Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2013, présentée pour M. D...C..., demeurant..., par Me Jean-Marc Quennehen ; M. C... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1003232-1102156-1103366 du 28 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 9 mai 2011 du garde des sceaux, ministre de la justice, refusant de le nommer à l'office vacant de notaire de Soissons et, d'autre part, à l'annulation de diverses mesures ayant conduit à la nomination, le 19 mai 2011, par le garde des sceaux, ministre de la justice, de M. B...A...en qualité de notaire ;
2°) de prononcer l'annulation des décisions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et le décret n° 2001-491 en date du 6 juin 2001 ;
Vu le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 modifié relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
- les observations de Me Jean-Marc Quennehen, avocat de M. C...et de Me Catherine Chauvelier, avocate de M.A... ;
1. Considérant que, par un arrêt du 24 janvier 2008, confirmé par un arrêt du 16 juillet 2010 du Conseil d'Etat, la cour a annulé la décision du 15 septembre 2004 du garde des sceaux, ministre de la justice rejetant la candidature de M. C...en vue d'être nommé sur un office notarial vacant à Soissons ; que M. C...relève appel du jugement nos 1003232-1102156-1103366 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 9 mai 2011 du garde des sceaux, ministre de la justice refusant à nouveau de le nommer à l'office vacant de notaire de Soissons et, d'autre part, à l'annulation de diverses mesures ayant conduit à la nomination, le 19 mai 2011, de M. A... en qualité de notaire sur le même office ;
Sur l'intervention de M.A... :
2. Considérant que M. A...a intérêt au maintien du jugement attaqué ; que son intervention est recevable ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 19 mai 2011 :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande en première instance :
3. Considérant que M. C...avait présenté sa candidature à l'office notarial créé en résidence à Soissons par arrêté du 21 décembre 1993 ; que si sa candidature avait été rejetée par le garde des sceaux, ministre de la justice, le 15 septembre 2004, M. C...a obtenu l'annulation de ce rejet le 24 janvier 2008 ; qu'alors que le garde des sceaux, ministre de la justice n'avait pas réexaminé la demande de M. C...dont il se retrouvait saisi, les délais de dépôt de candidatures à l'office notarial créé en résidence à Soissons en 1993 ont été rouverts par un arrêté du 24 avril 2009 ; que M.A..., qui a présenté sa candidature dans les nouveaux délais ainsi instaurés, a été nommé, par arrêté du 19 mai 2011, à la résidence de Soissons ; que, dès lors, et en dépit du fait que le requérant n'avait pas répondu à cet appel à candidatures, il ne peut qu'être regardé comme justifiant d'un intérêt personnel direct et certain à agir à l'encontre de l'arrêté en litige ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 19 mai 2011 :
4. Considérant que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale ; que s'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte ; que les arrêtés du garde des sceaux, ministre de la justice du 24 avril 2009 ouvrant un nouveau délai pour le dépôt de nouvelles candidatures à des offices notariaux déjà créés et du 4 juin 2009 fixant la date des épreuves écrites et orales de l'examen à subir en vue de la nomination à des offices créés de notaire, lesquels sont des actes réglementaires, constituent la base légale de l'arrêté du 19 mai 2011 nommant M. A...notaire à la résidence de Soissons ; que, dès lors, M. C... est recevable à invoquer l'illégalité des arrêtés du 24 avril et du 4 juin 2009 à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 19 mai 2011 ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 54-1 du décret du 5 juillet 1973 modifié susvisé alors en vigueur : " (...) Si le candidat ne présente pas sa demande de nomination ou ne produit pas les justificatifs requis dans les délais impartis, il est réputé renoncer à l'office, lequel est alors proposé au prochain concours. " ; qu'aux termes de l'article 55 du même décret : " (...) Si le garde des sceaux, ministre de la justice, ne retient pas la candidature, l'office est alors proposé au prochain concours utile. " ; qu'aux termes de l'article 55-1 du même décret : " Lorsque le candidat nommé à un office est déclaré démissionnaire en application de l'article 45 de l'ordonnance n°45-1414 du 28 juin 1945, l'office créé auquel il avait été nommé est offert au prochain concours utile. " ;
6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du décret du 5 juillet 1973 que les seuls cas où le garde des sceaux, ministre de la justice peut rouvrir les délais pour le dépôt des candidatures sur un office notarial créé et toujours vacant sont l'absence de demande de nomination, la vacance suite à une candidature non retenue ou la démission d'un candidat nommé ; que lorsque le garde des sceaux, ministre de la justice a rouvert les délais, le 24 avril 2009, pour le dépôt des candidatures sur l'office notarial en résidence à Soissons créé le 21 décembre 1993, il était ressaisi de la candidature de M. C...sur ce même office du fait de l'annulation, par arrêt de la cour du 24 janvier 2008, de sa décision de refus de nommer le requérant prise le 15 septembre 2004 ; que, dès lors, faute de s'être de nouveau prononcé sur la demande de M. C..., comme l'impliquait l'exécution de l'arrêt du 24 janvier 2008 le garde des sceaux, ministre de la justice ne se trouvait pas dans l'un des cas prévu par le décret du 5 juillet 1973 lui permettant d'organiser de nouvelles épreuves pour pourvoir l'office dont s'agit ; que, par suite, M. C...est fondé à soutenir que l'arrêté du 19 mai 2011 nommant M. A... notaire en résidence à Soissons est privé de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté du 24 avril 2009 et doit être annulé ;
Sur la légalité de la décision du 9 mai 2011 :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 modifié susvisé alors en vigueur : " Nul ne peut être notaire s'il ne remplit les conditions suivantes : (...) 7° Avoir suivi, pour une première nomination, la formation en gestion d'un office de notaire, déontologie et discipline notariales dont le programme et les modalités sont définis par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, pris après avis du bureau du Conseil supérieur du notariat et du Centre national de l'enseignement professionnel notarial. " ;
8. Considérant, d'une part, que le garde des sceaux, ministre de la justice a considéré que M. C...ne remplissait pas la condition de moralité nécessaire à la qualité d'officier public qu'il souhaitait exercer ; que, si M. C...conteste être le propriétaire des logements insalubres mentionnés dans la décision en litige et soutient qu'il ne s'est pas rendu à une convocation des services de police dans le cadre de l'enquête de moralité en cours pour des raisons indépendantes de sa volonté, il ressort des pièces du dossier que les autres griefs énumérés dans la décision du 9 mai 2011 justifiaient l'appréciation portée par le ministre sur la moralité du candidat ;
9. Considérant, d'autre part, que le garde des sceaux, ministre de la justice a également opposé à M.C..., par un motif surabondant, qu'il ne justifiait pas du respect des obligations de formation professionnelle prévues à l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 précité ; que M. C... n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de la loi du 2 avril 2000 et de son décret d'application du 6 juin 2001 susvisés, lesquelles ne régissent que les échanges entre les usagers et l'administration, pour soutenir que le garde des sceaux, ministre de la justice, aurait dû lui demander de compléter sa demande de candidature avant de la rejeter ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2011 ;
Sur les conséquences de l'illégalité de l'arrêté du 19 mai 2011 :
11. Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique, en principe, que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif -après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause- de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que tout ou partie des effets de cet acte antérieur à l'annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ;
12. Considérant qu'eu égard, d'une part, à l'intérêt général qui s'attache à l'autorité des actes authentiques auxquels M. A...a concouru en qualité de notaire à Soissons et, d'autre part, à la nature du motif d'annulation retenu et alors qu'aucun autre moyen n'est de nature à justifier l'annulation prononcée par le présent arrêt, l'annulation rétroactive de la nomination de M. A...porterait une atteinte manifestement excessive au fonctionnement du service public de la justice ; que, dès lors, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de ne prononcer l'annulation de la nomination de M. A... qu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
14. Considérant que, M.A..., intervenant en défense n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation de M. C...à payer à M. A...la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de M. A...est admise.
Article 2 : L'arrêté du 19 mai 2011 du garde des sceaux, ministre de la justice est annulé à compter de l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de M. A...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B...A....
''
''
''
''
2
N°13DA00312