Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société du Mouliès, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Parentis-en-Born à lui verser la somme de 1 610 255 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 29 mai 2012, en réparation des préjudices subis du fait de l'annulation par le tribunal administratif de Pau de la délibération du conseil municipal du 18 décembre 2006 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune.
Par un jugement n° 1201646 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 février 2015, le 6 février 2017 et le 17 novembre 2017, la société du Mouliès, représentée par la SCP Personnaz Huerta Binet Jambon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 16 décembre 2014 ;
2°) de condamner la commune de Parentis-en-Born à lui verser la somme de 1 610 255 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 29 mai 2012 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Parentis-en-Born la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de Parentis-en-Born a commis une faute constituée par l'illégalité de son plan local d'urbanisme (PLU) annulé le 1er décembre 2009 par le tribunal administratif de Pau ; cette illégalité l'a empêchée de réaliser le lotissement " La Clairière du Mouliès " consistant en 25 lots pour lequel elle avait obtenu un permis d'aménager du 19 mars 2008, avant que le plan local d'urbanisme classant les terrains en zone constructible ne soit annulé ;
- les parcelles constructibles dans le PLU annulé sont devenues inconstructibles par application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- au regard du principe de l'annulation rétroactive d'un document d'urbanisme, l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ne peut cristalliser des dispositions d'urbanisme qui n'ont jamais existé ;
- dans une réponse ministérielle publiée au Journal officiel (Sénat) du 24 juillet 2014 le ministre a rappelé que l'annulation juridictionnelle d'un acte administratif a pour conséquence que cet acte n'est jamais entré dans l'ordonnancement juridique ; selon ce ministre il n'est pas possible de cristalliser des dispositions d'urbanisme qui n'ont jamais existé ;
- elle était donc dans l'impossibilité d'exécuter son projet sachant que la commune refuserait tout permis de construire ;
- il existait bien un lien de causalité entre l'illégalité fautive du plan local d'urbanisme annulé et l'impossibilité de mise en oeuvre du permis d'aménager dès lors que la délivrance d'un permis d'aménager ne crée pas de droits acquis à la délivrance d'un permis de construire ;
- à supposer que les droits à construire ont été cristallisés la commune demeure fautive d'avoir incité les lotisseurs à renoncer à leurs projets ainsi qu'il ressort d'un courrier du maire daté du 14 juin 2010 et d'un éditorial du journal communal ;
- la commune a refusé tous les lotissements en présence d'un plan d'occupation des sols (POS) redevenu applicable ; il ressort du plan cadastral commenté par la commune que suite à l'annulation du document d'urbanisme sept parcelles lui appartenant ont été classées en zone NC et trois en zone NB ;
- elle avait soulevé un moyen auquel le tribunal n'a pas répondu tiré de ce que le nouveau PLU classait une partie des parcelles en zone inconstructible ; le nouveau projet autorise une emprise au sol de 15% de la surface de l'unité foncière alors que le PLU annulé autorisait une emprise totale des constructions à 25% de la surface de l'unité foncière ;
- ses préjudices liés à la perte de valeur du terrain désormais inconstructible, à la perte de marge commerciale et à son préjudice d'agrément s'élèvent à la somme totale de 1 610 255 euros ; un expert pourra utilement être désigné aux fins que soit déterminé le préjudice.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 novembre 2015 et le 14 mars 2017, la commune de Parentis-en-Born, prise en la personne de son maire, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société du Mouliès la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société du Mouliès ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue,
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la société du Mouliès, et de Me A..., représentant la commune de Parentis-en-Born.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL du Mouliès est propriétaire des parcelles cadastrées section AD numéros 296, 303, 304, 305, 306, 311, 312, 313 situées sur le territoire de la commune de Parentis-en-Born. Dans le cadre de la réalisation d'un projet de lotissement dénommé " La Clairière du Mouliès " composé de vingt-cinq lots, le maire de Parentis-en-Born a, par un arrêté en date du 19 mars 2008, accordé à la société SAFIM Promotion un permis d'aménager ce lotissement, transféré à la société du Mouliès par un arrêté du 20 octobre 2008. La délibération du 18 décembre 2006 portant approbation du plan local d'urbanisme (PLU) de Parentis-en-Born a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Pau en date du 1er décembre 2009. Selon le plan d'occupation des sols remis en vigueur en application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et selon le projet de nouveau plan local d'urbanisme alors en cours d'élaboration, le terrain d'assiette du projet était classé en zone NS, non constructible. La société du Mouliès a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Parentis-en-Born à lui verser la somme de 1 610 255 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 29 mai 2012, en réparation des préjudices subis du fait de l'annulation de la délibération du 18 décembre 2006 qu'elle estime être à l'origine de l'impossibilité de réaliser le lotissement pour lequel elle avait obtenu un permis d'aménager délivré sous l'empire de ce plan. La société du Mouliès relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau en date du 16 décembre 2014 qui a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La société du Mouliès soutient que les premiers juges auraient omis de répondre au moyen tiré de la faute de l'administration d'avoir délivré un permis d'aménager sur le fondement d'un plan local d'urbanisme illégal. Toutefois, aux points 2 à 8 du jugement attaqué, les premiers juges ont explicitement écarté tous les moyens afférents au lien de causalité entre la faute de l'administration liée à l'illégalité du PLU et le préjudice de la société. Ledit jugement n'est dès lors pas entaché d'une omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme alors applicable : " L'annulation (...) d'un plan local d'urbanisme (...) a pour effet de remettre en vigueur (...) le document d'urbanisme en tenant lieu (...) immédiatement antérieur. ". Aux termes de l'article L. 442-14 de ce code dans sa rédaction en vigueur à la date du permis d'aménager : " Dans les cinq ans suivant l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement (...) ". Il résulte de ces dispositions que la règlementation d'urbanisme applicable au permis de construire est, dans le délai susmentionné, celle en vigueur à la date du permis d'aménager, lequel emporte autorisation de lotir. Par conséquent, le bénéficiaire d'un permis d'aménager se trouve titulaire, dès la délivrance de cette autorisation, d'une garantie de stabilité des règles d'urbanisme en vigueur à la date de sa délivrance. Cette garantie fait obstacle à ce que soient opposées les règles d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement, y compris lorsque cette intervention résulte de l'annulation d'un plan local d'urbanisme remettant en vigueur les dispositions antérieures à ce document.
4. La société requérante recherche la responsabilité de la commune de Parentis-en-Born estimant avoir été dans l'impossibilité de réaliser son projet de lotissement en raison de l'illégalité fautive du plan local d'urbanisme approuvé par délibération du 18 décembre 2006. Elle fait valoir en particulier que le changement de classement du terrain d'assiette du projet en zone non constructible faisait obstacle à la réalisation des travaux. Ainsi que cela a été énoncé au point 1, il résulte de l'instruction que le permis d'aménager afférent à ce projet a été délivré le 19 mars 2008. A cette date, le plan local d'urbanisme de Parentis-en-Born classant le terrain d'assiette du projet en zone constructible n'avait pas encore été annulé par le juge administratif et demeurait donc applicable. Il résulte de ce qui est énoncé au point précédent que dans ces circonstances, ni le plan d'occupation des sols antérieur, lequel n'était pas remis en vigueur en l'absence d'annulation du plan local d'urbanisme, ni le nouveau plan local d'urbanisme adopté en 2013 n'auraient été opposables aux demandes de permis de construire qui auraient été présentées dans le délai mentionné à l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme, lequel ne commence à courir qu'à compter de l'achèvement du lotissement. Il est constant qu'ils ne l'ont pas été, et que le fait de la requérante est ainsi à l'origine de l'absence de réalisation de son projet. Dans ces conditions, la requérante ne démontrant pas que le changement de classement du terrain d'assiette du projet aurait compromis la réalisation du lotissement, elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la faute commise par la commune en approuvant son plan local d'urbanisme dans des conditions irrégulières et les préjudices liés à la perte de valeur du terrain désormais inconstructible, à la perte de marge commerciale et à un préjudice d'agrément liés à l'impossibilité de mise en oeuvre du permis d'aménager. Ses conclusions à fin d'indemnisation doivent dès lors être rejetées.
5. La société requérante soutient que la commune de Parentis-en-Born serait également fautive d'avoir incité les lotisseurs à renoncer à leurs projets ainsi qu'en attestent un courrier du maire de la commune daté du 14 juin 2010 et un éditorial du journal communal indiquant qu'aucun permis de construire ne serait délivré sur la commune de Parentis-en-Born. Toutefois, il résulte de l'instruction que les premiers travaux concernant le projet qui devait être livré au début de l'année 2009 n'ont commencé qu'en mars 2010, soit presque deux ans après la délivrance du permis d'aménager. A cette date au demeurant, la délibération du 18 décembre 2006 portant approbation du plan local d'urbanisme de Parentis-en-Born avait été annulée par le tribunal administratif de Pau depuis quatre mois. La société requérante ne peut donc sérieusement prétendre que le courrier de la mairie aurait fait obstacle à la mise en oeuvre du permis d'aménager et serait ainsi à l'origine de son préjudice.
6. Il résulte de ce qui précède que la société du Mouliès n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Parentis-en-Born, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme que demande la société du Mouliès au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société du Mouliès le paiement de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais exposés par la commune de Parentis-en-Born.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société du Mouliès est rejetée.
Article 2 : La société du Mouliès versera à la commune de Parentis-en-Born une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société du Mouliès et à la commune de Parentis-en-Born.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
Le rapporteur,
Florence MadelaigueLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au préfet des Landes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX00479