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04/04/2017 | FRANCE | N°15BX01177

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 04 avril 2017, 15BX01177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Siblu a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'augmenter son déficit reportable au titre de l'année 2007 d'un montant de 634 274 euros.

Par un jugement n° 1302599 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de la SNC Siblu.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire complémentaire enregistrés le 31 mars 2015 et le 28 février 2017, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :

1°) d'annuler

l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 novembre 2014 ;

2°) de rédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Siblu a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'augmenter son déficit reportable au titre de l'année 2007 d'un montant de 634 274 euros.

Par un jugement n° 1302599 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de la SNC Siblu.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire complémentaire enregistrés le 31 mars 2015 et le 28 février 2017, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 novembre 2014 ;

2°) de réduire le déficit reportable de la SNC Siblu au titre de l'année 2007 à hauteur de 634 274 euros.

Il soutient que :

- l'article 39-1-3° du code général des impôts prévoit que le bénéfice net est établi sous déduction des intérêts d'emprunt dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts aux entreprises ; l'article 212-I du même code précise que les intérêts sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu à l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements financiers indépendants dans des conditions analogues ;

- l'appréciation de ce caractère analogue s'effectue en fonction du taux que l'emprunteur aurait obtenu en se finançant de manière autonome auprès d'un établissement de crédit compte tenu des caractéristiques des avances (montant des avances mis à disposition, délai de mise à disposition, risque éventuellement supporté par le prêteur) et de la situation propre à l'entreprise emprunteuse (risque de crédit) ;

- si l'article 212-I du code général des impôts n'oblige pas l'entreprise à disposer d'une offre de prêt permettant la comparaison des taux, cette dernière a néanmoins l'obligation de s'assurer que le taux réclamé correspond au plus à celui proposé par un organisme financier dans des conditions analogues ;

- la SNC Siblu justifie le taux de 8,2803 % qui lui a été facturé par les sociétés Siblu Finances et Siblu Holding par le fait que ces dernières ont emprunté aux mêmes conditions auprès du groupe bancaire Barclays et par le fait que ce taux correspond en moyenne au taux du marché ;

- mais les conditions d'emprunt imposées aux sociétés du groupe Siblu ne constituent pas une preuve de normalité suffisante du taux de 8,2803 % ; il n'est pas établi que, compte tenu de sa situation propre, la SNC Siblu n'aurait pu emprunter avec un meilleur taux directement auprès d'un établissement financier ;

- l'administration a pu à bon droit réintégrer une fraction des intérêts acquittés dans la limite du taux de 6,61 % correspondant à celui obtenu par la SNC Siblu pour une ligne de crédit obtenue directement par elle auprès de la banque Barclays ; ce taux est d'ailleurs favorable à la SNC Siblu car il est supérieur au taux de 5,41 % prévu pour 2007 par l'article 39-1-3° du code général des impôts.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 juin 2015 et le 3 mars 2017, la SNC Siblu, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du ministre de l'économie et des finances la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors que le ministre se borne à reprendre son argumentation de première instance sans critiquer le jugement du tribunal ;

- le taux d'intérêt de 8,2803 % correspond à des avances qui lui ont été accordées selon les mêmes modalités et au même taux que les sommes mises à la disposition des sociétés prêteuses, la Siblu Holding et la Siblu Finance par la banque Barclays ;

- la conclusion d'un contrat de financement au Royaume-Uni pour l'ensemble des sociétés du groupe sur la base des garanties offertes par l'ensemble de leurs actifs leur a permis d'obtenir collectivement de meilleurs taux ;

- les publications professionnelles produites montrent que les taux obtenus dans le cadre de ce contrat de financement correspondent à ceux pratiqués en moyenne sur cette période pour le même type d'opérations et constituent donc le taux de marché ;

- en 2007, sa propre situation ne lui permettait pas d'emprunter directement auprès d'un établissement financier indépendant dès lors qu'en raison du contrat " intercreditor deed " signé entre la banque Barclays et les sociétés du groupe Siblu, elle ne pouvait constituer de nouvelles garanties, l'ensemble de ses actifs ayant été apporté en nantissement du prêt de groupe ; elle ne pouvait pas non plus remettre en cause le caractère prioritaire des créances de la banque Barclays ;

- l'administration ne démontre pas que la société était en capacité d'obtenir un financement à un taux moins élevé en se bornant à faire état du taux de 6,61% appliqué à la ligne de crédit directement ouverte à la SNC Siblu auprès de la banque Barclays ; il ressort en effet des stipulations de l'article 30.2 de cet accord que ce prêt ne revêt pas un caractère autonome mais ne constitue qu'une composante et une modalité d'exercice du contrat de prêt initial.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SNC Siblu

Une note en délibéré présentée pour la SNC Siblu a été enregistrée le 8 mars 2017.

Considérant ce qui suit :

1. La société en nom collectif (SNC) Siblu détient des participations dans les sociétés d'exploitation du groupe Siblu, lequel intervient dans le secteur d'activités des loisirs. Pour calculer son bénéfice net imposable de l'année 2007, la SNC Siblu a déduit, à titre de charges, les intérêts qu'elle a acquittés en contrepartie d'avances qui lui ont été consenties par deux autres sociétés appartenant au même groupe, la société Siblu Holding et la société Siblu Finance. La SNC Siblu a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause le caractère déductible d'une fraction de ces intérêts qu'elle a réintégrée dans les résultats de l'exercice 2007. Cette réintégration, d'un montant de 634 274 euros, a entraîné une diminution du déficit reportable au titre de l'impôt sur les sociétés et conduit à un rappel, pour la société, de cotisations supplémentaires de cet impôt assorti de pénalités. La SNC Siblu a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de rehausser son déficit reportable de l'année 2007 à hauteur de 634 274 euros. Le ministre de l'économie et des finances relève appel du jugement rendu le 13 novembre 2014 par lequel le tribunal a intégralement fait droit à la demande de la SNC Siblu.

Sur la fin de non recevoir opposée par la SNC Siblu :

2. La SNC Siblu soutient que le recours du ministre est irrecevable dès lors qu'il se borne à reprendre son argumentation de première instance sans critiquer le jugement du tribunal. Toutefois, le recours ne peut être regardé comme dépourvu de toute critique du jugement dès lors que le ministre de l'économie et des finances y expose les raisons pour lesquelles c'est à tort, selon lui, que le tribunal a estimé que le taux de 8,2803 %, rémunérant les prêts consentis à la SNC Siblu, n'était pas excessif par rapport à celui que cette dernière aurait pu obtenir d'établissements financiers indépendants dans des conditions analogues. La fin de non-recevoir opposée au recours du ministre sur le fondement de l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit donc être écartée.

Sur le bien fondé de l'imposition :

3. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans. (...) ". Aux termes de l'article 212 du même code : " I. - Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise (...) sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues. (...) ". Il appartient en cas de litige à une entreprise ayant déduit des intérêts versés à une entreprise liée et dont le taux est supérieur à la limite prévue par l'article 39 précité de prouver qu'elle aurait pu obtenir le même taux auprès d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues.

4. En application de ces dispositions, la SNC Siblu, pour la détermination de son bénéfice net au titre de l'exercice 2007, a déduit les intérêts qu'elle a acquittés sur des avances consenties par la Holding Siblu et la société Siblu Finance à un taux de 8,2803 %. L'administration a estimé que seuls les intérêts acquittés dans la limite du taux de 6,61 %, lequel rémunère le crédit directement obtenu par la SNC Siblu auprès de la banque Barclays, étaient déductibles dans ce cadre. La somme de 634 274 euros, correspondant à la différence entre les deux taux mentionnés ci-dessus, a donc été réintégrée dans les résultats de la SNC Siblu pour 2007, ce qui a diminué d'autant son déficit reportable au titre du même exercice.

5. Il résulte de l'instruction que, afin de racheter leur entreprise à son actionnaire, les cadres du groupe britannique Siblu ont créé une société holding, la société Siblu Holding, qui a obtenu, en 2004, un financement auprès du groupe bancaire Barclays. Dans ce cadre, les sociétés du groupe Siblu ont, d'une part, signé des contrats de prêt avec le groupe Barclays et, d'autre part, ont conclu entre elles un accord de financement définissant les conditions dans lesquelles des avances peuvent être obtenues auprès de la société Holding Siblu, société-mère du groupe, et de la société Siblu Finance, chargée de porter les dettes auprès de la banque Barclays. Le taux de 8,2803 % servant à rémunérer les avances consenties au sein du groupe Siblu correspond à celui prévu dans le contrat de prêt que les sociétés Holding Siblu et Siblu Finances ont conclu avec le groupe bancaire Barclays.

6. La SNC Siblu soutient qu'elle était en droit de déduire de ses résultats les intérêts d'emprunt qu'elle a acquittés au taux de 8,2803 % dès lors que, comme il vient d'être dit, ce taux a également été appliqué aux emprunts contractés par ses propres prêteurs. Elle ajoute que, dans le cadre de l'accord global de financement conclu avec le groupe Barclays, l'ensemble de ses actifs ont été apportés en nantissement. La SNC en conclut que, dans la mesure où elle ne peut constituer de nouvelles garanties ni par ailleurs remettre en cause la priorité attachée aux créances détenues par le groupe Barclays, elle se trouve dans l'impossibilité de contracter un emprunt auprès d'un établissement financier indépendant.

7. Toutefois, ni les conditions d'emprunt qui ont été imposées aux sociétés du groupe Siblu par la banque Barclays ni les extraits d'articles de revues financières dont se prévaut la société requérante n'établissent, à eux seuls, que le taux de 8,2803 % appliqué en l'espèce correspond aux taux habituels du marché constatés 2006/2007, années au cours desquelles la société requérante a contracté ses emprunts auprès de la société Siblu Holding et de la société Siblu Finance. Quant à la circonstance, rappelée ci-dessus, selon laquelle le caractère prioritaire des créances détenues par la banque Barclays ne peut être remis en cause à l'occasion de démarches éventuelles auprès d'autres emprunteurs, elle ne saurait être utilement invoquée par la SNC Siblu au regard des dispositions précitées de l'article 212 du code général des impôts qui lui imposent d'établir la normalité du taux d'intérêt qu'elle a effectivement supporté par rapport aux prêts qui auraient pu être obtenus dans des conditions analogues auprès d'établissements ou d'organismes financiers indépendants. Ainsi, au regard de ces considérations, c'est à bon droit que l'administration a regardé le taux de 8,2803 % rémunérant les avances consenties à la SNC Siblu comme excessif et qu'elle a, en conséquence, minoré le déficit reportable de cette dernière dans les conditions rappelées aux points 1 et 4 du présent arrêt.

8. Enfin, les dispositions de l'article 212 du code général des impôts ont été précisées par l'instruction administrative du 31 décembre 2007 (BOI 4 H-8-07) aux termes de laquelle : " Conformément au I de l'article 212, l'entreprise qui souhaite appliquer le mécanisme de preuve contraire doit être en mesure de justifier que le taux servi au titre des avances accordées par une entreprise liée n'est pas excessif par rapport à celui qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues (...) L'appréciation du caractère analogue s'effectue en tenant compte du taux que l'entreprise bénéficiaire des sommes aurait obtenu en se finançant de façon autonome auprès d'établissements de crédit, compte tenu : - des caractéristiques des avances, telles que le montant mis à sa disposition, le délai de mise à disposition des avances, de l'éventuel risque de change supporté par le prêteur ;- de la situation propre à l'entreprise emprunteuse, telle que son risque de crédit, la notation dont auraient pu bénéficier certains instruments financiers lors de leur émission récente par l'emprunteur.(...) ". Cette instruction se borne à commenter la loi fiscale et ne comprend ainsi aucune interprétation de cette dernière dont la SNC Siblu serait fondée, au soutien de ses prétentions, à se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales à l'encontre du recours du ministre.

9. Il résulte de ce qui précède, et en l'absence d'autres moyens qu'il appartiendrait à la cour d'examiner par l'effet dévolutif de l'appel, que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit à la demande de la SNC Siblu en augmentant de 634 274 euros le déficit reportable de cette dernière au titre de l'exercice 2007.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SNC Siblu dirigées contre l'Etat qui n'est pas la partie perdante à l'instance.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n°1302599 du tribunal administratif de Bordeaux du 13 novembre 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SNC Siblu devant le tribunal administratif de Bordeaux et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à la SNC Siblu.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Didier Péano, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 avril 2017.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Didier Péano Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

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N° 15BX01177


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