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30/03/2016 | FRANCE | N°14-85109

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 mars 2016, 14-85109


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- La mutuelle Entrain, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 3 juillet 2014, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile des chefs d'abus de confiance, faux et usage ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 février 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur,

MM. Straehli, Finidori, Monfort, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parl...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- La mutuelle Entrain, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 3 juillet 2014, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile des chefs d'abus de confiance, faux et usage ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 février 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Monfort, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, conseillers de la chambre, M. Ascensi, conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Cuny ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire TALABARDON, les observations de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CUNY ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 85, 177, 183, 185, 186, 194, 198, 199, 200, 207, 216, 217, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la constitution de partie civile de la mutuelle Entrain irrecevable ;
"aux motifs qu'il résulte des dispositions de l'article 85, alinéa 2, du code de procédure pénale que « la plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites, soit qu'un délai de trois mois s'était écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou qu'elle a déposé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire » ; qu'il résulte de la procédure que la plainte avec constitution de partie civile reçue par le juge d'instruction le 7 janvier 2013 a été déposée au nom de la mutuelle Entrain avec la seule mention « prise en la personne de son représentant légal » sans que le nom ni la qualité de ce représentant légal ne soient mentionnés, la signature non accompagnée d'indication du nom de l'auteur étant illisible et la déclaration d'adresse jointe ne mentionnant pas davantage le nom, le prénom et la qualité du signataire ; que cette plainte n'est accompagnée, pour seul justificatif de la formalité de la plainte préalable exigée par la loi, que d'une correspondance adressée par un tiers, la société Audit Etoile commissaire aux comptes, au procureur de la République du tribunal de grande instance de Marseille en date du 16 avril 2010 ; que cette société y indique être le commissaire aux comptes de la mutuelle Entrain, que ses travaux d'audit annuels ont révélé un écart entre deux comptabilités ; que le nom du titulaire du compte particulier irrégulièrement crédité devrait être communiqué par la banque de la mutuelle Entrain « dans les prochains jours » ; que la convergence de ces éléments et les premières informations collectées de la part des dirigeants de la mutuelle Entrain les amènent à conclure que la mutuelle a été l'objet d'actes indélicats et qu'en conséquence « ils ont l'intention de déposer une plainte contre X¿ » ; que cette lettre d'information en qualité de commissaire aux comptes ne constitue pas la plainte préalable exigée par la loi et n'émane pas de la partie civile elle-même ; qu'elle ne constitue pas le justificatif visé à l'article 85 du code de procédure pénale précité, condition sanctionnée, au terme de la loi, de l'irrecevabilité ; qu'en dépit de l'invitation précise et détaillée adressée le 17 janvier 2013 par le juge d'instruction à la plaignante d'avoir à compléter dans le délai de trois mois son dépôt de plainte, la personne plaignante s'est abstenue de produire notamment le justificatif de la plainte préalable auprès du procureur de la République ; qu'en conséquence, le juge d'instruction a, à juste titre, déclaré irrecevable par ordonnance du 28 novembre 2013, cette constitution de partie civile ; que l'ordonnance d'irrecevabilité doit être confirmée ;
"1°) alors que satisfait aux exigences de l'article 85 du code de procédure pénale, la plainte avec constitution de partie civile formée par l'avocat d'une personne morale, sans que soit mentionné l'organe qui la représente ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que la plainte avec constitution de partie civile du 7 janvier 2013 a été déposée par Me Itrac, du barreau de Marseille, avocat de la mutuelle Entrain, plaignante ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que la plainte a été déposée au nom de la mutuelle Entrain avec la seule mention « prise en la personne de son représentant légal » sans que le nom ni la qualité de ce représentant légal ne soient mentionnés, pour en déduire qu'une telle plainte est irrecevable, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé ;
"2°) alors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, à l'examen des pièces soumises à son contrôle, que figurent au dossier de la procédure d'une part la plainte préalable de la demanderesse, en date du 4 juin 2010, adressée à M. le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille, d'autre part l'avis de classement du même procureur, en date du 20 mars 2014, visant expressément ladite plainte ; qu'il en résulte qu'au jour du dépôt de sa plainte avec constitution de partie civile, les prescriptions de l'article 85 du code de procédure pénale avaient été respectées ; qu'en relevant, pour décider le contraire, que la plainte avec constitution de partie civile n'est accompagnée, pour seul justificatif de la formalité de plainte préalable exigée par la loi, que d'une correspondance adressée par un tiers, la société Audit Etoile, commissaire aux comptes, au procureur de la République du tribunal de grande instance de Marseille, et que cette lettre ne constitue pas une plainte préalable de la plaignante au sens de l'article 85 susvisé, enfin que la plaignante s'est abstenue de produire le justificatif de sa plainte préalable auprès du procureur de la République, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale" ;
Vu l'article 85 du code de procédure pénale ;
Attendu que la personne qui, s'étant constituée partie civile en portant plainte devant le juge d'instruction, a omis de justifier du dépôt préalable d'une plainte auprès du procureur de la République ou d'un service de police judiciaire dans les conditions fixées par le deuxième alinéa du texte susvisé, et, lorsqu'il s'agit d'une personne morale, de l'identité de son représentant légal, demeure recevable à apporter ces justifications devant la chambre de l'instruction au soutien de son appel de l'ordonnance du magistrat instructeur ayant sanctionné sa carence en déclarant sa constitution de partie civile irrecevable ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, de l'ordonnance qu'il confirme et des pièces de la procédure que, le 7 janvier 2013, la mutuelle Entrain s'est constituée partie civile devant le doyen des juges d'instruction en portant plainte des chefs susvisés ; que cette plainte, qui mentionnait être signée par le représentant légal de la mutuelle, ne précisait pas l'identité de celui-ci et se bornait à faire état, sans en justifier, de l'envoi au procureur de la République, le 30 juin 2010, d'une plainte préalable ; que la plaignante s'étant abstenue de donner suite, dans le délai imparti, à la demande de renseignements complémentaires que lui avait adressée le magistrat instructeur, celui-ci a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile ; que la mutuelle Entrain a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se bornant à examiner les pièces jointes à la plainte déposée devant le magistrat instructeur, alors que, ainsi que la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer, la mutuelle Entrain avait produit en annexe de son mémoire régulièrement déposé au soutien de son appel de l'ordonnance d'irrecevabilité de sa constitution de partie civile, les justificatifs de ce que, d'une part, sa plainte avait été déposée par son représentant légal, M. Olivier C..., d'autre part, plus de trois mois s'étaient écoulés, à la date de ce dépôt, depuis la réception par le procureur de la République, le 2 juillet 2010, de la plainte préalable que la mutuelle avait adressée à ce magistrat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 3 juillet 2014 ;
DÉCLARE recevable la constitution de partie civile de la mutuelle Entrain ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE le retour du dossier au doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance d'Evry aux fins d'application des articles 88 et suivants du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-85109
Date de la décision : 30/03/2016
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Appel des ordonnances du juge d'instruction - Ordonnance d'irrecevabilité de la constitution de partie civile - Motifs - Défaut de justification de dépôt préalable d'une plainte auprès du procureur de la République ou d'un service de police - Défaut de justification de l'identité du représentant légal de la personne morale souhaitant se constituer - Production des justificatifs en appel - Possibilité

ACTION CIVILE - Partie civile - Constitution - Constitution à l'instruction - Recevabilité - Conditions - Dépôt préalable d'une plainte auprès du procureur de la République ou d'un service de police - Identité du représentant légal de la personne morale souhaitant se constituer - Moment de la production des justificatifs - Appel devant la chambre de l'instruction

La personne qui, s'étant constituée partie civile en portant plainte devant le juge d'instruction, a omis de justifier du dépôt préalable d'une plainte auprès du procureur de la République ou d'un service de police judiciaire dans les conditions fixées par l'article 85, alinéa 2, du code de procédure pénale, et, lorsqu'il s'agit d'une personne morale, de l'identité de son représentant légal, demeure recevable à apporter ces justifications devant la chambre de l'instruction au soutien de son appel de l'ordonnance du magistrat instructeur ayant déclaré sa constitution de partie civile irrecevable


Références :

article 85, alinéa 2, du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 03 juillet 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 mar. 2016, pourvoi n°14-85109, Bull. crim. criminel 2016, n° 107
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2016, n° 107

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Cuny
Rapporteur ?: M. Talabardon
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.85109
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