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15/12/2016 | FRANCE | N°15-20953

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 15 décembre 2016, 15-20953


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :
Vu la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu que, dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l'administration, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative,

hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété ;
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :
Vu la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu que, dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l'administration, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 23 septembre 2014), que M. X..., invoquant une voie de fait, a assigné la société EDF en enlèvement d'un transformateur installé sans son autorisation sur sa propriété et paiement de sommes à titre d'indemnité d'occupation et de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ; que la société EDF a soulevé l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire au profit des juridictions administratives ;
Attendu que, pour rejeter l'exception d'incompétence, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article 545 du code civil que les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour statuer sur la réparation de l'ensemble des préjudices découlant d'une atteinte à la propriété immobilière, qu'elle constitue une voie de fait ou seulement une emprise irrégulière et que, le transformateur ayant été retiré de la propriété de M. X... en 2010, la cour est compétente pour statuer sur les demandes indemnitaires de celui-ci ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉCLARE les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître du litige ;
RENVOIE les parties à mieux se pourvoir ;
Dit n'y avoir lieu à modifier la décision relative aux dépens et à l'article 700 prononcée par les juges du fond ;
Condamne M. X... aux dépens du pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. X...

L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE OU'il a débouté monsieur X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« au visa des dispositions de l'article 545 du code civil sus rappelé, les premiers juges ont, à juste titre, relevé que le transformateur EDF a été installé sur la propriété bien antérieurement à l'acquisition de celle-ci par M. X..., en 1987. II est certain que, jusqu'en juin 2007, l'appelant n'a pas manifesté son opposition à la présence du dispositif. Dès lors, à l'instar du tribunal, la cour considère que M. X... a tacitement accepté l'ouvrage et se trouve mal venu aujourd'hui réclamer une indemnité d'occupation et des dommages-intérêts. Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QU'« en vertu de l'article 545 du code civil, nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. La jurisprudence précise que les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour statuer sur la réparation de l'ensemble des préjudices découlant d'une atteinte à la propriété immobilière, qu'elle constitue une voie de fait ou une emprise irrégulière (Cass. Civ 1ère, 12 juin 1990). Elle précise également que doit être rejetée la demande de démolition d'un ouvrage construit sur le fonds d'autrui comme étant le produit d'une voie de fait, lorsque les propriétaires successifs de ce fonds, parmi lesquels l'auteur de la demande, sont réputés avoir accepté tacitement cet ouvrage dont ils avaient connaissance en restant inactifs pendant plusieurs années (Cass. Civ 3ème, 19 décembre 2012). En l'espèce, il ressort des éléments versés aux débats, et notamment d'un inventaire des immobilisations EDF établi le 9 mars 1992, qu'un transformateur a été implanté sur la parcelle de Monsieur Blaise X... et de son épouse Madame Carmélite Y... en juillet 1977. Monsieur Etienne X..., devenu nu-propriétaire du terrain en cause par acte notarié des 18 mars et 7 septembre 1987, produit pour sa part une attestation des services techniques opérationnels de la Ville du Robert certifiant que le poste de transformateur implanté sur le terrain des propriétaires X... a été mis en service au cours de l'année 1991 et qu'une autorisation a été délivrée dans le cadre d'utilité d'électrification rurale. II fournit en outre une lettre du maire de la Ville du Robert en date du 30 septembre 2011 qui souligne qu'un poteau électrique supportant un transformateur a été implanté en limite de propriété de Monsieur Blaise X... en 1977, celui-ci étant décédé en 1983, et qu'en 1991 EDF a transféré le transformateur sans autorisation par une construction au sol sur le terrain de Monsieur Etienne X.... Un procès-verbal de constat réalisé le 6 septembre 2007 confirme l'existence d'un transformateur dans un coffrage en béton sur le terrain de ce dernier. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si la prescription acquisitive n'est pas établie compte tenu de la modification du transformateur en 1991, en revanche, cette date n'est nullement contestée par le demandeur comme correspondant à la période d'installation du transformateur litigieux. Il convient donc de constater que, bien que Monsieur Etienne X... avait connaissance de cette installation depuis 1991, il est resté inactif jusqu'à la procédure de référé engagée le 6 octobre 2007 soit pendant une durée de 16 ans. Il est donc réputé avoir accepté tacitement cet ouvrage conformément à la jurisprudence susvisée. Monsieur Etienne X... sera donc débouté de l'ensemble de ses demandes, celles-ci n'étant pas justifiées » ;
ALORS QUE pour juger que monsieur X... était mal fondé à réclamer une indemnité d'occupation, l'arrêt attaqué s'est borné à relever que monsieur X... avait acquis son fonds en 1987 bien après que le transformateur y eut été installé, qu'il n'avait pas manifesté son opposition à ce dispositif jusqu'en 2007 et que dès lors il avait tacitement accepté l'ouvrage ; qu'en statuant par ces motifs impropres à établir la renonciation tacite et sans équivoque de monsieur X... à son droit de percevoir une indemnité d'occupation, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Electricité de France (EDF)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société EDF ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour statuer sur la réparation de l'ensemble des préjudices découlant d'une atteinte à la propriété immobilière, qu'elle constitue une voie de fait ou seulement une emprise irrégulière. Il est justifié que le transformateur a été retiré de la propriété de M. X... en 2010. Dès lors, la demande tendant à obtenir la démolition et la remise en état, et sur laquelle, en absence d'une voie de fait, seule la juridiction administrative a compétence pour statuer, est devenue sans objet. La cour est parfaitement compétente pour statuer sur les demandes indemnitaires de l'appelant ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la jurisprudence précise que les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour statuer sur la réparation de l'ensemble des préjudices découlant d'une atteinte à la propriété immobilière, qu'elle constitue une voie de fait ou une emprise irrégulière ;
ALORS QUE la juridiction administrative est seule compétente pour connaître des litiges relatifs à l'indemnisation des conséquences dommageables de l'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ; qu'en énonçant cependant pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société EDF que l'action indemnitaire de M. X... relevait de la compétence du juge judiciaire seul compétent pour statuer sur la réparation de l'ensemble des préjudices découlant d'une atteinte à la propriété immobilière, qu'elle constitue une voie de fait ou seulement une emprise irrégulière, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des pouvoirs.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-20953
Date de la décision : 15/12/2016
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Litige relatif à un ouvrage public - Action en réparation des conséquences dommageables d'une décision administrative portant atteinte à la propriété

PROPRIETE - Atteinte au droit de propriété - Emprise irrégulière - Action en réparation des préjudices en découlant - Compétence - Détermination PROPRIETE - Atteinte au droit de propriété - Voie de fait - Action en réparation des préjudices découlant d'une atteinte à la propriété immobilière - Compétence - Détermination

Dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l'administration, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction de droit de propriété. Dès lors, viole la loi des 16-24 août 1790 la cour d'appel qui, pour rejeter l'exception d'incompétence, retient qu'il résulte de l'article 545 du code civil que les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour statuer sur la réparation des préjudices découlant d'une atteinte à la propriété immobilière, qu'elle constitue une voie de fait ou seulement une emprise irrégulière


Références :

loi des 16-24 août 1790

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 23 septembre 2014

Sur la compétence du juge administratif pour statuer sur la réparation des conséquences dommageables d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, à rapprocher :Tribunal des conflits, 9 décembre 2013, Bull. 2013, T. Conflits, n° 21


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 15 déc. 2016, pourvoi n°15-20953, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Rapporteur ?: Mme Meano
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.20953
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