LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., fonctionnaire de police, victime dans l'exercice de ses fonctions d'une tentative de meurtre, dont une cour d'assises a déclaré deux accusés coupables, a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions d'une demande d'indemnisation de ses préjudices sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen annexé qui est irrecevable et sur le second moyen annexé, pris en ses première et troisième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que, pour allouer à la victime diverses indemnités réparant notamment, d'une part, les souffrances endurées et le déficit fonctionnel permanent, d'autre part, un préjudice moral exceptionnel, l'arrêt énonce que la cour d'assises, dans son arrêt du 28 mars 2011, a retenu que les débats avaient révélé que les fonctionnaires de police se sont trouvés encerclés et agressés le 25 comme le 26 novembre 2007 par des jets de plombs ou de divers projectiles, dans l'impossibilité de se protéger efficacement, en difficulté pour évacuer ceux qui, parmi eux, étaient blessés, les véhicules et notamment ceux de secours étant eux-mêmes la cible des agresseurs et qu'ainsi ces circonstances avaient engendré chez chacune des victimes un sentiment d'angoisse générateur d'un préjudice moral exceptionnel qui devait être indemnisé ; que non seulement M. X... a reçu des plombs au niveau des jambes et des organes vitaux mais son évacuation vers l'hôpital et son séjour se sont déroulés dans des conditions particulièrement difficiles et en outre ces faits ont ravivé le souvenir du décès de son père, également fonctionnaire de police, alors qu'il était en service ; que ce préjudice moral exceptionnel tel que vécu lors du déroulement des faits ne constitue pas une double indemnisation, le déficit fonctionnel permanent du point de vue psychologique ne recouvrant pour sa part que les conséquences postérieures du traumatisme ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément, la cour d'appel a réparé deux fois le même préjudice et violé le principe susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il alloue à M. X..., en réparation d'un préjudice moral exceptionnel, la somme de 8 000 euros, l'arrêt rendu le 26 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande de M. X... tendant à se voir allouer une certaine somme au titre d'un préjudice moral exceptionnel ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué diverses sommes à M. X... en réparation du préjudice qu'il a subi dans la nuit du 26 au 27 novembre 2007 ;
Alors que les fonctionnaires de police blessés ou tués en service sont éligibles tant aux dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qu'aux modalités d'indemnisation complémentaires fondées sur la responsabilité de l'Etat relevant de la compétence exclusive de la juridiction administrative, de sorte qu'est nécessairement exclue, dans un tel cas, une indemnisation par une commission d'indemnisation des victimes d'infractions ; qu'en jugeant néanmoins recevable la demande d'indemnisation de M. X..., fonctionnaire de police, du dommage qu'il a subi au cours de son service le 26 novembre 2007, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à M. X... une somme de 8 000 euros au titre d'un préjudice moral exceptionnel, après lui avoir par ailleurs alloué les sommes de 2 500 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent et de 6 000 euros au titre des souffrances endurées ;
Aux motifs que « pour justifier de l'allocation d'une somme de 8000,00 €, la Cour d'Assises du département du Val d'Oise dans son arrêt du 28 mars 2011 a retenu que les débats avaient révélé que les fonctionnaires de police se sent trouvés encerclés et agressés le 25 comme le 26 novembre 2007 par des jets de plombs ou de divers projectiles dans l'impossibilité de se protéger efficacement, en difficulté pour évacuer ceux qui, parmi eux étaient blessés, les véhicules et notamment ceux de secours étant eux-mêmes la cible des agresseurs" et qu'ainsi ces circonstances avaient engendré chez chacune des victimes un sentiment d'angoisse générateur d'un préjudice moral exceptionnel qui devait être indemnisé" ; qu'en pages 41 et 42 du rapport DINTILHAC, il est mentionné que lors de ses travaux, le groupe de travail avait pu constater combien il était nécessaire de ne pas retenir une nomenclature trop rigide de la liste des postes de-préjudice corporel, certains pouvant être exceptionnels comme étant liés à des événements exceptionnels ; que certes ce dossier ne concerne ni un attentat, ni une catastrophe collective naturelle ou industrielle mais bien une véritable guérilla de banlieue dont certains auteurs ont été condamnés pour tentative de meurtre sur des personnes dépositaires de l'autorité publique dans l'exercice de leurs fonctions et ce, en bande organisée et ayant mis en émoi à l'époque la France notamment au vu des reportages relatant ces faits ; que non seulement cette victime a reçu des plombs au niveau des jambes et des organes vitaux mais son évacuation vers l'hôpital et son séjour se sont déroulés dans des conditions particulièrement difficiles et en outre, ces faits ont ravivé le souvenir du décès de son père, également fonctionnaire de police, alors qu'il était en service ; que contrairement à ce que soutient le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS ce préjudice moral exceptionnel tel que vécu lors du déroulement des faits ne constitue pas une double indemnisation, le déficit fonctionnel permanent du point de vue psychologique ne recouvrant pour sa part que les conséquences postérieures du traumatisme ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande d'indemnité de Monsieur Jean-Eric X... du chef d'un préjudice moral exceptionnel et de lui allouer la somme de 8.000,00 € » ;
Alors, d'une part, que le poste des préjudices permanents exceptionnels tend à indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extra-patrimonial permanent particulier non indemnisable par un autre biais ; qu'ainsi, aucune somme ne peut être allouée à ce titre, en réparation d'un préjudice moral déjà indemnisé au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent ; qu'en allouant néanmoins à M. X... la somme de 8 000 euros en réparation d'un préjudice moral permanent exceptionnel cependant qu'elle avait déjà alloué la somme de 6 000 euros au titre des souffrances endurées et celle de 2 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice en violation de l'article 706-3 du code de procédure pénale et du principe de réparation intégrale ;
Alors, d'autre part, que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément ; qu'en retenant, pour allouer à M. X... la somme de 8 000 euros au titre d'un prétendu préjudice moral exceptionnel, que cette somme ne constituait pas une double indemnisation dès lors que le déficit fonctionnel permanent du point de vue psychologique ne recouvre que les conséquences postérieures du traumatisme, cependant qu'elle avait également alloué à la victime la somme de 6 000 euros au titre des souffrances endurées qui réparait les souffrances psychiques antérieures à la consolidation, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale et du principe de réparation intégrale ;
Alors enfin que, comme l'indique sa dénomination-même, le poste du préjudice permanent exceptionnel répare un préjudice permanent, c'est à dire une atteinte qui demeure après consolidation ; qu'en allouant, à ce titre, la somme de 8 000 euros en réparation d'un préjudice moral au motif que le préjudice moral déjà indemnisé par le déficit fonctionnel permanent ne prenait en compte que les souffrances postérieures au traumatisme, ce dont il se déduit qu'elle a indemnisé à ce titre des souffrances antérieures à la consolidation, la cour d'appel a encore violé l'article 706-3 du code de procédure pénale.