LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 8 janvier 2015), que M. X... et d'autres agents de la SNCF, devenue SNCF mobilités, affectés à la conduite de trains de voyageurs au sein de l'unité de production de Tarbes ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de jours de grève, des congés payés afférents et des dommages-intérêts, en faisant valoir que leur employeur ne pouvait pas placer en service facultatif les agents ayant manifesté leur intention de rejoindre un mouvement de grève en déposant la déclaration individuelle d'intention prévue par l'article L. 1324-7 du code des transports ;
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs du moyen annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches :
Attendu que les agents font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes de rappels de salaires, de congés payés afférents et de dommages et intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle dont l'exercice ne peut en aucune manière être entravé par l'employeur ; que si l'article 6-3 du décret modifié du 29 décembre 2009 repris dans le référentiel RH 007 prévoit qu'en cas de grève ou autre perturbation prévisible, l'agent est dévoyé de son roulement et placé en service facultatif, ce texte ne peut trouver application que pour les agents non-grévistes, constituant la réserve ; qu'au contraire, l'article III-1 du référentiel RH 0924 ne prévoit la mise automatique en position de service facultatif que des agents « disponibles » ; qu'il ne peut être utilisé pour placer d'office en grève les agents ayant seulement déclarer leur intention de participer au mouvement ; qu'en retenant, pour débouter les agents exposants de leurs demandes de rappels de salaire et de congés payés afférents, que l'insertion dans le RH 0924 de l'article 6-3 du RH 007 n'a pas pour effet de modifier le texte mais de le préciser, que la décision du 30 avril 2009 émanant du directeur régional du travail de Bretagne – ayant précisé l'interprétation des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 6-3 décret n° 2008-119 du 7 février 2008 – avait été annulée, et que, se fondant sur la réponse de la direction générale des infrastructures des transports et de la mer, le placement des agents en service facultatif était la seule interprétation possible dans la mesure où tout autre interprétation aurait conduit des agents dont le roulement normal aurait été supprimé à prétendre à être payés, alors que l'application de cette disposition aux agents ayant signé une déclaration d'intention, et la mise en oeuvre des dispositions du statut telles qu'interprétées par la SNCF et qui entravait l'exercice du droit de grève, n'était rendue obligatoire par aucun texte, et portait atteinte au droit de grève, la cour d'appel a violé articles L. 2511-1 et L. 2512-2 du code du travail, ensemble de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, codifié sous les articles L. 1324-2 à L. 1324-8 du code des transports, et l'article 6-3 du décret du 29 décembre 2009 et du référentiel RH 007 ;
2°/ qu'en ne recherchant pas si, en plaçant ainsi les agents en position de service facultatif et en les rendant de ce seul fait grévistes, la SNCF n'a pas, sous couvert d'appliquer ces textes, porté atteinte au droit de grève, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2511-1 et L. 2512-2 du code du travail, ensemble de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, codifié sous les articles L. 1324-2 à L. 1324-8 du code des transports, et l'article 6-3 du décret du 29 décembre 2009 et du référentiel RH 007 ;
3°/ que le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle dont l'exercice ne peut en aucune manière être entravé par l'employeur ; que la grève s'entend d'un arrêt de travail collectif et concerté du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles ; qu'en retenant, pour débouter les agents exposants de leurs demandes de rappels de salaire et de congés payés afférents, que le salarié doit être considéré comme gréviste dès qu'il a été dévoyé de son roulement normal – c'est-à-dire qu'il a été placé en service facultatif – puisque le roulement normal a été suspendu au profit du plan de transport ou du service minimum que la SNCF doit organiser, alors que le fait de faire débuter l'arrêt de travail au stade de la mise en service facultatif et non pas au stade de l'arrêt de travail concret revient à entraver l'exercice du droit de grève, la cour d'appel a violé les articles L. 2511-1 et L. 2512-2 du code du travail, ensemble de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, codifié sous les articles L. 1324-2 à L. 1324-8 du code des transports, et l'article 6-3 du décret du 29 décembre 2009 et du référentiel RH 007 ;
Mais attendu d'abord que selon l'article 5 de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, applicable au litige, dans les entreprises de transports l'employeur et les organisations syndicales représentatives concluent un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève, fixant les conditions dans lesquelles l'organisation du travail est révisée et les personnels disponibles réaffectés afin de permettre la mise en œuvre du plan de transports adapté et qu'à défaut d'accord applicable au 1er janvier 2008, un plan de prévisibilité est défini par l'employeur ; qu'en cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels de l'entreprise non grévistes ;
Attendu, ensuite, que, pris en l'absence d'accord au sein de la SNCF, l'article 6.3 du RH 007 à valeur réglementaire, mettant en oeuvre les dispositions de la loi, dispose qu'en cas de grève ou autre perturbation prévisible au sens de cette loi, l'agent est dévoyé de son roulement, placé en service facultatif et peut être utilisé dès l'expiration du repos journalier ; que, selon l'article 3 du chapitre 2 du RH 0924 à valeur réglementaire, pris aux mêmes fins, les agents indispensables à l'exécution du plan de transport doivent, 48 heures à l'avance, déclarer auprès de leur employeur leur intention de participer à la grève ou de la rejoindre à l'une de leur prise de service comprise dans la période couverte par le préavis et que ces agents ont la possibilité de changer d'avis et de ne pas cesser le travail, en informant leur hiérarchie ou le service chargé de recevoir les déclarations individuelles d'intention dans les meilleurs délais afin de mettre le service en capacité de les utiliser dans les meilleures conditions, et au plus tard, à l'heure de prise de service ;
Qu'il en résulte d'une part que la cour d'appel a exactement décidé qu'en supprimant le roulement normal de l'ensemble des agents ayant ou non manifesté leur intention de participer à la grève et en les plaçant en position de service facultatif, de façon à satisfaire aux exigences de la loi du 21 août 2007 précitée, la SNCF n'a pas porté atteinte au droit de grève de ceux qui, bien qu'ayant déclaré leur intention d'y participer, ne pouvaient être considérés a priori comme grévistes dès lors qu'ils pouvaient à tout moment renoncer à rejoindre le mouvement en se mettant à la disposition de leur employeur ; que, d'autre part, ayant constaté que les agents de conduite concernés ne démontraient pas s'être remis à la disposition du service à l'heure à laquelle leur utilisation était possible conformément à l'article 6-3, alinéa 2, du RH 007 précité, elle en a exactement déduit que les intéressés ne pouvaient pas prétendre au paiement des jours de grève qu'ils réclamaient et a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs au pourvoi aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X... et les 30 autres demandeurs au pourvoi
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les agents exposants de leurs demandes de rappels de salaires et de congés payés afférents, de dommages et intérêts et de les avoir condamné au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE sur le placement en service facultatif de tous les agents :
La loi du 21 août 2007 dans son article 5 transposé à l'article L. 1324-7 du code des transports impose aux catégories d'agents indispensables à l'exécution du plan de transport d'informer « au plus tard 48 heures avant de participer à la grève, le chef d'entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d'y participer. ». L'article 6 de la même loi précise que « la rémunération d'un salarié participant à une grève incluant le salaire et ses compléments directs et indirects à l'exclusion des compléments pour charge de famille, est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de cette participation à cette grève. ». L'alinéa 2 de l'article 6-3 du décret n° 99-1161 du 29 décembre 1999 a été modifié par le décret n° 2008-119 du 7 février 2008 en application de la loi du 21 août 2007 et repris mot pour mot dans l'alinéa 2 de l'article 6-3 du RH0077 qui prévoit que « en cas de grève ou autre perturbation prévisible au sens de l'article 4 de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, l'agent est dévoyé de son roulement et placé en service facultatif. Il peut être utilisé dès l'expiration de la durée du repos journalier prévu à l'article 15 : cette disposition est sans incidence sur le nombre de repos périodiques et de repos complémentaire dû à l'agent… » Le dernier alinéa de l'article 3 du chapitre 2 du référentiel RH 0924 version 30 mai 2008 précise : « l'agent ayant déclaré son intention de participer à la grève a la possibilité de changer d'avis et de ne pas cesser le travail. Il en informe sa hiérarchie ou le service chargé de recevoir les DII dans les meilleurs délais afin de mettre le service en capacité de l'utiliser dans les meilleures conditions, et au plus tard, à l'heure de prise de service. La DII devient caduque si elle n'est pas suivie d'effet à la date prévue, ou si l'agent reprend le travail (ou se remet à disposition pour les agents placés en service facultatif). L'agent conserve la possibilité de rejoindre le mouvement de grève, sous réserve qu'il en informe le service compétent au plus tard 48 heures à l'avance pour une nouvelle DII. ». Les appelants expliquent qu'en cas de grève ou autre perturbation, l'ETMP place tous les agents non plus sur leur roulement particulier mais en service facultatif, ils sont utilisés selon les besoins liés aux priorités du plan de transport qui est nécessairement adapté en fonction du nombre d'agents disponibles ; ils prétendent que dans la crainte des litiges à venir, la SNCF va modifier dans la plus grande discrétion l'article 1 du chapitre 3 du RH 0924 et éditer une version datée du 30 décembre 2011 applicable au 1er janvier 2012 en y insérant au tiret 3 la référence à l'article 6.3 du RH 0077, ce n'était pas le cas dans l'édition applicable à la période du litige de 2008 à 2010, ce rajout lui permet d'invoquer, alors même que la loi ne le prévoit pas, que tous les agents roulants sont placés en service facultatif alors que la version initiale faisait référence aux agents disponibles, c'est-à-dire au personnel non-gréviste au sens de la loi. Or, d'une part, l'insertion dans le RH 0924 de l'article 6-3 du RH 0077 n'a pas pour effet de modifier le texte mais de le préciser dans la mesure où le texte RH 0077 fait référence à l'agent en général alors que le RH 0924 fait référence à tous les agents sans qu'il ait jamais été précisé dans ces règlements grévistes ou non-grévistes puisque l'agent ou les agents ayant déposé leur déclaration d'intention de participer à la grève ne peuvent pas être, dès ce moment, considérés comme grévistes puisqu'ils ont la possibilité d'y renoncer et sont donc classés comme disponibles. D'autre part, il résulte des pièces produites aux débats que l'interprétation de l'alinéa 2 de l'article 6-3 décret n° 2008-119 du 7 février 2008 a fait déjà l'objet d'un recours hiérarchique auprès du ministre du travail à l'encontre d'une décision du 30 avril 2009 émanant du directeur régional du travail de Bretagne qui avait précisé « dès lors, ce n'est qu'en cas d'absence de prise de service que l'agent peut être déclaré gréviste » cette décision a été annulée car les difficultés d'interprétation de dispositions réglementaires relèvent de la compétence de la commission nationale mixte, que donc les agents de conduite ne sont pas habilités à se fonder sur une décision qui a été annulée. Enfin, la SNCF a posé à la direction générale des infrastructures des transports et de la mer la question de savoir les conditions dans lesquelles il doit être fait application du second alinéa de l'article 6-3 du décret qui a répondu en indiquant : « en vertu de ces textes, en période de grève, tout agent est placé en service facultatif, ce qui rend l'agent disponible dès la fin du repos journalier réglementaire et non pas à l'issue du repose initialement prévu au roulement… La loi comme les dispositions modifiant le décret de 1999 concilient les objectifs de prévisibilité du service de transport, de continuité du service public, de respect de la liberté du travail et du droit de grève. Dans ces conditions, l'entreprise est fondée à placer en service facultatif l'agent qui s'est déclaré gréviste. En conséquence, si celui-ci renonce à l'exercice du droit de grève, dès lors que l'entreprise a rempli ses obligations au regard des normes de repos journalier, il devra exécuter le service demandé par celle-ci dans le cadre du plan de transport qu'elle est tenue de mettre en place en application de l'article L. 1222-7 du code de transports. Toute autre interprétation aurait pour effet que le salarié qui ne se joindrait pas au mouvement de grève après s'être déclaré gréviste, pourrait prétendre à être payé y compris pour le cas où le service prévu par son roulement normal était supprimé. ». Il n'appartient pas au juge judiciaire d'apprécier la légalité d'un texte réglementaire ou celle de l'alinéa 2 l'article 6-3 du RH 0077 qui fait partie du statut alors que le juge administratif est seul compétent pour apprécier les dispositions à caractère réglementaire et administratif fixant les modalités d'application dudit article. La demande tendant à faire dire et juger que la SNCF n'avait pas la possibilité de placer en service facultatif les agents de conduite ayant manifesté leur intention de rejoindre un mouvement de grève en déposant le formulaire de la manifestation d'intention ne peut être accueillie. Sur le point de savoir à partir de quel moment le représentant local de la SNCF à Tarbes peut-il considérer un agent en grève et la demande de paiement des jours de grève y afférent : L'alinéa 2 de l'article 6-3 du décret n° 2008-119 du 7 février 2008 pris en application de la loi du 21 août 2007 prévoit que « en cas de grève ou... l'agent est dévoyé de son roulement et placé en service facultatif. Il peut être utilisé dès l'expiration de la durée du repos journalier prévu à l'article 15 ». Il en résulte que l'agent qui a déposé une déclaration d'intention de participer à la grève et qui n'y a pas renoncé avant le début du préavis doit être considéré comme gréviste dès l'expiration de la durée du repos journalier prévu à l'article 15 et non comme il le prétend, au moment de sa prise de service dès lors, qu'il a été dévoyé de son roulement puisque le roulement habituel a été suspendu au profit du plan de transport ou service minimum que la SNCF doit organiser en application de l'article L. 1222-7 du code des transports et transmettre aux autorités. La SNCF décompte l'absence à partir de la fin du repos journalier ou périodique soit à l'heure à laquelle l'utilisation de l'agent est possible conformément à l'alinéa 2 de l'article 6-3 du décret n° 2008-119 du 7 février 2008. L'absence de commande de la SNCF à l'agent qui s'est remis à la disposition du service est sans incidence sur sa rémunération qui doit être assurée puisqu'il n'est plus gréviste. En conséquence, l'agent qui a rempli une DU et qui ne manifeste pas de manière univoque son intention de ne pas participer à la grève comme l'indique l'avis du ministère des transports « en conséquence, si celui-ci renonce à l'exercice du droit de grève » et qui ne s'est pas remis à la disposition du service est légitimement considéré comme gréviste par l'employeur. Ces dispositions sont conformes au principe selon lequel l'exercice du droit de grève appartient au salarié qui peut décider de suivre ou non le mouvement et le moment où il veut le rejoindre. Les agents de conduite ne démontrent pas s'être remis à la disposition du service et ne peuvent donc pas prétendre au paiement des jours de grève.
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE Sur le grief d'incompétence : il n'appartient pas au conseil de prud'hommes, juridiction judiciaire, d'apprécier la légalité d'un décret. Tant la permanence du service public que le droit de grève et la liberté du travail sont des droits constitutionnels exprimés dans l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et dans le préambule de la Constitution de 1946, paragraphes 5 et 7, tous droits repris dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958. Ces exigences constitutionnelles sont mise en oeuvre dans les conditions prévues par la loi en application de l'article 34 de la Constitution. L'intention du législateur est de permettre : - à l'autorité organisatrice de transport (Etat ou collectivité territoriale) de définir les dessertes prioritaires en cas de perturbation prévisible du trafic, notamment pour cause de grève. - à l'entreprise de transport de mettre en oeuvre ces priorités lorsqu'un préavis de grève a été déposé, en ayant connaissance du nombre minimal de salariés ne participant pas à la grève comme n'ayant pas manifesté leur intention au moins 48 heures avant la prise d'effet du préavis. Il résulte des conclusions des salariés comme de celles de l'employeur que, en application de l'article 5-II de la loi précitée, la Société Nationale des Chemins de fer Français a mis en place un formulaire intitulé « déclaration individuelle d'intention » par lequel chaque salarié ayant l'intention de participer à un mouvement de grève notifie à l'employeur ladite intention. La légalité de ce formulaire n'est pas contestée par les salariés. L'arrêt du Conseil d'Etat du 19 mai 2008 invoqué par eux, qui avait trait aux modalités de notification de l'intention de participer à la grève au sein de la RATP, lesquelles différaient complètement de celles en vigueur dans l'entreprise défenderesse, est donc sans intérêt pour la solution du litige. Il n'est pas contestable que tout salarié peut participer à une grève soit dès la prise d'effet du préavis, soit en cours de mouvement, sous la seule condition que, dans chaque hypothèse, il ait notifié son intention à l'employeur au moins 48 heures à l'avance. Lorsqu'un salarié a manifesté son intention de participer à un mouvement de grève dans les conditions légales de délai, il peut dès lors exercer son droit. Tel n'est pas le ca lorsqu'il n'a pas respecté son obligation de notification à l'employer ; il est alors passible d'une sanction disciplinaire. Parallèlement au droit de grève dont dispose le salarié dans les conditions précitées, celui-ci peut aussi à tout moment, notamment au début de la période pour laquelle il avait notifié son intention de participer au mouvement, manifester sa renonciation à y participer. Toutefois, comme toute renonciation à un droit, elle doit être formulée de manière expresse et univoque. En l'espèce l'employeur admet la renonciation par voie téléphonique par un salarié qui indique renoncer à participer à la grève et prendre (ou reprendre) son service. Si une renonciation selon ces modalités est valable, elle ne se heurte pas moins à des difficultés de preuve qui pourraient surgir dans des contestations ultérieures. L'employeur n'ajouterait pas à la loi en sollicitant du salarié, s'agissant d'une renonciation à un droit et pour éviter toute contestation, une confirmation écrite lors de la reprise effective du service. A plus forte raison les salariés (Messieurs Y... et Z...) qui, en l'espèce, ont refusé de renoncer par téléphone à participer au mouvement de grève, ne pouvaient-ils pas être considérés comme non-grévistes. Ils ne pouvaient donc pas être réintégrés dans un quelconque roulement. De même les salariés ne pouvaient se placer, de leur propre autorité, en disponibilité à domicile, cette position étant décidée par l'employeur en fonction des nécessités du service. Dans la mesure où, comme il a été dit précédemment, la volonté du législateur est de permettre à l'entreprise de transport de mettre en oeuvre les priorités de service définies par l'autorité organisatrice, l'article 6.3 du décret n° 99-1161 du 29 décembre 1999 a nécessairement pour effet de permettre à la Société Nationale des Chemins de fer Français de : - dévoyer le personnel non gréviste de son roulement et le placer en service facultatif afin d'assurer le service minimal. - dévoyer le personnel gréviste de son roulement et le placer en service facultatif afin que, au gré des renonciations à la grève qui pourraient être formulées individuellement, chaque salarié renonçant puisse être réaffecté dans son roulement à l'expiration du repos prévu par l'article 15 du même décret. Le fait de laisser le salarié ayant manifesté son intention de participer à la grève en position de service aurait pour effet, s'il se présentait pour reprendre son travail à l'heure prévue par son roulement, d'obliger l'employeur à le réintégrer immédiatement dans son roulement et à réaffecter le salarié non gréviste prévu en remplacement sur un autre train, ce qui ne serait pas toujours possible et aurait pour effet de perturber totalement les prévisions de l'employeur en vue d'organiser le service minimal, donc de mettre à néant la loi et son décret d'application. C'est donc à juste titre que « aucune journée de service n'est commandée » aux agents ayant formulé l'intention de participer à la grève, l'employeur ayant pour seule obligation de leur fournir du travail en remettant chaque salarié dans son roulement « aussitôt que possible », soit à l'expiration du repose prévu par l'article 15 du décret. Si les agents concernés ne peuvent pas être considérés comme grévistes dans la mesure où ils ont renoncé à participer au mouvement, la loi et le décret précités ont pour effet de permettre à l'employeur de différer tant son obligation de leur fournir du travail que le paiement de leur rémunération jusqu'au repos programmé dans leur roulement. Il s'ensuit que le placement en service facultatif des salariés ayant formulé leur intention de participer à la grève n'ajoute pas à la loi mais ne fait que mettre en oeuvre les exigences du législateur, tant en matière de respect du droit de grève, que de la liberté du travail et de la permanence du service public. Les demandeurs seront en conséquence déboutés de leurs actions.
ALORS QUE, les juges ne peuvent dénaturer l'objet du litige ; que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et les conclusions en défense ; qu'en retenant, pour débouter les agents de leurs demandes de rappels de salaire et de congés payés afférents, qu'il n'appartient pas au juge judiciaire d'apprécier la légalité d'un texte réglementaire ou celle de l'alinéa 2 du RH 007 qui fait partie du statut alors que le juge administratif est seul compétent pour apprécier les dispositions à caractère réglementaire ou administratif fixant les modalités d'application dudit article, alors que ni l'employeur ni les agents n'avait soutenu que la demande de rappels de salaires était fondée sur l'illégalité du statut, dont il était seulement demandé une juste application, la cour d'appel a dénaturé l'objet du litige en violation des dispositions de l'article 4 du Code de procédure civile.
ALORS également QUE, s'il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité d'un acte administratif, il lui appartient d'en apprécier la portée et de contrôler la régularité de son application dans un litige de droit privé; qu'en retenant, pour débouter les agents exposants de leurs demandes de rappels de salaire et de congés payés afférents, qu'il n'appartient pas au juge judiciaire d'apprécier la légalité d'un texte réglementaire ou celle de l'alinéa 2 du RH 007 qui fait partie du statut alors que le juge administratif est seul compétent pour apprécier les dispositions à caractère réglementaire ou administratif fixant les modalités d'application du dit article, alors qu'il leur était seulement demandé d'interpréter les dispositions du Statut de la SNCF et d'en contrôler l'application sans se prononcer sur la légalité dudit statut, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III.
ALORS en tout état de cause QUE, en cas d'incompétence, le juge judiciaire doit surseoir à statuer et procéder à un renvoi préjudiciel, sans pouvoir statuer au fond ; qu'en retenant, pour débouter les agents exposants de leurs demandes de rappels de salaire et de congés payés afférents, qu'il n'appartient pas au juge judiciaire d'apprécier la légalité d'un texte réglementaire ou celle de l'alinéa 2 du RH 007 qui fait partie du statut alors que le juge administratif est seul compétent pour apprécier les dispositions à caractère réglementaire ou administratif fixant les modalités d'application dudit article, alors qu'en cas d'incompétence, si la légalité d'un règlement est sérieusement contestée, le juge judiciaire doit surseoir à statuer et procéder à un renvoi préjudiciel, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III.
Sur le placement des agents en « service facultatif »
ALORS ENCORE QUE, le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle dont l'exercice ne peut en aucune manière être entravé par l'employeur ; que si l'article 6-3 du décret modifié du 29 décembre 2009 repris dans le référentiel RH 007 prévoit qu'en cas de grève ou autre perturbation prévisible, l'agent est dévoyé de son roulement et placé en service facultatif, ce texte ne peut trouver application que pour les agents non-grévistes, constituant la réserve ; qu'au contraire, l'article III-1 du référentiel RH 0924 ne prévoit la mise automatique en position de service facultatif que des agents « disponibles » ; qu'il ne peut être utilisé pour placer d'office en grève les agents ayant seulement déclarer leur intention de participer au mouvement ; qu'en retenant, pour débouter les agents exposants de leurs demandes de rappels de salaire et de congés payés afférents, que l'insertion dans le RH 0924 de l'article 6-3 du RH 007 n'a pas pour effet de modifier le texte mais de le préciser, que la décision du 30 avril 2009 émanant du directeur régional du travail de Bretagne – ayant précisé l'interprétation des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 6-3 décret n° 2008-119 du 7 février 2008 – avait été annulée, et que, se fondant sur la réponse de la direction générale des infrastructures des transports et de la mer, le placement des agents en service facultatif était la seule interprétation possible dans la mesure où tout autre interprétation aurait conduit des agents dont le roulement normal aurait été supprimé à prétendre à être payés, alors que l'application de cette disposition aux agents ayant signé une déclaration d'intention, et la mise en oeuvre des dispositions du statut telles qu'interprétées par la SNCF et qui entravait l'exercice du droit de grève, n'était rendue obligatoire par aucun texte, et portait atteinte au droit de grève, la cour d'appel a violé articles L. 2511-1 et L. 2512-2 du code du travail, ensemble de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, codifié sous les articles L. 1324-2 à L. 1324-8 du code des transports, et l'article 6-3 du décret du 29 décembre 2009 et du référentiel RH 007
ALORS en tout cas QU'en ne recherchant pas si, en plaçant ainsi les agents en position de service facultatif et en les rendant de ce seul fait grévistes, la SNCF n'a pas, sous couvert d'appliquer ces textes, porté atteinte au droit de grève, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2511-1 et L. 2512-2 du code du travail, ensemble de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, codifié sous les articles L. 1324-2 à L. 1324-8 du code des transports, et l'article 6-3 du décret du 29 décembre 2009 et du référentiel RH 007 Sur le paiement des périodes de grèves
ALORS ENFIN QUE, le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle dont l'exercice ne peut en aucune manière être entravé par l'employeur ; que la grève s'entend d'un arrêt de travail collectif et concerté du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles ; qu'en retenant, pour débouter les agents exposants de leurs demandes de rappels de salaire et de congés payés afférents, que le salarié doit être considéré comme gréviste dès qu'il a été dévoyé de son roulement normal – c'est-à-dire qu'il a été placé en service facultatif – puisque le roulement normal a été suspendu au profit du plan de transport ou du service minimum que la SNCF doit organiser, alors que le fait de faire débuter l'arrêt de travail au stade de la mise en service facultatif et non pas au stade de l'arrêt de travail concret revient à entraver l'exercice du droit de grève, la cour d'appel a violé les articles L. 2511-1 et L. 2512-2 du code du travail, ensemble de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, codifié sous les articles L. 1324-2 à L. 1324-8 du code des transports, et l'article 6-3 du décret du 29 décembre 2009 et du référentiel RH 007.