Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Domingo, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société Coriance et de Me A..., représentant la commune d'Evreux.
Une note en délibéré présentée pour la commune d'Evreux a été enregistrée le 29 mai 2015.
Une note en délibéré présentée pour la société Coriance a été enregistrée le 4 juin 2015.
1. Considérant que, par avis d'appel public à la concurrence publié le 24 décembre 2008, la commune d'Evreux a engagé une procédure de consultation en vue de la conclusion d'un contrat de délégation du service public de production et de distribution de chaleur ; que si le conseil municipal d'Evreux a autorisé, par délibération du 22 juin 2009, le maire à signer le contrat avec la société Coriance, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a annulé, par une ordonnance du 29 juin 2009 devenue définitive, la procédure de passation de la convention de cette délégation ; que la société Coriance relève appel du jugement rejetant sa demande tendant à condamner la commune d'Evreux à lui verser la somme de 4 910 203,41 euros (TTC) en réparation de l'intégralité de son préjudice ou à défaut la somme de 223 969,25 euros (HT) au titre des frais qu'elle a exposés pour la préparation de sa candidature ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il résulte des motifs du jugement que le tribunal administratif de Rouen a répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par la société requérante ; qu'en particulier, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, ont mentionné les motifs pour lesquels la société Coriance ne pouvait prétendre à une quelconque indemnisation des préjudices subis à la suite de l'annulation par le juge du référé précontractuel de la procédure de passation de la délégation de service public de production et de distribution de chaleur qu'elle avait négociée avec la commune d'Evreux ; que la société Coriance n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé ;
3. Considérant que la contradiction de motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité ; que par suite, le moyen tiré de ce que le jugement du tribunal administratif de Rouen ne pouvait sans contradiction relever que la commune d'Evreux avait commis une faute de nature à constituer une illégalité et dénier à la société Coriance tout droit à indemnisation, ne peut en tout état de cause qu'être écarté ;
Sur les conclusions indemnitaires de la société Coriance :
En ce qui concerne le manque à gagner :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une ordonnance du 29 juin 2009, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Rouen a annulé la procédure de passation de la convention de délégation de service public de production et de distribution de chaleur initiée par la commune d'Evreux au motif que les modifications intervenues, lors de la négociation conduite par cette dernière avec la société Coriance, sur la durée des amortissements des nouvelles installations qui avait été portée de vingt ans prévue dans l'avis d'appel public à la concurrence à trente ans, excédaient la marge d'adaptation reconnue à la collectivité publique dans le cadre d'une délégation de service public ; que, par suite, le projet de contrat qui désignait la société requérante comme délégataire du service public en cause n'a pas été signé ; que la circonstance que la commune d'Evreux n'a pas signé ce contrat en raison d'une impossibilité juridique tenant à l'illégalité de la procédure suivie ne préjudicie pas à la société Coriance qui ne pouvait en tout état de cause ni conclure ni exécuter cette convention ; que par suite, la société Coriance, en l'absence de lien de causalité entre la faute de la commune d'Evreux et le préjudice lié au manque à gagner qu'elle aurait subi, n'est pas fondée à en obtenir l'indemnisation ;
En ce qui concerne les frais de présentation de candidature :
5. Considérant que si la société Coriance a engagé en vain des frais pour la présentation de sa candidature à la délégation de service public initiée par la commune d'Evreux, elle ne peut toutefois prétendre qu'à l'indemnisation du seul préjudice qui a un lien direct et certain avec la faute commise par la collectivité publique lors de la phase des négociations menées avec elle ; que la société requérante, qui a au demeurant accepté les modifications des clauses contractuelles à l'origine de l'annulation de la procédure de passation de la délégation de service public, ne peut dès lors prétendre à l'indemnisation de l'intégralité des dépenses en cause qu'elle fixe à un montant de 223 969,25 euros ; que si la commune d'Evreux fait valoir que la société Coriance n'a pas justifié du montant des frais qu'elle prétend avoir exposés, celle-ci produit toutefois un tableau mentionnant les frais engagés selon les différentes phases de la procédure de dévolution de la convention, notamment le temps passé par certains de ses salariés à constituer le dossier, à visiter les lieux, à répondre aux questions du délégant et à participer aux réunions de négociation et de mises au point du contrat ; que ces éléments d'information, qui émanent d'un document que seule la société Coriance était en mesure d'établir, sont suffisants pour justifier de la réalité des frais en cause ; que dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en l'évaluant à la somme de 50 000 euros ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Coriance est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
8. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune d'Evreux doivent, dès lors, être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Evreux une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Coriance et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 24 septembre 2013 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La commune d'Evreux est condamnée à verser à la société Coriance la somme de 50 000 euros.
Article 3 : La commune d'Evreux versera à la société Coriance une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Coriance est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune d'Evreux présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Coriance et à la commune d'Evreux.
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