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30/09/2014 | FRANCE | N°13PA03403

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 30 septembre 2014, 13PA03403


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août 2013 et 9 octobre 2013, présentés pour Mme D...B..., demeurant au..., par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, C..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1114180/5-4, 1120155/5-4 du 25 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de la ville de Paris à lui verser une indemnité de 250 000 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation, au titre de son p

réjudice financier, des troubles dans les conditions d'existence et de ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août 2013 et 9 octobre 2013, présentés pour Mme D...B..., demeurant au..., par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, C..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1114180/5-4, 1120155/5-4 du 25 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de la ville de Paris à lui verser une indemnité de 250 000 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation, au titre de son préjudice financier, des troubles dans les conditions d'existence et de l'atteinte à son image ;

2°) de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 250 000 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation, en réparation des mêmes préjudices ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 septembre 2014, présentée pour la ville de Paris ;

Vu la Constitution ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

Vu le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2014 :

- le rapport de M. Paris, premier conseiller,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- les observations de Me C...pour Mme B...,

- et les observations de Me A...pour la ville de Paris ;

1. Considérant que Mme B...a été recrutée à compter de 1968 comme assistante puis-maître assistante par l'Ecole supérieure de physique et de chimie industrielle de la ville de Paris (ESPCI), avant d'être nommée professeure de deuxième classe en 1993, puis professeur de première classe en 1997 ; qu'elle a ensuite postulé, sans succès, notamment en 2007, 2008, 2009 et 2010, à la classe exceptionnelle du corps des professeurs de l'ESPCI ; que par un courrier du 23 mai 2011, Mme B...a saisi le maire de Paris d'une demande tendant à la réparation des préjudices résultant, selon elle, d'une part, de l'illégalité du refus de la promouvoir à cette classe exceptionnelle et, d'autre part, des agissements de harcèlement moral dont elle estime avoir été victime de la part de la direction de l'école ; que Mme B...a saisi le Tribunal administratif de Paris de demandes tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du directeur de l'ESPCI et du maire de Paris de mettre en oeuvre diverses mesures relatives à la procédure d'avancement des professeurs de l'ESPCI à la classe exceptionnelle et, d'autre part, à la condamnation de la ville de Paris à lui verser la somme de 250 000 euros en réparation des préjudices subis ; qu'elle doit être regardée comme relevant appel du jugement du 25 juin 2013 en tant que, par celui-ci, le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, ainsi que le soutient MmeB..., que le jugement attaqué qui, pour répondre, dans son point 3, au moyen tiré de la faute commise par la ville de Paris à ne pas avoir organisé une procédure d'avancement conforme aux principes de transparence, d'indépendance et de compétence, se borne à indiquer que les arguments développés et les pièces produites ne permettent pas d'établir que la procédure contreviendrait à ces principes, sans indiquer, même de manière succincte, les motifs de droit ou de fait qui fondent cette appréciation, n'est pas suffisamment motivé ; qu'ainsi, alors, d'ailleurs qu'il ne répond pas, non plus, au moyen qui était invoqué tiré de la non-conformité de la procédure d'avancement organisée par l'ESPCI au principe fondamental reconnu par les lois de la République d'indépendance des professeurs de l'enseignement supérieur, ce jugement doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne les fautes alléguées :

S'agissant des fautes invoquées résultant de la régularité de la procédure d'avancement des professeurs de l'ESPCI :

2. Considérant, en premier lieu, que Mme B...soutient que les procédures d'avancement à la classe exceptionnelle des professeurs de l'ESPCI qui ont été suivies au cours des années où elle a présenté sa candidature ont méconnu le principe fondamental reconnu par les lois de la République d'indépendance des professeurs de l'enseignement supérieur dès lors que l'appréciation des mérites des professeurs présentant leur candidature n'a pas été réalisé exclusivement par leurs pairs ;

3. Considérant que la garantie de l'indépendance des professeurs de l'enseignement supérieur constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; que cette indépendance impose notamment, sous la seule réserve des prérogatives inhérentes à l'autorité investie du pouvoir de nomination, que, dans le cadre du déroulement de leur carrière et pour l'obtention de l'éméritat, l'appréciation portée sur les titres et mérites de ces enseignants ne puisse émaner que d'organismes où les intéressés disposent d'une représentation propre et authentique impliquant qu'ils ne puissent être jugés que par leurs pairs ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les décisions promouvant d'autres candidats que Mme B...à la classe exceptionnelle des professeurs de l'ESPCI et, par conséquent, révélant des décisions de refus de promotion de l'intéressée, ont été prises par le maire de Paris au vu du tableau d'avancement établi par la commission administrative paritaire, après avis du conseil d'administration de l'Ecole, conformément à la procédure prévue par les dispositions combinées de l'article 36 du décret susvisé du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes et de l'article 18 du statut particulier des professeurs de l'ESPCI ; que cette procédure a impliqué une appréciation des mérites de Mme B...qui peut être regardée, eu égard aux fonctions exercées par les professeurs de l'ESPCI, comme ayant eu la qualité de professeur de l'enseignement supérieur ; qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion de l'examen de ces mérites, ni le conseil d'administration de l'Ecole, ni la commission administrative paritaire, n'étaient exclusivement composés de professeurs de l'enseignement supérieur, en méconnaissance du principe fondamental reconnu par les lois de la République d'indépendance des professeurs de l'enseignement supérieur ; que, par voie de conséquence, la requérante est fondée à soutenir que la procédure ayant conduit à l'appréciation de ses mérites a été entachée d'une illégalité fautive ;

5. Considérant, en deuxième lieu, en l'absence de toute disposition législative ou réglementaire instituant une procédure particulière d'examen des mérites des professeurs de l'ESPCI à l'occasion de leur promotion à la classe exceptionnelle, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la procédure instituée par l'Ecole au cours des années en litige aurait conduit à une appréciation de ces mérites sur des critères autres que la valeur professionnelle des intéressés ; qu'ainsi, la procédure mise en place n'a pas méconnu le principe d'égalité et n'est pas, à cet égard, entachée d'une illégalité fautive ;

6. Considérant, enfin, que MmeB..., qui, en sa qualité de professeur de l'ESPCI, relève du statut particulier du corps des professeurs de cette école et non du statut des professeurs des universités, ne peut utilement se prévaloir du principe de transparence qui résulterait, au demeurant selon elle, du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences ; qu'il en résulte que la ville de Paris n'a pas, sur ce point non plus, commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;

S'agissant de la faute invoquée résultant de l'appréciation des mérites de Mme B... :

7. Considérant que Mme B...soutient qu'en ne procédant pas à son avancement dans la classe exceptionnelle des professeurs de l'ESPCI, la ville de Paris aurait manifestement mal apprécié ses mérites par rapport à ceux des autres candidats et aurait ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'elle précise, en particulier, que ses évaluations ont toujours été excellentes, qu'elle a obtenu plusieurs prix et distinctions pour ses recherches sur les nanotubes, qu'elle contribue de manière active à la vie de l'Ecole, en particulier du fait de ses fonctions de trésorière, puis de vice-présidente, de l'association des amis de l'ESPCI, et qu'elle contribue par ses nombreuses publications au rayonnement de cette école et de la recherche française ;

8. Mais considérant qu'il résulte de l'instruction et, en particulier, des éléments et des précisions apportés par la ville de Paris en réponse à la mesure d'instruction qui lui a été adressée, que chacun des candidats finalement promu à la classe exceptionnelle des professeurs de l'ESPCI au titre des années au cours desquelles Mme B...a présenté sa candidature, se distinguaient tous de manière éminente par leurs mérites dans chacun des domaines d'appréciation privilégiés par l'Ecole, à savoir l'enseignement, la recherche et la participation à la vie de l'Ecole ; que, dans ces circonstances, et alors même que les candidats finalement promus à la classe exceptionnelle ne disposaient pas de la même ancienneté que MmeB..., et en dépit des éminents mérites de chercheuse de la requérante, reconnus par plusieurs médailles de recherche de renommée internationale, ainsi que par son rôle reconnu dans la recherche et la conclusion de contrats entre l'ESPCI et d'autres partenaires, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que les décisions refusant de la promouvoir à la classe exceptionnelle auraient été entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, dans ces circonstances, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la ville de Paris aurait, à cet égard, commis une illégalité fautive ;

S'agissant de la faute invoquée résultant d'agissements de harcèlement moral :

9. Considérant que Mme B...soutient que le comportement de la direction de l'ESCPI à son égard relèverait d'agissements de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aux termes duquel : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ;

10. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

11. Considérant que pour faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral à son encontre, Mme B...fait valoir que ses conditions de travails se sont dégradées depuis l'année 2003 ; qu'elle précise, notamment, que la politique menée par le directeur général de l'école l'a privée des moyens matériels et humains nécessaires à ses enseignements et à ses activités de recherche, et qu'elle a été victime d'un blocage dans sa carrière du fait du refus systématique de la promouvoir à la classe exceptionnelle du corps des professeurs de l'ESPCI ;

12. Considérant, toutefois, que le seul témoignage établi le 7 mars 2013, produit par MmeB..., ne fait état que d'un climat général de harcèlement moral, de manière vague et peu circonstanciée, sans apporter aucune précision sur les agissements qui auraient été commis à l'égard de la requérante ; qu'en outre, s'il résulte de l'instruction et, en particulier, des documents établis en 2010 en relation avec l'établissement du budget de l'Ecole produits par MmeB..., que les moyens devant être alloués à l'unité de recherche que l'intéressée dirigeait n'avaient pas été inscrits dans la version initiale du projet de budget, comme d'ailleurs les crédits d'autres unités, il n'en résulte pas que la direction de l'Ecole aurait eu pour volonté de priver Mme B...des moyens d'exercice de son activité d'enseignant-chercheur ; qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction, non plus, que Mme B...aurait émis le souhait de participer aux projets devant être mis en oeuvre dans le cadre du " grand emprunt " et en aurait été empêchée ; que, dans ces circonstances, et alors qu'il ressort des éléments produits par l'école que l'appréciation des candidatures à la classe exceptionnelle des professeurs de l'ESPCI a été réalisée sur le fondement de critères en relation directe avec les mérites des candidats, les agissements de harcèlement moral allégués ne sont pas établis ; que, par voie de conséquence, et à supposer même que qu'un tel harcèlement ait pu être imputé à la ville de Paris, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que celle-ci aurait, à cet égard, commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

En ce qui concerne le lien de causalité :

13. Considérant que si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 12 que les refus de promotion de Mme B...à la classe exceptionnelle des professeurs de l'ESPCI n'étaient pas entachés d'erreur manifeste d'appréciation et ne résultaient pas d'agissements de harcèlement moral ; que, dans ces conditions, les préjudices invoqués par MmeB..., ne trouvent pas leur cause adéquate dans l'irrégularité de la procédure d'avancement à la classe exceptionnelle des professeurs de l'ESPCI relevée aux points 2 à 4, ce, alors même que cette irrégularité résulte de la méconnaissance d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; que, par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de la ville de Paris serait engagée ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander la condamnation de la ville de Paris à l'indemniser des préjudices subis ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B...la somme que demande la ville de Paris au titre des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1114180/5-4, 1120155/5-4 du 25 juin 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 13PA03403


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03403
Date de la décision : 30/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Constitution et principes de valeur constitutionnelle.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Timothée PARIS
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-09-30;13pa03403 ?
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