LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme ...
X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 5e section, en date du 13 novembre 2013, qui, a autorisé sa remise différée aux autorités judiciaires espagnoles en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 24 mai 2013, le procureur général de Paris a notifié à Mme X..., de nationalité espagnole, un mandat d'arrêt européen délivré le 8 juin 2007 par un juge d'instruction de Madrid pour l'exercice de poursuites pénales du chef de participation à une organisation terroriste ; que, comparant devant la chambre de l'instruction, Mme X... n'a pas consenti à sa remise ; que, par arrêt avant dire droit du 3 juillet 2013, la chambre de l'instruction a ordonné un complément d'information ; que par arrêt du 13 novembre 2013, elle a autorisé sa remise différée aux autorités judiciaires espagnoles, l'interessée devant exécuter des condamnations prononcées par les juridictions françaises ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 695-30 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, statuant dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen émis à l'encontre de Mme X..., a ordonné la remise de celle-ci à l'autorité judiciaire du Royaume d'Espagne aux fins d'exercice de poursuites pénales fondées sur un arrêt de mise en accusation du magistrat instructeur de l'Audience nationale de Madrid en date du 30 avril 2004, pour un délit de participation à une organisation terroriste ;
" alors qu'il résulte des pièces de la procédure que l'affaire ayant été appelée à une audience du 4 septembre 2013 après un arrêt ordonnant un complément d'information, il a été dressé le 4 septembre 2013 procès-verbal de l'interrogatoire de Mme X..., l'affaire étant renvoyée à une audience ultérieure du 2 octobre 2013 ; qu'aucun interrogatoire n'a eu lieu et aucun procès-verbal d'un tel interrogatoire n'a été dressé à cette audience du 2 octobre 2013 ; que les formalités impératives de l'article 695-30 du code de procédure pénale supposent qu'il soit dressé procès-verbal lors de l'audience à laquelle les débats ont lieu ; que l'arrêt doit être annulé " ;
Attendu que la demanderesse ne saurait se faire un grief de l'absence de procès-verbal d'interrogatoire lors de l'audience du 2 octobre 2013 dès lors que figure au dossier le procès-verbal établissant que cette formalité a été accomplie à l'audience précédente du 4 septembre 2013, la chambre de l'instruction étant composée des mêmes magistrats, tenue après exécution d'un complément d'information et à l'issue de laquelle la chambre de l'instruction a ordonné un renvoi au 2 octobre suivant pour examen de l'affaire au fond ; que, dès lors, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que les dispositions de l'article 695-30 du code de procédure pénale, dont la violation est alléguée, n'ont pas été méconnues ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 695-11, 695-14 du code de procédure pénale, 593 du même code, de l'ordonnance de Villers Cotterets du 25 août 1539, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise à l'autorité judiciaire du Royaume d'Espagne de Mme X... en exécution d'un « mandat d'arrêt européen » émis le 8 juin 2007 par un juge d'instruction de l'Audience nationale de Madrid, aux fins de l'exercice de poursuites pénales fondé sur un arrêt de mise en accusation et d'emprisonnement en date du 30 avril 2004, dans une procédure d'instruction préparatoire visant l'intéressée pour un délit de participation à une organisation terroriste ;
" alors qu'aux termes de l'article 695-14 du code de procédure pénale, le mandat d'arrêt européen adressé à l'autorité compétente d'un autre Etat membre doit être traduit dans la langue officielle de l'Etat membre d'exécution ; que ne peut répondre à cette condition impérative et ne peut donc constituer un mandat d'arrêt européen susceptible de faire la moindre mesure d'exécution un document proprement incompréhensible, insusceptible d'être considéré comme ayant été écrit en français, se présentant comme la traduction d'un acte juridictionnel espagnol, et dont le juge français ne peut ainsi pas s'assurer ni de la validité ni du sens ni de la portée ; que l'arrêt rendu au vu d'un tel acte, qui ordonne néanmoins la remise de Mme X... pour son exécution doit être annulé " ;
Attendu que l'avocat de Mme X... n'a, devant la chambre de l'instruction, soulevé aucune exception de nullité fondée sur la méconnaissance de l'article 695-14 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen, mélangé de fait et de droit, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 695-22 du code de procédure pénale, de l'article 593 du même code, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise à l'autorité judiciaire du Royaume d'Espagne de Mme X... en exécution d'un « mandat d'arrêt européen » émis le 8 juin 2007 par un juge d'instruction de l'Audience nationale de Madrid, aux fins de l'exercice de poursuites pénales fondé sur un arrêt de mise en accusation et d'emprisonnement en date du 30 avril 2004, dans une procédure d'instruction préparatoire visant l'intéressée pour un délit de participation à une organisation terroriste ;
" aux motifs que l'exécution du mandat d'arrêt européen considéré ne se heurte pas à l'un des cas de refus obligatoire visés à l'article 695-22 ainsi qu'à l'article 695-23, alinéa 1er, du code de procédure pénale ; qu'il apparaît, en particulier, que Mme X... n'ayant pas la nationalité française et les juridictions françaises ne pouvant exciper des dispositions de l'article 689 de ce même code pour connaître de faits commis sur le seul territoire espagnol (et, par là même, distincts de ceux pour lesquels elle a été condamnée le 14 septembre 2007 par la 16ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris à la peine de quatre ans d'emprisonnement), les dispositions du 4° de l'article 695-22 dudit code relatives à l'absence de prescription notamment de l'action publique ne sont pas applicables aux circonstances de la cause ; que les conditions requises pour l'exécution du mandat d'arrêt européen sont réunies ; qu'il échet, en conséquence, d'ordonner la remise sollicitée par l'autorité judiciaire espagnole ; que Mme X... exécutant actuellement une peine en France à raison des faits autres que ceux visés dans le mandat d'arrêt européen émis à son encontre, il convient, sur le fondement de l'article 695-39, alinéa 1er, du code de procédure pénale, de différer sa remise à l'autorité judiciaire espagnole » ;
" alors qu'aux termes de l'article 695-22 2° du code de procé dure pénale, l'exécution du mandat d'arrêt européen est refusée notamment si la personne recherchée a fait l'objet par les autorités judiciaires françaises d'une décision définitive pour les mêmes faits que ceux faisant l'objet du mandat d'arrêt européen, à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée ou soit en cours d'exécution ; que Mme X... faisait valoir que la décision de la juridiction d'instruction espagnole lui reprochant le recrutement de membres d'ETA avait pour fondement des documents saisis en 2002 à Tarbes en France, documents qui avaient été exploités parallèlement par les autorités espagnoles et par les autorités judiciaires françaises, qui en avaient déduit que Mme X... exerçait des fonctions de recrutement de nouveaux membres d'ETA, faits pour lesquels Mme X... a été condamnée à une peine de quatre ans d'emprisonnement et une interdiction définitive du territoire français par un jugement du 14 septembre 2007 rendu par le tribunal correctionnel de Paris, actuellement en cours d'exécution ; qu'en affirmant que les faits à raison desquels Mme X... purge sa peine actuellement en France seraient différents de ceux visés dans le mandat d'arrêt européen, sans s'expliquer sur cette affirmation, sans analyser le jugement du 14 septembre 2007, et sans s'interroger sur le fait que si le complément d'information argue soudainement en 2013 de ce que les faits auraient été commis dans la province de Guipuzcoa, la traduction française de l'arrêt du 30 avril 2004 laisse apparaître que Mme X... aurait été renvoyée pour des faits commis « dans endroit inconnu » la chambre de l'instruction a privé sa décision de tous motifs et de toute base légale, et exposé son arrêt à la censure " ;
Attendu que, pour écarter l'application de l'article 695-22, 2°, du code de procédure pénale, l'arrêt énonce que le mandat d'arrêt européen vise des faits de participation à une organisation terroriste qui, selon les pièces judiciaires fournies par les autorités espagnoles, auraient été commis jusqu'en novembre 2002 dans la province de Guipuzcoa en Espagne alors que par jugement définitif du 14 septembre 2007, le tribunal correctionnel de Paris a condamné Mme X... du chef de participation à une association de malfaiteurs à caractère terroriste pour des faits commis en France, notamment dans les Pyrénées-Atlantiques, courant 2002 et jusqu'au 18 décembre 2002 ; qu'il s'en déduit que la personne recherchée n'a pas été condamnée en France pour les mêmes faits ;
Qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et que la procédure est régulière ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Castel, conseiller rapporteur, M. Foulquié, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;