte de chance a été sous-évalué ;

- l'enfant C...a subi un préjudice ;

- les parents et les frère et soeur ont subi un préjudice extrapatrimonial ainsi qu'un préjudice d'accompagnement ;

- ils ont subi un préjudice patrimonial.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2017, l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille, représentée par MeH..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A...et autres ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.

Sur l'expertise :

1. Considérant que les requérants ont été représentés par leur médecin conseil lors de l'expertise conduite par le docteur Mselati à l'initiative de la commission de conciliation et d'indemnisation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'ils aient été empêchés de faire valoir leur point de vue ou que les expertises soient partiales ;

2. Considérant qu'aucune expertise relative au décès du petit C...n'a été ordonnée par une juridiction ; que, cependant, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le juge, s'il est suffisamment informé, estime qu'une nouvelle expertise serait inutile et, sans porter atteinte en tout état de cause au droit au procès équitable, rejette les conclusions formées en ce sens ;

Sur les conclusions à fin de condamnation :

En ce qui concerne la responsabilité :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnées à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) " ;

4. Considérant que le petit C...a été admis aux urgences de l'hôpital Nord le 3 janvier 2011 à 7 heures 45 en raison d'une rhino-pharyngite évoluant de manière défavorable depuis le 2 janvier ; que le retour au domicile a été autorisé à 8 heures 45 avec une simple prescription médicamenteuse pour soigner une rhinite ; que, cependant, lors de cette prise en charge, le rythme cardiaque, noté à un niveau pathologique de 190 battements par minute à l'arrivée, n'a pas été contrôlé lorsque l'enfant était plus calme ; que la pression artérielle n'a pas été mesurée ; que cette insuffisance du suivi médical, qui a eu pour conséquence de faire obstacle à toute possibilité de détection de l'infection bactérienne fulminante par un staphylocoque doré sécréteur de la leucocidine de Panton Valentine avec le gène codant pour la toxine du choc toxique staphylococcique dont était atteintC..., a privé celui-ci d'une chance de bénéficier d'un traitement adapté ; qu'ainsi que l'a jugé le tribunal, l'insuffisance du suivi médical est de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille ;

5. Considérant, en second lieu, que l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille n'a pas manqué à son obligation d'information quand, après avoir diagnostiqué une rhinite, elle a prescrit un antalgique et un sérum physiologique ; qu'en tout état de cause, ces prescriptions ne sont pas la cause du décès du petitC... ; qu'eu égard à la situation d'urgence le 4 janvier 2011 à partir de 15 heures 55 lorsque l'enfant a été pris en charge avant son décès à 17 heures 05, l'établissement hospitalier était dispensé, en application de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, d'informer les parents de l'enfant des traitements alors effectués ;

En ce qui concerne la perte de chance :

6. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des expertises diligentées par la commission de conciliation et d'indemnisation, que l'infection bronchogène, liée à la pullulation de la bactérie communautaire qui est favorisée par l'inflammation liée à la rhino-pharyngite virale dont souffrait l'enfant depuis quelques jours a eu une évolution très rapide ; qu'un second contrôle du rythme cardiaque et la vérification de la tension artérielle le 3 janvier 2011 n'auraient pas nécessairement conduit à pratiquer, en l'absence de troubles hémodynamiques patents ou de signes de détresse respiratoire, des examens complémentaires tels qu'une numération de la formule sanguine ou une radiographie thoracique ; qu'en outre, ces actes n'auraient peut-être pas permis de détecter la maladie, la numération de la formule leucocytaire étant souvent peu modifiée en cas d'infection staphylococcique débutante et les signes radiologiques apparaissant habituellement avec retard par rapport aux signes cliniques ; qu'au surplus, les chances de survie avec un traitement antibiotique intraveineux pris dès le 3 janvier 2011 au matin auraient été de l'ordre de 25 % ; que, par suite, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que le taux de perte de chance d'éviter que le décès ne soit advenu devait être fixé à 10 % ;

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices :

Quant au préjudice subi par C...A... :

8. Considérant que le droit à réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ; que si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers ;

9. Considérant que les souffrances endurées par le jeuneC..., évaluées à 6 sur une échelle de 1 à 7, ainsi que le déficit fonctionnel total les 3 et 4 janvier 2011, seront justement réparés, eu égard à leur durée, par une somme qui devra être portée à 21 000 euros ;

10. Considérant que la réalité de la souffrance morale de l'enfant, conscient du risque de son décès, n'est pas établie ;

11. Considérant que la perte de chance de survie n'est pas un préjudice distinct de celui résultant du décès ; que celui-ci ne crée un droit à indemnisation qu'au profit des ayants droit du défunt ;

12. Considérant qu'ainsi, le préjudice propre de l'enfant C...sera plus justement réparé en le portant à la somme de 21 000 euros ; que, compte tenu du taux de perte de chance retenu, il y a lieu de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille à payer à sa succession la somme de 2 100 euros ;

Quant au préjudice subi par les consortsA... :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

13. Considérant qu'il ressort de l'attestation de l'employeur de M. A...que celui-ci n'a pas travaillé du 4 janvier 2011 au 2 février 2011 ; que, cependant, les requérants indiquent que cette absence a été considérée comme une période de congés payés ; qu'ils ne justifient pas l'existence d'une perte de revenus ;

14. Considérant que les requérants, en produisant un devis établi le 25 février 2011 par une société de pompes funèbres différente de celle qu'ils ont choisie, n'établissent pas le montant des frais exposés pour l'organisation des obsèques du petit C...au Maroc ; qu'ils ne justifient ni le nombre de voyages en avion qu'ils ont effectivement payés, ni le prix de ceux-ci, ni l'existence d'une location d'un véhicule au Maroc, ni le coût de celle-ci ; qu'en outre, les frais, au demeurant non démontrés, de réception de l'ensemble de la famille résidant au Maroc ne résultent pas de manière directe du décès de l'enfant ;

15. Considérant qu'ainsi, les conclusions des requérants tendant à l'indemnisation d'un préjudice financier doivent être rejetées, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif ;

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

16. Considérant que, pas davantage en appel qu'en première instance, les requérants n'ont précisé la nature des bouleversements dans leur mode de vie quotidien pendant la période de trente-deux heures entre la faute de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et le moment du décès de leur enfant ; qu'il y a donc lieu de rejeter leur demande au titre du préjudice d'accompagnement ;

17. Considérant qu'il sera fait, compte tenu du taux de 10 % de perte de chance retenu, une plus juste appréciation du préjudice d'affection subi par chacun des deux parents en le fixant à la somme de 2 500 euros et de celui de chacun de leurs deux enfants en le fixant à celle de 2 000 euros ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire qui, en l'espèce, n'aurait pas de caractère utile, que les requérants sont seulement fondés à demander à ce que soient portées à 2 100 euros la somme due par l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille aux ayants droits deC..., à 2 500 euros celles dues à M. E...A...qu'à Mme D...A...et à 2 000 euros celles qui leur sont dues en leur qualité de représentant légal de leurs enfants mineurs F...etB... ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué du 29 juin 2015 du tribunal administratif de Marseille ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 2 001,50 euros que l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille a été condamnée à payer à M. et Mme A...en leur qualité d'ayants droit de l'enfant C...A...par le jugement du 29 juin 2015 du tribunal administratif de Marseille est portée à la somme de 2 100 euros.

Article 2 : La somme de 2 000 euros que l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille a été condamnée à payer à M. E...A...par le jugement du 29 juin 2015 du tribunal administratif de Marseille est portée à la somme de 2 500 euros.

Article 3 : La somme de 2 000 euros que l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille a été condamnée à payer à Mme D...A...par le jugement du 29 juin 2015 du tribunal administratif de Marseille est portée à la somme de 2 500 euros.

Article 4 : La somme de 1 400 euros que l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille a été condamnée à payer à M. et Mme A...en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure B...par le jugement du 29 juin 2015 du tribunal administratif de Marseille est portée à la somme de 2 000 euros.

Article 5 : La somme de 1 400 euros que l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille a été condamnée à payer à M. et Mme A...en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur F...par le jugement du 29 juin 2015 du tribunal administratif de Marseille est portée à la somme de 2 000 euros.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A..., à Mme D...G...épouseA..., à l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2017, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- MmeJ..., première conseillère.

Lu en audience publique le 18 janvier 2018.

2

N°15MA03876


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03876
Date de la décision : 18/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : CABINET MERSAOUI - MEDJATI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-01-18;15ma03876 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award