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23/07/2015 | FRANCE | N°14NC01993

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2015, 14NC01993


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008.

Par un jugement n° 1000362 du 27 janvier 2011, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11NC00489 du 31 mai 2012, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement et a accordé à M. C...la restitution des droits de taxe sur la

valeur ajoutée qu'il avait acquittés au titre de cette période pour un montant de 61 035...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008.

Par un jugement n° 1000362 du 27 janvier 2011, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11NC00489 du 31 mai 2012, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement et a accordé à M. C...la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il avait acquittés au titre de cette période pour un montant de 61 035 euros.

Par une décision n° 361034 du 10 octobre 2014, le Conseil d'État a annulé l'arrêt n° 11NC00489 précité et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mars 2011, et des mémoires complémentaires enregistrés le 16 mars 2012 et le 6 janvier 2015, M. B...C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000362 du 27 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il avait acquittés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ;

2°) de prononcer la restitution demandée ;

3°) subsidiairement, de désigner un expert afin d'éclairer la cour sur la nature et la qualité des actes pratiqués ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'article 261 du code général des impôts méconnaît les objectifs résultant de l'article 13 de la sixième directive, ainsi que le principe communautaire de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors, que conformément à ce qu'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes, un État membre ne peut exclure de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée une profession ou une activité spécifique de soins que s'il est démontré que les personnes exerçant cette profession ne sont pas aptes, compte tenu de leurs qualifications professionnelles, à offrir un niveau de qualité équivalent à celui des prestations des membres des professions exonérées ;

- les qualités de sa formation et de sa pratique lui permettent d'offrir un niveau de prestations équivalant à celui des prestations réalisées par les membres de professions exonérées ;

- il est désormais fondé à se prévaloir des dispositions des décrets n° 2011-32 du 7 janvier 2011 et 2011-1127 du 20 septembre 2011 réglementant l'exercice de l'activité de la chiropraxie, nonobstant la circonstance que le directeur de l'agence régionale de santé ait tardé dans la délivrance de l'autorisation attendue.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2011, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les montants en litige sont limités à la somme de 58 894 euros, correspondant au montant de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au titre des années 2007 et 2008 ;

- les dispositions législatives qui ont reconnu le titre de chiropracteur tout en laissant le soin à des décrets de réglementer la profession n'ont aucune portée à l'égard des dispositions de l'article 261-4-1° du code général des impôts ;

- faute de précision sur la nature des actes accomplis, les premiers juges ne pouvaient se déterminer sur la seule détention d'un diplôme pour considérer que les prestations effectuées par le requérant étaient équivalentes à celles pratiquées par un docteur en médecine, voire par un masseur-kinésithérapeute ;

- le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée n'a pas été méconnu par les dispositions de l'article 261-4-1° du code général des impôts.

Vu :

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, notamment son article 75 ;

- le décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011 ;

- le décret n° 2011-1127 du 20 septembre 2011 ;

- l'arrêté du 7 janvier 2011 pris pour l'application du décret n° 2011-32 ;

- l'arrêté du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie ;

- la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 25 juin 2015 :

- le rapport de M. Di Candia,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d 'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci- dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive, précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des États membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ; que toutefois, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalente à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. (...) / Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir " ; que le décret du 7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie n'a été publié que le 9 janvier 2011 et que le décret du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie, ainsi que l'arrêté du même jour pris en application de ces deux décrets, n'ont été publiés que le 21 septembre 2011 ; que, jusqu'à cette date, les actes dits de chiropraxie ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine, et le cas échéant, pour certains actes seulement et sur prescription médicale, par les autres professionnels de santé habilités à les réaliser ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour obtenir la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés durant la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, soit antérieurement à l'entrée en vigueur des décrets des 7 janvier et 20 septembre 2011 mentionnés ci-dessus et de l'arrêté du 20 septembre 2011, M.C..., qui exerce une activité de chiropraxie, doit démontrer qu'il disposait, pour la fourniture de ces prestations, de qualifications professionnelles propres à leur assurer un niveau de qualité équivalente à celles fournies, selon le cas, par un médecin ou par un membre d'une profession de santé réglementée ; qu'une telle appréciation ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes de chiropraxie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués ;

4. Considérant qu'il appartient, dès lors, à M.C..., pour mettre le juge à même de s'assurer que la condition de l'exonération de taxe tenant à la qualité de ces prestations était remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles ;

5. Considérant que M. C...produit des éléments pouvant être regardés comme attestant, de manière suffisante, la qualité de la formation qu'il a suivie et du diplôme qu'il a obtenu ; que pour permettre au juge de se prononcer sur la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils ont été effectués, il lui incombait également de fournir des éléments permettant, sur une période significative d'au moins deux mois, de s'assurer que ces actes n'étaient pas interdits ou n'avaient pas été accomplis sans avis médical préalable lorsque celui-ci était requis ; qu'en l'espèce, M. C... se borne à produire une douzaine de " fiches patients ", correspondant à 99 consultations, réparties sur une période de neuf ans, alors que son chiffre d'affaires s'élevait au titre de la période en litige à près de 440 000 euros ; qu'ainsi M. C... n'établit pas, par les pièces qu'il produit, que les actes de chiropraxie qu'il a accomplis au cours de la période litigieuse pouvaient être regardés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin ou un masseur kinésithérapeute pratiquant la chiropraxie, auraient été exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. C...la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre chargé du budget.

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14NC01993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01993
Date de la décision : 23/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Fiscalité - Taxe sur la valeur ajoutée.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : LAVOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-07-23;14nc01993 ?
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