LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Mohammed X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de RENNES, en date du 8 juin 2015, qui a prononcé sur sa demande de libération conditionnelle ;
Vu le mémoire personnel, le mémoire en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par le ministère public :
Attendu que le procureur général près la cour d'appel de Rennes soulève l'irrecevabilité du pourvoi qui ne lui a pas été notifié par application des dispositions de l'article 578 du code de procédure pénale ;
Attendu que l'omission des prescriptions de l'article 578 du code de procédure pénale n'a d'autre effet, en vertu de l'article 579 du même code, que d'autoriser le défendeur à former opposition à l'arrêt, dès lors qu'il n'a pu avoir connaissance de la procédure suivie ;
Que tel n'est pas le cas lorsque le défendeur a régulièrement produit un mémoire ;
D'où il suit que le pourvoi est recevable ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 729, 733 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., condamné à neuf ans d'emprisonnement pour, notamment, détournement de navire et séquestration en bande organisée, par un arrêt devenu définitif d'une cour d'assises prononcé le 18 octobre 2013, a été admis au bénéfice de la libération conditionnelle avec placement sous surveillance électronique par un jugement du juge de l'application des peines en date du 24 mars 2015 ; que, saisie par l'appel du ministère public, la chambre de l'application des peines a infirmé cette décision et rejeté la demande de libération conditionnelle à l'issue d'un débat contradictoire au cours duquel, conformément à l'article 712-13 du code de procédure pénale, ont été entendues les réquisitions du ministère public et les observations de l'avocat du condamné ;
Attendu que M. X... n'est pas fondé à invoquer une violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme résultant du fait qu'il n'a pas comparu à l'audience de la chambre de l'application des peines ni même reçu une convocation à comparaître dès lors que cette disposition conventionnelle n'est pas applicable aux décisions par lesquelles une juridiction refuse d'admettre un condamné au bénéfice de la libération conditionnelle, ce refus, qui relève de l'exécution de la peine, ne pouvant être assimilé à une sanction ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, D. 49-44-1, 712-13, 729, 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation du principe dévolutif de l'appel, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, par jugement en date du 24 mars 2015, le juge de l'application des peines, après avoir constaté que le condamné justifiait d'efforts sérieux de réadaptation sociale et d'un projet professionnel parfaitement adapté à sa situation sur le territoire national, qui s'inscrivait dans la continuité de l'activité antérieurement occupée durant la période de contrôle judiciaire, a admis au bénéfice de la libération conditionnelle M. X... ; qu'il a été interjeté appel de cette décision par le ministère public ;
Attendu que, pour rejeter la demande de libération conditionnelle, l'arrêt énonce que celle-ci est prématurée dans la mesure où la fin de peine ne doit intervenir que dans un délai de vingt et un mois ;
Mais attendu qu'en prononçant par ce seul motif, alors que le condamné avait accompli la durée de la peine lui permettant de solliciter une libération conditionnelle, et sans s'expliquer autrement sur les arguments invoqués dans ses conclusions par l'avocat du condamné, tendant à démontrer que M. X... satisfaisait aux conditions posées, notamment, par les articles 707, 729 et 712-16-1 du code de procédure pénale, la chambre de l'application des peines n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Rennes, en date du 8 juin 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.