Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2012, présentée pour la Communauté des communes giennoises, dont le siège est situé 49, rue de Chantemerle à Gien (45503), représentée par son président, par Me Hourcabie, avocat au barreau de Paris ; la Communauté des communes giennoises demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102345 du 10 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans l'a condamnée à verser à la société Arches Etudes la somme de 9 000 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction illégale d'un marché de maîtrise d'oeuvre ;
2°) de rejeter la demande de la société Arches Etudes ;
3°) de mettre à la charge de la société Arches Etudes le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- le jugement est irrégulier : le tribunal a fondé sa décision sur un moyen relevé d'office sans en avertir les parties ; le seul moyen soulevé était tiré de l'absence d'information sur la méthode de notation utilisée ;
- à le supposer soulevé, le moyen ne l'a été que dans le mémoire en réplique auquel elle n'a pu répondre ;
- la légalité de la méthode de notation mise en oeuvre n'est pas critiquable ; elle permettait de différencier les offres et d'identifier celle qui était économiquement la plus avantageuse ; elle a été appliquée de manière identique à tous les candidats ; l'offre la moins-disante n'est pas nécessairement économiquement la plus avantageuse ;
- c'est à tort, en tout état de cause, que le tribunal a estimé que la société Arches Etudes avait une chance sérieuse d'emporter le marché ;
- le manque à gagner invoqué n'est pas établi et la société ne pouvait augmenter ses prétentions en cours d'instance ;
- la société n'aurait pas pu réaliser les prestations du marché ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 19 mars 2012 à la société Arches Etudes, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2012, présenté pour la société Arches Etudes, dont le siège est situé 13 bis rue Philippe de Girard à Paris (75010), par Me Silvestre, avocat au barreau d'Orléans ;
la société Arches Etudes conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la réformation du jugement en ce qu'il a limité son droit à indemnisation à la somme de 9 000 euros ;
3°) à la condamnation de la communauté des communes giennoises à lui verser la somme de 14 276,59 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2011, eux-mêmes capitalisés ;
4°) à ce que soit mise à la charge de la communauté des communes giennoises la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- les moyens retenus par le tribunal n'ont pas été soulevés d'office ;
- le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ;
- la méthode de notation du critère prix n'était pas légale ;
- l'écart de points n'est pas proportionnel à l'écart de prix ;
- les sous-critères d'appréciation des deux autres critères n'ont pas été portés à la connaissance des candidats ;
- la notation des critères " valeur technique " et " aptitude à respecter les délais " est affectée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les illégalités relevées ont nécessairement eu une influence sur le choix de l'attributaire et la validité du contrat ;
- les documents produits établissent l'importance du préjudice subi, qui pouvait être réévalué en cours d'instance ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 31 octobre 2013, présenté pour la communauté des communes giennoises, qui maintient ses conclusions et moyens, et conclut en outre au rejet de l'appel incident de la société Arches Etudes ;
elle soutient que :
- il n'a pas été recouru à des sous-critères pour apprécier les offres ;
- l'appréciation des critères " valeur technique " et " aptitude à respecter le délai " n'est pas entachée d'erreur manifeste ;
- les documents comptables produits établissent que la société requérante ne dégageait aucune marge ;
Vu le courrier en date du 1er octobre 2013 adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance en date du 18 décembre 2013 portant clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2014 :
- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant de la communauté des communes giennoises ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er février 2014, présentée pour la communauté des communes giennoises ;
1. Considérant que la communauté des communes giennoises a, par la publication début 2011 d'un avis d'appel public à la concurrence, engagé une procédure adaptée prévue à l'article 28 du code des marchés publics en vue de la passation d'un marché de maîtrise d'oeuvre pour les travaux de réparation du gymnase Bilstein à Gien ; que la société Arches Etudes a déposé une offre, ainsi que trois autres cabinets d'architectes ; qu'informée de ce que son offre n'avait pas été retenue, et après que le pouvoir adjudicateur lui ait communiqué les motifs détaillés du rejet de celle-ci en lui transmettant le rapport d'analyse des offres, la société Arches Etudes a demandé l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de son éviction illégale et saisi le tribunal administratif d'Orléans du litige né du refus qui lui a été opposé ; que, par jugement du 10 novembre 2011, dont la communauté des communes giennoises relève appel, le tribunal administratif d'Orléans a condamné cette dernière à verser à la société Arches Etudes la somme de 9 000 euros ; que, par la voie de l'appel incident, la société Arches Etudes demande la réformation du jugement en tant qu'il a limité le montant de l'indemnité qui lui a été allouée à cette somme ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, que, dans sa demande introductive de première instance, la société Arches Etudes, outre l'absence d'information sur l'estimation et sur les modalités de notation, invoquait le caractère inintelligible et inadapté de la formule de notation du critère du prix en soutenant en particulier qu'elle ne permettait pas une véritable hiérarchisation des offres, les écarts n'étant pas proportionnels ; qu'en retenant que la méthode de notation mise en oeuvre, s'agissant de l'appréciation du critère du prix, ne permettait pas de classer les offres suivant leurs mérites respectifs au regard des exigences du règlement de consultation, ni de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse, le tribunal n'a ainsi pas fondé sa décision sur un moyen soulevé d'office ; que, dès lors, la communauté des communes giennoises ne saurait soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité faute pour les parties d'avoir été invitées à présenter leurs observations sur ce moyen en application de l'article R. 611- 7 du code de justice administrative ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que les premiers juges n'ont pas méconnu le principe du contradictoire, en ne prolongeant pas l'instruction et en ne faisant pas droit au report d'audience sollicité, au seul motif que la société Arches Etudes a, dans son mémoire, enregistré au greffe du tribunal le 14 octobre 2011 et communiqué dès cette date à la requérante, alors que l'audience était programmée le 20 octobre 2011, développé son argumentation sur le moyen déjà soulevé, comme il a été dit ci-dessus, dans ses premières écritures ;
Sur l'appel principal :
Sur la perte de chances sérieuses d'emporter le marché :
4. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter ce marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit, en principe, au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les offres devaient être appréciées, au regard du critère relatif au prix des prestations, pondéré à 40 %, par comparaison avec l'estimation faite par l'administration, qui s'élevait à 25 000 euros HT ; que, pour classer les offres, la commission a utilisé une formule mathématique (20 -[(5 x prix offre) / estimation budgétaire]) qui avait pour effet d'attribuer une note de 15/20 à toute offre correspondant à l'estimation budgétaire de l'administration, les offres d'un montant supérieur ou inférieur à cette estimation, se trouvant affectées d'une note inférieure ou supérieure à 15 ; qu'ainsi, sauf propositions extrêmes, le critère prix ne pouvait pas en fait être noté sur l'échelle de 1 à 20 prévue par le règlement de la consultation ; qu'il ressort du rapport d'analyse des offres que la société Arches Etudes, moins disante pour un montant de 19 800 euros HT, a reçu, avant pondération, une note de 16,04/20 et que l'attributaire, le cabinet d'architecture Larcher/Divry, qui avait présenté une offre pour un montant de 29 083,50 euros HT supérieur de près de 47 %, a été noté 14,18/20 ; que la méthode de notation du critère du prix retenue, en réduisant de manière très importante l'impact des écarts de prix entre les offres, a ainsi eu pour effet de neutraliser largement l'application de ce critère, de manière contradictoire avec sa pondération à 40 % dans l'appréciation globale des offres ; que la communauté des communes giennoises n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que la méthode mise en oeuvre pour noter ce critère ne permettait ni de respecter l'échelle de notation sur 20 prévue au règlement de consultation pour chaque critère, ni surtout de hiérarchiser correctement les offres au regard de l'objectif, annoncé dans ce même règlement, d'approcher l'estimation budgétaire de la collectivité et de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse ;
6. Considérant qu'eu égard à la pondération du critère du prix et au très faible écart, de 0,07 point sur 20, séparant la note définitive de 16,27 de la société Arches Etudes et celle de 16,34 du candidat retenu, le caractère manifestement inapproprié et incohérent de la méthode de notation de ce critère a influé sur le choix de l'attributaire du marché ; qu'ainsi, la société Arches Etudes doit être regardée comme ayant perdu une chance sérieuse de remporter le marché en cause ; que, par suite, elle a droit à être indemnisée de son manque à gagner ;
Sur le montant du préjudice :
7. Considérant, d'une part, que le recours en indemnité formé par un candidat irrégulièrement évincé d'un marché de travaux publics est au nombre des recours relevant de la matière des travaux publics pouvant, en application des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, être présentés sans décision préalable et sans qu'un délai leur soit opposable, hormis le délai de prescription quadriennale ; que, par suite, la société Arches Etudes était recevable à demander, par son mémoire enregistré le 14 octobre 2011 au greffe du tribunal, que l'indemnité sollicitée, initialement évaluée à 7 976,95 euros TTC dans son mémoire introductif, soit portée à la somme de 14 276,59 euros TTC ;
8. Considérant, d'autre part, que l'indemnité mise à la charge de la communauté des communes giennoises, qui vise à réparer un préjudice et ne correspond pas à la rémunération d'une prestation, n'a pas à être assortie de la taxe sur la valeur ajoutée ;
9. Considérant, enfin, que la société Arches Etudes a produit des documents établis par son expert comptable qui permettent d'évaluer son manque à gagner par rapport à un montant de marge nette qui varie de 30 à 50 %, dans des marchés de même nature et de même durée ; qu'ainsi, eu égard au montant de son offre de 19 800 euros HT, dont il n'est nullement démontré qu'il aurait dû être déclaré anormalement bas et aurait placé la société dans l'impossibilité de réaliser la prestation, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice subi par la société Arches Etudes en fixant l'indemnité mise à la charge de la communauté des communes giennoises à la somme de 9 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2011 ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la communauté des communes giennoises n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans l'a condamnée à verser à la société Arches Etudes une indemnité de 9 000 euros ;
Sur l'appel incident :
11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, le tribunal a fait une juste appréciation du manque à gagner subi par la société Arches Etudes en lui allouant la somme de 9 000 euros ; que l'appel incident de cette dernière tendant à ce que l'indemnisation qui lui est due soit portée à la somme de 14 276,59 euros doit, dès lors, être rejeté ;
Sur la capitalisation des intérêts :
12. Considérant que si devant les premiers juges il n'était pas encore dû une année d'intérêts à la date à laquelle la capitalisation de ceux-ci a été demandée, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté il était dû au moins une année d'intérêts le 20 juin 2012 ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu dans cette hypothèse de faire droit à la demande de capitalisation tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Arches Etudes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la communauté des communes giennoises au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté des communes giennoises le versement à la société Arches Etudes de la somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la communauté des communes giennoises est rejetée.
Article 2 : Les intérêts sur la somme de 9 000 euros que la communauté des communes giennoises a été condamnée à verser à la société Arches Etudes, échus à la date du 20 juin 2012 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 10 novembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté des communes giennoises et à la société Arches Etudes.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 février 2014.
Le rapporteur,
B. MADELAINE Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT002062
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