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15/03/2016 | FRANCE | N°14MA04808

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 15 mars 2016, 14MA04808


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Narbonne a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'ordonner à Mme C...F..., ou à tout occupant de son chef, de quitter le local du snack-bar, situé dans l'enceinte du camping municipal de la Falaise à Narbonne-Plage, qu'elle occupe irrégulièrement, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter la notification du jugement.

Par un jugement n° 1205628 du 20 octobre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, enjoint à Mme F... ainsi qu'à tous occu

pants de son chef de libérer entièrement le snack-bar du camping municipal de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Narbonne a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'ordonner à Mme C...F..., ou à tout occupant de son chef, de quitter le local du snack-bar, situé dans l'enceinte du camping municipal de la Falaise à Narbonne-Plage, qu'elle occupe irrégulièrement, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter la notification du jugement.

Par un jugement n° 1205628 du 20 octobre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, enjoint à Mme F... ainsi qu'à tous occupants de son chef de libérer entièrement le snack-bar du camping municipal de la Falaise, sous astreinte de 100 euros par jour de retard au-delà d'un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et, d'autre part, rejeté les conclusions reconventionnelles de Mme F... tendant à l'annulation de la mise en demeure de quitter les lieux du 5 mars 2012 et à la condamnation de la commune à lui payer la somme de 67 246,20 euros en réparation du préjudice subi.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 décembre 2014, le 30 octobre 2015 et 10 février 2016, Mme C...F..., néeE..., représentée par Me A..., de la SCP Cabee-A... -Laredj, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 octobre 2014 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la commune de Narbonne comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision de la commune de Narbonne en date du 5 mars 2012 valant résiliation de la convention d'occupation du domaine public ;

4°) à titre plus subsidiaire, de condamner la commune de Narbonne à lui payer la somme de 67 246,20 euros en réparation des préjudices subis du fait du comportement fautif de la commune de Narbonne, résultant de la signature d'un bail commercial sur le domaine public ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Narbonne les entiers dépens de l'instance ainsi que la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le local en cause faisant partie du domaine privé de la commune, la juridiction administrative est incompétente pour connaître du litige ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté les conclusions indemnitaires comme irrecevables à défaut de réclamation préalable ;

- la mise en demeure de quitter les lieux en date du 5 mars 2012, en tant qu'elle vaut résiliation de la convention d'occupation du domaine public est illégale dès lors qu'elle est signée par une autorité dépourvue de délégation de signature régulière et qu'elle ne repose sur aucun motif sérieux ;

- la commune a commis une faute en concluant un bail commercial sur le domaine public et en lui laissant croire qu'elle était titulaire d'un tel bail ;

- le préjudice, évalué à la somme totale de 67 246,20 euros, est constitué de la perte du prix d'acquisition du fonds de commerce et de la marge brute réalisée sur l'exploitation de la clientèle ;

- le lien de causalité est établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2015, la commune de Narbonne, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que le montant de l'indemnisation n'excède pas la somme de 10 000 euros, et à ce que la somme de 2 200 euros soit mise à la charge de Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête, qui ne critique pas le jugement et se borne à reprendre les écritures de première instance, est irrecevable ;

- la demande indemnitaire est irrecevable pour défaut de réclamation préalable ;

- les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions de première instance tendant à l'annulation de la mise en demeure du 5 mars 2012 en tant qu'elle porte résiliation du contrat autorisant l'occupation du domaine public, dès lors que ces conclusions doivent être analysées non comme des conclusions ayant pour objet une annulation pour excès de pouvoir mais comme des conclusions relatives à un contentieux de pleine juridiction contestant la validité de cette mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant Mme F....

1. Considérant que, par jugement du 20 octobre 2014, le tribunal administratif de Montpellier, sur demande de la commune de Narbonne, a, d'une part, enjoint à Mme F... ainsi qu'à tous occupants de son chef de libérer entièrement les locaux du snack-bar du camping municipal de la Falaise, sous astreinte de 100 euros par jour de retard au-delà d'un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et, d'autre part, rejeté les conclusions reconventionnelles de Mme F... tendant à l'annulation de la mise en demeure de quitter les lieux du 5 mars 2012 et à la condamnation de la commune à lui payer la somme de 67 246,20 euros en réparation des préjudices subis du fait du comportement fautif de la commune de Narbonne, résultant de la signature d'un bail commercial sur le domaine public ; que Mme F... relève appel de ce jugement ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant, que, lorsque le juge administratif est saisi d'une demande tendant à l'expulsion d'un occupant d'une dépendance appartenant à une personne publique, il lui incombe, pour déterminer si la juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur ces conclusions, de vérifier que cette dépendance relève du domaine public à la date à laquelle il statue ; qu'à cette fin, il lui appartient de rechercher si cette dépendance a été incorporée au domaine public, en vertu des règles applicables à la date de l'incorporation, et, si tel est le cas, de vérifier en outre qu'à la date à laquelle il se prononce, aucune disposition législative ou, au vu des éléments qui lui sont soumis, aucune décision prise par l'autorité compétente n'a procédé à son déclassement ;

3. Considérant qu'indépendamment de la qualification donnée par les parties à une convention par laquelle une personne publique confère à une personne privée le droit d'occuper un bien dont elle est propriétaire, l'appartenance au domaine public d'un tel bien était, avant la date d'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les locaux du snack-bar sont situés dans l'enceinte du camping municipal, sans être implantés sur un terrain clairement délimité et dissociable du reste de la parcelle supportant le camping ; que l'article 3 du " bail de location d'un local commercial " en date du 8 avril 1991, sur le fondement duquel Mme F... a été autorisée à exploiter le snack-bar et dont elle soutient qu'il relève de la législation sur les baux commerciaux, impose une période d'ouverture du 15 juin au 15 septembre de chaque année, et, " au surplus, aux périodes d'ouverture du camping municipal, sur demande écrite du bailleur ", le camping étant ouvert du 1er mai au 30 septembre ; que l'article 4 prévoit que " les trois salles attenantes au commerce seront placées sous la responsabilité du preneur qui proposera aux campeurs la possibilité de voir la télévision ou de pratiquer des jeux de société tels que tennis de table. A cet égard, les campeurs pourront faire usage de leurs propres jeux ou matériels. Le preneur pourra toutefois en proposer la vente ou la location " ; que ces circonstances permettent de regarder les locaux occupés par Mme F..., qui sont spécialement aménagés à cet effet, comme l'un des éléments de l'organisation d'ensemble du camping municipal et par suite comme étant affectés au service public du développement économique et touristique de la commune de Narbonne ou comme un accessoire du domaine public communal ; que le fait que des clients extérieurs au camping puissent venir consommer au snack-bar ou que des habitants de Narbonne viennent régulièrement participer aux concours de pétanque organisés par Mme F... n'a aucune incidence ; que les locaux en cause appartiennent ainsi au domaine public communal et n'ont fait l'objet d'aucune mesure de déclassement ; que, par suite, l'exception d'incompétence de la juridiction administrative opposée par Mme F... ne peut être accueillie :

Sur les conclusions tenant à l'annulation de la décision de la commune de Narbonne en date du 5 mars 2012 :

5. Considérant que, par courrier du 7 mars 2011, la commune de Narbonne a informé Mme F... qu'elle souhaitait mettre en place une nouvelle procédure d'attribution des locaux exploités à compter de la saison estivale 2012 et invitait en conséquence l'intéressée à " bien vouloir libérer les locaux " à compter du 15 septembre 2011 ; que, par courrier du 5 mars 2012, la commune a mis Mme F... en demeure de libérer les locaux dans un délai de quinze jours ; que le courrier du 7 mars 2011 doit être entendu comme portant résiliation à compter du 15 septembre 2011 du " bail de location " du 8 avril 1991, entretemps tacitement renouvelé ; que Mme F..., qui demande l'annulation de la mise en demeure du 5 mars 2012 uniquement en tant qu'elle vaut résiliation, doit être regardée comme se prévalant de l'irrégularité de la décision du 7 mars 2011 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le " bail de location " des locaux du snack-bar a pour objet d'autoriser l'occupation du domaine public communal et constitue ainsi un contrat administratif par détermination de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; que, si, en principe, les parties à un contrat administratif ne peuvent pas demander au juge l'annulation d'une mesure d'exécution de ce contrat, mais seulement une indemnisation du préjudice qu'une telle mesure leur a causé, elles peuvent, eu égard à la portée d'une telle mesure, former un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; que, par conséquent, les conclusions reconventionnelles de Mme F... doivent être analysées non comme des conclusions ayant pour objet l'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle la commune de Narbonne a décidé de résilier le contrat passé avec Mme F... mais comme des conclusions relatives à un contentieux de pleine juridiction contestant la validité de cette mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles entre les parties ; que de telles conclusions doivent être formées par la partie qui entend demander la reprise des relations contractuelles dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation ; qu'aucun principe ni aucune disposition, notamment pas les dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, qui ne sont pas applicables à un litige de plein contentieux tendant à la reprise des relations contractuelles, n'imposent qu'une mesure de résiliation soit notifiée avec mention des voies et délais de recours pour que ce délai de deux mois commence à courir ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme F... a été informée de la décision de résiliation du 7 mars 2011, ainsi que de la mise en demeure de quitter les lieux du 5 mars 2012, au plus tard le 23 mars 2012, date à laquelle son conseil a répondu à la mise en demeure ; que Mme F... a contesté la mesure de résiliation pour la première fois dans son mémoire en défense enregistré par le tribunal le 21 mars 2013 ; qu'à cette date la décision de résiliation était devenue définitive ; que, dès lors, les conclusions de première instance contestant la validité de la mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles entre les parties sont tardives et doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur la demande d'expulsion du domaine public présentée par la commune de Narbonne :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique (...) ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " ; que l'autorité propriétaire ou gestionnaire du domaine public est recevable à demander au juge administratif l'expulsion de l'occupant irrégulier du domaine public ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été au point 7 que, à la date du 26 décembre 2012 à laquelle le tribunal a été saisi par la commune de Narbonne, Mme F... ne pouvait se prévaloir d'aucun titre l'habilitant à occuper les dépendances du domaine public communal et qu'elle n'était pas recevable à contester la validité de la mesure de résiliation ; qu'elle pouvait donc être expulsée du domaine public ;

Sur les conclusions indemnitaires :

10. Considérant que Mme F... recherche la responsabilité de la commune de Narbonne en réparation des préjudices subis du fait du comportement fautif résultant de la signature d'un bail commercial sur le domaine public ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme F... n'a adressé une réclamation indemnitaire préalable à la commune de Narbonne que par courrier du 4 décembre 2014, soit postérieurement à la date de lecture du jugement ; que la commune a opposé à titre principal en première instance une fin de non-recevoir tirée du défaut de liaison du contentieux ; que, dans ces conditions, les conclusions indemnitaires présentées devant le tribunal étaient, comme celui-ci l'a jugé, irrecevables et ne peuvent être régularisées dans le cadre de la présente instance ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par la commune de Narbonne, que Mme F... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier lui a enjoint de libérer le domaine public et a rejeté ses conclusions reconventionnelles ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme F... la somme que la commune de Narbonne demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Narbonne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...F..., néeE..., et à la commune de Narbonne.

Délibéré après l'audience du 26 février 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2016.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04808
Date de la décision : 15/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Protection contre les occupations irrégulières.

Domaine - Domaine privé - Contentieux - Compétence de la juridiction administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP CABEE - BIVER - LAREDJ

Origine de la décision
Date de l'import : 25/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-15;14ma04808 ?
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