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11/07/2017 | FRANCE | N°15BX00115

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2017, 15BX00115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J...M...et Mme L...M..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayant droit de leur fille Caroline, décédée, et de leurs filles Emy et Manuela, M. D...C..., Mme H...C..., M. G... A...et Mme K...N..., cette dernière agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de ses filles Clémence et Camille Douteau, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de mettre à la charge du centre hospitalier de Poitiers et de l'Office national d'indemnisation des accidents médic

aux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J...M...et Mme L...M..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayant droit de leur fille Caroline, décédée, et de leurs filles Emy et Manuela, M. D...C..., Mme H...C..., M. G... A...et Mme K...N..., cette dernière agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de ses filles Clémence et Camille Douteau, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de mettre à la charge du centre hospitalier de Poitiers et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) une indemnité d'un montant total de 250 146,35 euros en réparation des préjudices occasionnés par le décès de CarolineM..., survenu le 10 avril 2010, à la suite de l'intervention pratiquée le 7 avril 2010 au centre hospitalier de Poitiers.

Par un jugement n° 1201150-1202875 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'ONIAM à payer aux requérants une indemnité totale de 113 146,35 euros assortie des intérêts légaux à compter de la date de réception de leur réclamation préalable du 16 avril 2012 et à leur reverser les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge judiciaire, d'un montant de 2 000 euros, puis a rejeté le surplus de leurs conclusions et celles de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne tendant, d'une part, au remboursement de ses débours, d'autre part, au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 janvier et 3 septembre 2015, l'ONIAM, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 novembre 2014 ;

2°) à titre principal, de prononcer sa mise hors de cause, subsidiairement, de rejeter les demandes au titre des souffrances endurées par Mlle M...et de l'indemnisation des concubins respectifs de M. et Mme M...puis de statuer ce que de droit sur les dépens.

Il soutient que :

- ce n'est qu'en l'absence de faute du centre hospitalier que l'indemnisation au titre de l'aléa peut être envisagée ; or, il résulte du rapport de l'expert que tel n'est pas le cas dès lors que l'opérateur n'a pas respecté la notice d'utilisation du matériel utilisé ; ce fait est par lui-même fautif, alors même que le sapiteur, consulté par l'expert qui a suivi son avis pour exclure la faute, a indiqué que les recommandations du fabricant n'étaient pas celles appliquées en pratique ;

- le recours du tiers payeur ne peut être exercé que contre le tiers responsable ;

- subsidiairement, la réparation doit être basée sur le barème indicatif de l'ONIAM : au titre des souffrances endurées, si le référentiel fixe une fourchette entre 2 397 et 3 243 euros, en l'espèce, le montant alloué pour les souffrances subies trois jours avant le décès, ne peut excéder 2 000 euros ; pour les autres préjudices, les limites du barème doivent être respectées ; le préjudice d'affection des beaux-parents ne peut excéder le montant global de 7 000 euros.

Par des mémoires enregistrés les 25 août et 22 septembre 2015, le CHU de Poitiers, représenté par MeI..., conclut au rejet de la requête et des conclusions des consorts M...formées contre lui.

Il fait valoir que :

- si la notice d'utilisation préconise de retirer l'appareil dès le deuxième marqueur, aucune faute n'a été retenue par les experts ;

- le reflux du produit au niveau du troisième repère est sans lien de causalité avec l'accident ;

- la notice d'utilisation rédigée par le fabriquant, qui comporte de simples recommandations, n'est pas impérative ; elle ne peut être assimilée à une donnée acquise et intangible de la science, et il est tout à fait possible, eu égard aux circonstances de chaque cas d'espèce, de s'en écarter ; l'expert et le sapiteur ont reconnu qu'il est d'usage courant de ne retirer le micro-cathéter que lorsque le reflux atteint le troisième niveau ; le médecin a été qualifié de praticien aguerri qui utilise depuis plus de 15 ans des micro-cathéters ; les soins ont été consciencieux, attentifs et conformes aux données de la science ; comme l'ont relevé les experts, aucune faute ne lui est imputable ; l'expert a estimé que " la rupture du cathéter est un évènement anormal et indésirable. Dans la succession des évènements à l'origine de cette rupture, il n'y a pas lieu de retenir une faute de pratique professionnelle avérée ".

Par un mémoire, enregistré le 18 mars 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne indique qu'elle n'entend pas intervenir à l'instance.

Par des mémoires enregistrés le 30 mars et le 3 septembre 2015, M. et Mme M..., M. et MmeC..., M. A...et MmeN..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) de porter à 250 146,35 euros l'indemnité allouée, assortie des intérêts légaux à compter du 16 avril 2012 eux-mêmes capitalisés à tout le moins à la date de leur demande et de réformer le jugement sur ce point ;

2°) de mettre à la charge de l'ONIAM les dépens de l'instance et la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- après avoir écarté la responsabilité du CHU ou du fabriquant du micro-cathéter pour vice du matériel ou faute de l'opérateur, en relevant, comme le sapiteur neuro-radiologue " des difficultés imprévues inhérentes à la procédure qui est grevée d'une importante morbi-mortalité avec les meilleures équipes. ", puis tout manquement à l'obligation d'information ou faute médicale, l'expert a retenu un aléa thérapeutique dû à la jonction de différents facteurs, sinusoités vasculaires, mauvaise visualisation de l'ONYX, fragilisation du cathéter soumis à des tractions répétées au cours de multiples tentatives de retrait et indiqué que le décès, lié à une ischémie cérébrale maligne, n'est pas la conséquence directe de l'évolution de la malformation mais résulte des actes pratiqués au CHU de Poitiers ; il a qualifié la rupture du cathéter d'évènement anormal et indésirable qui n'est pas la conséquence directe de l'évolution de l'état de l'enfant ; l'expert a noté que la rupture à un endroit totalement inhabituel d'un micro-cathéter était rapportée une seule fois dans la littérature médicale ; le sapiteur a fait état d'une rupture pour 200 micro-cathéters utilisés, ce qui caractérise un fait exceptionnel, indésirable et anormal compte tenu de l'évolution prévisible de l'état de santé de la patiente ; les conditions prévues par l'article L. 1142-1, II du code de la santé publique pour la réparation des dommages résultant d'un aléa thérapeutique sont ainsi réunies ;

- la cour pourrait également retenir la responsabilité pour faute du CHU de Poitiers sur le fondement de l'article L. 1142-1, I, alinéa 1er du code de la santé publique dès lors que l'expert n'évinçait pas explicitement la responsabilité pour faute des praticiens qui avaient méconnu les recommandations de la notice du micro-cathéter, selon lesquelles le reflux ne devait impérativement pas dépasser le troisième marqueur ;

- il y a lieu d'allouer au titre des frais d'obsèques, 2 817 euros à Mme M...et 1 329,35 euros à M. M..., au titre du préjudice temporaire de Caroline et de ses souffrances évaluées à 3 sur 7, une indemnité de 6 000 euros, au titre du préjudice d'affection une indemnité de 35 000 euros à chacun des parents, de 35 000 euros à chacune des deux soeurs cadettes, de 20 000 euros à chaque grand-parent maternel, de 20 000 euros à chacune des deux filles de la compagne de M. M... et de 15 000 euros à chacun des beaux-parents.

Par ordonnance du 4 septembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant l'ONIAM.

Une note en délibéré présentée pour l'ONIAM a été enregistrée le 14 juin 2017.

Une note en délibéré présentée pour les consorts M...et autres a été enregistrée le 19 juin 2017.

Considérant ce qui suit :

1. Atteinte d'une malformation artérielle cérébrale révélée en avril 2008 par une hémorragie intra-cérébrale bi-ventriculaire, CarolineM..., alors âgée de douze ans, a bénéficié d'une embolisation en 2008 au service de neurologie du centre hospitalier de Poitiers. A compter du 22 mai suivant, elle a regagné son domicile et a fait l'objet d'une surveillance régulière. Le 7 avril 2010, au cours d'une nouvelle embolisation, le micro cathéter s'est brisé, occasionnant un accident ischémique et une hémiplégie, puis trois jours après, le décès de la patiente à l'âge de quatorze ans. Ses parents ont alors mis en cause le fabriquant de l'appareil et sollicité auprès du tribunal de grande instance de Poitiers, une expertise, qui a été établie le 10 novembre 2010 par un neuropsychiatre assisté d'un sapiteur spécialiste en neuroradiologie. Ils ont également saisi, le 1er juillet suivant, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au paiement d'une provision. Cette demande a été rejetée par une ordonnance du 4 avril 2012, confirmée en appel le 24 septembre 2012, le juge des référés, estimant sérieusement contestable l'obligation de l'ONIAM eu égard à la possibilité d'obtenir réparation sur le terrain de la faute. Les parents de la victime, agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayant droit de leur fille Caroline, et de leurs deux filles mineures, ses grands parents, M. et MmeC..., les conjoints respectifs de M. et MmeM..., divorcés depuis l'année 2006, Mme N...agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayants droit de ses deux filles et M. A...ont saisi le tribunal administratif de Poitiers de deux requêtes tendant à la condamnation de l'ONIAM à leur payer une indemnité d'un montant total de 250 146,35 euros, subsidiairement à la condamnation du CHU de Poitiers à leur payer ce montant. Par un jugement du 19 novembre 2014, après avoir joint les requêtes, le tribunal administratif de Poitiers a écarté la responsabilité pour faute du CHU de Poitiers en estimant que les dommages étaient indemnisables au titre de la solidarité nationale assurée par l'ONIAM qu'il a condamné au paiement d'une indemnité totale de 113 146,35 euros assortie des intérêts légaux à compter du 18 avril 2012, eux-mêmes capitalisés et à reverser à M. et Mme M...les frais et honoraires d'un montant de 2 000 euros de l'expertise ordonnée par le juge judiciaire. Il a ensuite rejeté le surplus des conclusions de la requête, puis celles de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne tendant au remboursement de ses débours et au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. L'ONIAM relève appel de ce jugement et conclut à sa mise hors de cause, subsidiairement, au rejet des demandes indemnitaires au titre des souffrances endurées par Mlle M...et du préjudice d'affection des nouveaux conjoints de ses parents. Par la voie de l'appel incident, M. et MmeM..., M. et Mme C..., M. A...et Mme N...demandent à la cour de porter à 250 146,35 euros l'indemnité allouée et de réformer le jugement en ce sens.

2. D'une part, le I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique prévoit que la responsabilité de tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins peut être engagée en cas de faute. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

3. D'autre part, il résulte des dispositions combinées du II de l'article L. 1142-1 et de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique que l'accident médical non fautif ouvre droit à la réparation au titre de la solidarité nationale, assurée par l'ONIAM, " des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit " lorsque les actes médicaux ont eu pour le patient " des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci " et présentent un caractère de gravité, fixé par l'article D. 1142-1 du même code. La condition d'anormalité du dommage doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement.

4. Si les dispositions précitées du II de l'article L.1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte, au titre de la solidarité nationale, la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité. Dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif. Par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1 et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue.

5. Le praticien hospitalier a introduit par voie fémorale un micro-cathéter à embout détachable muni de trois bagues de repérage dans la malformation artério-veineuse pour y injecter un produit de " collage " destiné à l'obstruer. Au troisième repère, après un bref reflux du produit, il a tenté en vain pendant cinq minutes de retirer le micro cathéter, qui s'était soudé à la malformation, puis a entrepris des manoeuvres de traction au cours desquelles le micro cathéter s'est rompu dans la carotide interne et n'a pu être retiré, entraînant l'état de thrombose puis le décès de la patiente. L'expert et le sapiteur ont conclu à un accident thérapeutique provoqué par un évènement indésirable, ayant des causes multiples, et directement imputable à une complication post interventionnelle elle-même directement imputable au risque lié à l'acte médical en cause. La victime, qui menait la vie sociale et la scolarité des adolescents de son âge, nécessitait un simple suivi médical par imagerie. Si elle conservait une malformation en dépit de l'embolisation pratiquée en 2008, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles elle était exposée de manière suffisamment probable. Les conséquences de l'intervention doivent être regardées comme anormales au regard de l'état de santé de la patiente et de l'évolution prévisible de cet état et les conditions auxquelles les dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique subordonnent la réparation par l'ONIAM des conséquences dommageables de l'aléa thérapeutique au titre de la solidarité nationale sont réunies, ce que l'ONIAM ne conteste d'ailleurs pas.

6. L'ONIAM invoque toutefois la faute médicale qui serait caractérisée par la méconnaissance des prescriptions de la notice d'utilisation du matériel rédigée par le fabricant du produit. Il résulte de l'instruction, notamment des conclusions du sapiteur, selon lesquelles " selon les recommandations du fabricant, il faut retirer le microcathéter dès que le reflux atteint le deuxième marqueur. En pratique, une dernière injection très douce est effectuée ... pour essayer de progresser encore dans le nidus de la malformation ", que les gestes de traction pratiqués par l'opérateur lors de cet acte médical qui pourraient avoir occasionné la rupture du cathéter étaient conformes aux règles de l'art, alors même qu'ils étaient pratiqués jusqu'à la marque du troisième repère. La notice d'utilisation d'un produit ou d'un dispositif médical constitue seulement une ligne générale directrice de bon usage du produit concerné et ne peut être regardée comme d'une nature équivalente aux recommandations de bonnes pratiques professionnelles, édictées par les organismes de santé compétents, qui seules s'imposent aux praticiens auxquels il appartient d'adapter ces lignes directrices aux circonstances de l'espèce. Aucune faute médicale dans l'utilisation du matériel lors de l'intervention ne peut en l'espèce être retenue à l'encontre du centre hospitalier de Poitiers.

7. Il en résulte que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a mis à sa charge la réparation de l'intégralité des conséquences dommageables de l'accident médical survenu le 7 avril 2010.

8. Les premiers juges ont alloué à M. et Mme M...les montants de 2 817 euros et 1 329,35 euros au titre des frais d'obsèques et le montant total de 2 000 euros en remboursement des frais d'expertise exposés devant le juge judiciaire, ce qui n'est pas contesté par l'ONIAM. Les conclusions, présentées par la voie de l'appel incident, tendant à l'allocation de ces montants ne peuvent donc être accueillies.

9. Mlle M...a été victime d'une hémiplégie droite massive avec aphasie puis de saignements méningés et placée pendant trois jours dans le service de réanimation neurochirurgicale où son état n'a cessé de s'aggraver. Les premiers juges ont toutefois fait une appréciation excessive des souffrances subies pendant les trois derniers jours de la victime, estimées par l'expert à 3 sur une échelle de 7, en fixant à 6 000 euros la réparation due à ce titre. Il y a lieu de ramener ce montant à 3 000 euros.

10. Les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante du préjudice d'affection du père et de la mère de Caroline M...en leur allouant à chacun une indemnité de 25 000 euros.

11. Le II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique permet seulement l'indemnisation des ayants droit de la victime principale en cas de décès de celle-ci, entraînant, conformément aux règles du droit commun, notamment celles du code civil, la transmission du droit de la victime principale. A tout le moins, ni M.A..., ni MmeN..., nouveaux conjoints respectifs de M. et MmeM..., ni les deux filles nés de la précédente union de Mme N...ne peuvent être regardés comme les " ayants droit " de Caroline M...au sens des dispositions, d'interprétation stricte, de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, héritiers ou légataires de la victime au regard des règles du droit successoral posées par les article 731 à 768 du code civil. L'ONIAM se borne toutefois à contester la réparation accordée au titre du préjudice d'affection des nouveaux conjoints des parents de la victime, qui ont bénéficié chacun d'une indemnité de 8 000 euros, sans contester le principe ou le quantum des indemnités de 7 000 euros, 10 000 euros et 5 000 euros respectivement allouées aux grands-parents, à chacune des deux soeurs et à chacune des deux filles de MmeN..., indemnités dont le montant, en revanche contesté par la voie de l'appel incident, n'est pas, en tout état de cause, insuffisant. Dans ces conditions, l'appelant est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont alloué une indemnité totale de 16 000 euros en réparation du préjudice d'affection des nouveaux conjoints de M. et MmeM....

12. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité de 113 146,35 euros allouée par l'article 1er du jugement du 19 novembre 2014 du tribunal administratif de Poitiers doit être ramenée à 94 146,35 euros. Il y a lieu de réformer en ce sens le jugement et de rejeter, d'une part, le surplus des conclusions de l'ONIAM, d'autre part, l'appel incident.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme M..., M. et Mme C..., M. A...et Mme N...la somme qu'ils demandent sur ce fondement. En l'absence de dépens, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité allouée par l'article 1er du jugement du 19 novembre 2014 du tribunal administratif de Poitiers est ramenée à 94 146,35 euros.

Article 2 : Le jugement du 19 novembre 2014 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et les conclusions d'appel de MmeM..., M. et Mme C..., M. A...et Mme N...sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. J...M..., Mme L...M..., M. D...et Mme H...C..., M. G... A...et Mme K...N..., au centre hospitalier universitaire de Poitiers et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2017.

Le rapporteur,

Marie-Thérèse Lacau Le président,

Elisabeth Jayat Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX00115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00115
Date de la décision : 11/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité sans faute.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier - Absence de faute - Utilisation du matériel.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux - Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public - Exécution du traitement ou de l'opération.

Responsabilité de la puissance publique - Problèmes d'imputabilité - Personnes responsables - État ou autres collectivités publiques - État ou établissement public.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Modalités de la réparation - Solidarité.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-11;15bx00115 ?
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