Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association pour le musée des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon :
- d'annuler la convention en date du 31 décembre 1998 par laquelle elle a remis à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon la collection d'oeuvres et objets lui appartenant en vue de leur affectation au musée de l'Arche ;
- d'annuler la désignation de M. A...en tant que président de l'association en 1995 ;
- de désigner un expert afin d'examiner l'état de conservation de la collection cédée à la collectivité territoriale :
- de vérifier l'état de conservation de la toile de M. D...F...exposée au musée et le degré d'hygrométrie des salles du musée de l'Arche ;
- de procéder aux auditions de M. Bernard De Soavec, président du conseil général à l'époque des faits, et de Mme E...G..., directrice du musée de l'Arche ;
- d'enjoindre au conseil territorial de fournir une copie du contrat " mentionné par Joseph Fontaine dans sa lettre du 15 mai 1995 " et de communiquer l'inventaire de la collection ;
- d'enjoindre au conseil territorial de lui donner libre accès au local qui lui est affecté au musée de l'Arche ;
- de déclarer que le local attribué est trop exigu, que la convention du 31 décembre 1998 n'a pas été respectée par la collectivité territoriale et que le musée de l'Arche ne " semble pas répondre aux missions dévolues aux musées de France " ;
- d'enjoindre au conseil territorial de lui restituer les locaux actuellement occupés par le musée de l'Arche ;
- de déclarer la directrice du musée de l'Arche et le conseil territorial responsables des dégâts et altérations éventuellement constatés sur la collection ;
- de condamner le conseil territorial aux frais et dépens.
Par un jugement n° 1400039 du 15 juillet 2015, le tribunal administratif de Saint Pierre-et-Miquelon a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction en ce qui concerne l'inventaire de la collection dévolue à la collectivité territoriale et a rejeté le surplus de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 22 septembre 2015 et 13 juillet 2016, l'association pour le musée des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon, représentée par la SCP U.G.G.C. Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon daté du 15 juillet 2015 ;
2°) d'annuler la convention en date du 31 décembre 1998 par laquelle l'association a remis à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon la collection d'oeuvres et objets lui appartenant en vue de leur affectation au musée de l'Arche ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il se contente de rappeler les dispositions du code civil en matière de prescription ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que son action était prescrite ; en effet, les dispositions de l'article 2227 du code civil ont été abrogées par la loi du 17 juin 2008 de sorte que les délais de prescription de ce code ne sont plus applicables aux personnes publiques ; le premier juge aurait dû appliquer le délai de prescription de trente ans ;
- la collection relève des dispositions de l'article L. 451-10 du code du patrimoine et la convention portant cession de la collection n'a pas été approuvée par l'autorité administrative après avis du haut conseil des musées de France ;
- cette convention a été conclue en méconnaissance de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; en effet, le procès-verbal de l'élection du président signataire de la convention litigieuse n'a pas été transmis à la préfecture et les membres signataires ne sont pas des membres du bureau directeur : or, toute décision engageant l'association doit faire l'objet d'une délibération adoptée en conseil d'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2016, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon représentée par Me C...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association pour le musée des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'avaient pas à répondre à un moyen qui n'était pas soulevé devant eux ; le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
- la loi du 17 juin 2008 est entrée en vigueur le 19 juin 2008 et le délai de prescription de cinq ans a couru à compter de cette date ; l'action était donc prescrite le 19 juin 2013 ; en effet, l'abrogation des dispositions de l'article 2227 du code civil n'a nullement eu pour effet de rendre inopposable aux personnes publiques le délai de prescription de cinq ans fixé par l'article 2224 du même code ;
- l'association ne conteste pas le jugement en ce qu'il a jugé que son action en nullité de la convention fondée sur des causes de nullité relative était prescrite en application des dispositions de l'article 1304 du code civil ;
- le moyen selon lequel la convention n'a pas été transmise à l'administration et se trouve ainsi entachée de nullité est nouveau en appel et par suite irrecevable ; il est également infondé puisque la convention de 1998 ne relevait pas des dispositions de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France ; à la date de la signature de la convention, le régime de la collection de l'association était celui prévu par l'ordonnance du 13 juillet 1945 ; or l'association ne démontre pas que la dévolution de la collection par convention devait être transmise pour approbation ou validation à l'autorité publique ;
- la convention a été signée par M. A...en sa qualité de président de l'association et ce dernier a été habilité à conclure la convention par une délibération de l'association en date du 15 décembre 1998 ; la loi du 1er juillet 1901 n'a pas été méconnue ; quand bien-même le procès-verbal de l'élection de M. A...en qualité de président n'aurait pas été transmis à la préfecture, il n'en résulterait aucunement une nullité de la convention.
Par ordonnance du 23 août 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 27 octobre 2016 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 15 juin 2017 :
- le rapport de M. Philippe Pouzoulet ;
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention conclue le 31 décembre 1998, l'association pour le musée des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon a convenu avec la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon de lui céder en pleine propriété une collection d'oeuvres et d'objets en vue de l'affecter au musée de la collectivité, dit musée de l'Arche, nouvellement créé. Les biens composant la collection ont été remis au musée de Saint-Pierre-et-Miquelon après inventaire.
2. Le 9 septembre 2014, l'association pour le musée des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon a saisi le juge administratif d'une demande tendant notamment à l'annulation de cette convention. Cette association relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction en ce qui concerne l'inventaire de la collection dévolue à la collectivité territoriale et a rejeté le surplus de la requête après avoir estimé que le recours de l'association tenant à l'annulation de la convention était atteint par la prescription.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen opposé par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon tiré de ce que la contestation de la validité du contrat par l'association requérante était prescrite. Si cette dernière conteste l'application par le juge de la prescription quinquennale, ce moyen se rapporte au bien-fondé et non à la régularité du jugement attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité doit être écarté.
Au fond :
4. En premier lieu, les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie. Il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou son annulation, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement.
5. En second lieu, aux termes de l'article 2227 du code civil, dans sa rédaction abrogée par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " L'Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers, et peuvent également les opposer ". L'article 2262 du même code, dans sa rédaction antérieure à la même loi prévoyait : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans ". Aux termes de l'article 2224 du même code, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". Et aux termes du deuxième alinéa de l'article 2222 du même code : " En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ". Enfin, l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 dispose que : " (...) II. - Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. (...) ".
6. En l'absence de toute autre disposition applicable, les personnes publiques sont soumises aux mêmes prescriptions que les particuliers et peuvent également les opposer alors même que l'article 2227 du code civil qui rappelait cette règle générale a été abrogé par la loi du 17 juin 2008.
7. En l'espèce, le délai de la prescription, alors trentenaire, du recours en validité contre la convention a ainsi commencé à courir le 31 décembre 1998 et il n'était pas parvenu à son terme lorsque la loi du 17 juin 2008 instaurant un nouveau délai de prescription de 5 ans est entrée en vigueur le 19 juin 2008. Par suite, à la date d'introduction du recours tendant à contester la validité de la convention du 31 décembre 1998 enregistré au greffe du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon le 9 septembre 2014, la prescription était acquise depuis le 19 juin 2013 ainsi que le tribunal l'a justement constaté.
8. Il résulte de ce qui précède que l'association pour le musée des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande tendant à la résiliation de la convention du 31 décembre 1998.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que l'association pour le musée des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'association pour le musée des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon à verser à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : La requête de l'association pour le musée des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon est rejetée.
Article 2 : L'association pour le musée des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon est condamnée à verser à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour le musée des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon et à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Copie en sera délivrée au préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon et au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2017 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 juin 2017.
Le président-assesseur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey La République mande et ordonne ministre des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX03131