Vu la requête, enregistrée le 15 février 2012, présentée pour le département des Alpes-Maritimes, dont le siège est Hôtel du Département à Nice Cedex 03 (06201), pris en la personne du président du conseil général, par le cabinet d'avocats Cornet - Vincent - Segurel ; le département des Alpes-Maritimes demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003790 du 27 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice, après avoir, par son article 1er, annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par le département des Alpes-Maritimes sur la demande des époux D...en date du 22 juin 2010 tendant à ce que les travaux préconisés par M.B..., expert judiciaire, soient réalisés, a, par son article 2, enjoint au département des Alpes-Maritimes de procéder aux travaux préconisés par l'expert judiciaire relatifs à la création d'un réseau pluvial, dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement, et ce sous astreinte, passé ce délai de six mois, du paiement d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
2°) de rejeter l'ensemble des demandes de M. et MmeD... ;
3°) de mettre à leur charge solidaire une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de les condamner aux entiers dépens ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 5 juillet 2013 à M. et MmeD..., en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2013, présenté pour M. et Mme D..., par MeE..., de la SCP Franck -Berliner -Dutertre -E..., qui concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du département au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le mémoire, enregistré le 24 avril 2014, présenté pour le département des Alpes-Maritimes, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et la Charte de l'environnement ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2014 :
- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de MeC..., substituant MeA..., du cabinet d'avocats Cornet - Vincent - Segurel, pour le département des Alpes-Maritimes ;
1. Considérant que M. et Mme D...sont propriétaires d'un terrain cadastré section B n° 2528, d'une superficie de 1 970 mètres carrés, situé en bordure de la route départementale 2562, sur le territoire de la commune du Tignet, sur lequel ils ont construit une maison ; que leur propriété est régulièrement inondée par les eaux pluviales de ruissellement qu'un dalot en pierre, accessoire de la route départementale, déverse sur leur terrain ; que M.B..., expert géologue-hydrogéologue désigné par ordonnance du 8 octobre 2008 du juge des référés du tribunal administratif de Nice, a déposé, le 14 novembre 2009, un rapport d'expertise préconisant, pour mettre fin aux désordres affectant la propriété des requérants, la création d'" (...) un réseau pluvial qui permettra de conduire les eaux de voirie de la RD 2562 par une canalisation jusqu'au vallon des Planestaux situé en pied de versant (...) " ; que le département des Alpes-Maritimes relève appel du jugement du 27 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice, après avoir, par son article 1er, annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par le département des Alpes-Maritimes sur la demande des époux D...en date du 22 juin 2010 tendant à ce que les travaux préconisés par cet expert soient réalisés, a, par son article 2, enjoint audit département de procéder aux travaux préconisés par l'expert judiciaire relatifs à la création d'un réseau pluvial, dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement, et ce sous astreinte, passé ce délai de six mois, du paiement de 100 euros par jour de retard ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par M. et MmeD... :
2. Considérant qu'il résulte des termes de la délibération du 15 avril 2011 produite par le département que l'assemblée délibérante a entendu donner délégation au président du conseil général pour représenter le département dans les actions en justice " en défense et en demande (...) pour tout recours au fond, tout recours avant dire droit et toute procédure d'urgence " ; que la circonstance que cette délibération ne vise pas spécifiquement les demandes de sursis à exécution est sans influence sur la recevabilité de l'appel du département ; que la circonstance que l'ampliation de la délibération produite au dossier soit dépourvue de signature est, en tout état de cause, sans influence sur la validité de cette délibération ;
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Considérant que, pour faire droit à la demande de M. et MmeD..., le tribunal s'est borné à relever que leur propriété subissait régulièrement en cas de fortes pluies des ruissellements d'eaux pluviales et des inondations, que ces désordres récurrents avaient pour origine un ouvrage hydraulique public qui déversait les eaux pluviales en provenance de la route départementale 2562 sur leur terrain et qu'ils avaient, le 22 juin 2010, présenté au département des Alpes-Maritimes une demande tendant à ce que les travaux préconisés par l'expert judiciaire pour remédier au ruissellement des eaux de pluie soient mis en oeuvre ; qu'en faisant droit, au vu de ces seules considérations, à la demande qui lui était soumise, le tribunal a nécessairement considéré que le département était tenu de faire droit à la demande de M. et Mme D...et jugé que le département se trouvait, ainsi, en situation de compétence liée ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'impose à une autorité saisie d'une demande tendant à la réalisation de travaux destinés à mettre fin à des dommages de travaux publics d'y faire droit ; qu'il en résulte que le département des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il se trouvait en situation de compétence liée ; qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme D...devant le tribunal administratif de Nice et devant la Cour ;
Sur la légalité du refus contesté :
4. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme D...font valoir qu'ils ont fait précéder leurs conclusions à fin d'injonction d'une demande à fin d'exécution des travaux ; que cette circonstance, si elle démontre que leurs conclusions à fin d'injonction ne sont plus formulées à titre principal mais qu'elles accompagnent des conclusions à fin d'annulation d'une décision administrative, est inopérante à l'appui de leur contestation de la légalité du refus implicite de procéder aux travaux sollicités ; qu'est, de même, sans incidence sur la légalité de ce refus la simple circonstance, avancée par M. et MmeD..., que ces travaux sont réalisables ;
5. Considérant, en deuxième lieu que, faisant valoir que le statu quo conduirait à laisser perdurer une situation qui conduit les eaux pluviales du bassin versant à se déverser dans le canal de la Siagne, destiné à l'alimentation en eau potable d'une grande partie ouest du département des Alpes-Maritimes, M. et Mme D...peuvent être regardés comme ayant entendu faire valoir que le refus incriminé méconnaissait le principe de précaution ; que ce principe, garanti par l'article 5 de la Charte de l'environnement, impose aux autorités publiques la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation d'un dommage qui, bien qu'incertaine, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement ; qu'au cas d'espèce, il n'apparaît pas que le dommage dont il est fait état réponde aux caractéristiques énoncées ci-dessus ni que les mesures dont M. et Mme D...revendiquent la réalisation soient proportionnées, en l'absence de précision sur, notamment, l'importance, la fréquence ou l'aggravation des rejets d'eau pluviales dont il est fait état ;
6. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme D...évoquent également l'article 3 de la Charte de l'environnement ; que, toutefois, cet article ne peut, compte tenu de sa portée, être utilement invoqué qu'à l'égard des actes qui sont pris par l'administration en vue de définir ou de mettre en oeuvre un régime de prévention des atteintes à l'environnement ; que tel n'est pas le cas de la décision contestée ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que, compte tenu de l'argumentation qu'ils avancent, M. et Mme D...peuvent enfin être regardés, malgré la formulation confuse de leur argumentaire, comme ayant entendu soutenir que le refus implicite dont ils demandent l'annulation est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des faits de l'espèce ;
8. Considérant qu'une autorité saisie d'une demande tendant à ce que l'administration procède à des travaux ayant vocation à prévenir ou faire cesser des dommages de travaux publics doit prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la situation existante entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, d'autre part, les conséquences de la réalisation des travaux pour l'intérêt général dont elle a la charge, compte tenu, notamment, de leur coût et apprécier, en rapprochant ces éléments, si la réalisation des travaux n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général ; qu'il appartient au juge saisi de la contestation du refus opposé à une telle demande d'apprécier si ce refus n'est pas, à l'aune de ces critères, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
9. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la propriété de M. et Mme D... est, du fait de la présence, depuis plus d'un siècle, d'un dalot qui déverse les eaux de ruissellement en provenance de la voie désormais départementale sur leur propriété, structurellement exposée, en cas de fortes pluies, à des inondations récurrentes ; que la réparation des préjudices matériels et de jouissance en résultant a été évaluée, pour une période d'une dizaine d'années, à la somme de 41 748 euros ; qu'il n'est pas contesté que la valeur de la propriété n'excède pas la somme de 360 000 euros ; qu'il résulte également de l'instruction qu'en l'absence de dispositif plus adapté, une partie des eaux de ruissellement qui se déverse sur la parcelle de M. et Mme D...est rejetée, en cas de fort épisode pluvieux, dans le canal de la Siagne lequel a vocation à alimenter en eau potable une partie de l'ouest du département ;
10. Considérant, d'autre part, que la mise en oeuvre des travaux préconisés par l'expertB..., si elle aurait pour conséquence de mettre fin aux désordres qui affectent la propriété que possède M. et MmeD..., implique la création d'un bassin écrêteur de 240 mètres cubes en limite amont du terrain, la pose, en partie sous des propriétés privées, de 578 mètres linéaires de canalisations d'un diamètre d'un mètre en vue de l'évacuation des eaux pluviales à la sortie du bassin et de leur rejet sécurisé dans le vallon des planestaux ainsi que la création des servitudes afférentes à la réalisation de ces ouvrages ; que le coût de ces travaux a été chiffré par l'expert à la somme de 551 700 euros hors taxe, soit 659 833 euros TTC ; que la réalisation de ces ouvrages permettrait à travers la réalisation d'un réseau d'évacuation d'eaux pluviales, de mettre fin aux rejets qui se produisent dans des proportions et selon une fréquence indéterminés, lors de fortes pluies, dans le canal de la Siagne en provenance de la parcelle des épouxD... ;
11. Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, des inconvénients de la situation existante pour les divers intérêts publics ou privés en présence et des conséquences de la réalisation des travaux pour l'intérêt général dont il a la charge, le président du conseil général des Alpes-Maritimes a pu, sans apprécier de façon manifestement erronée les faits de l'espèce, refuser implicitement de faire exécuter les travaux dont la réalisation lui était demandée par M. et MmeD... ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a fait droit à la demande des intimés et lui a enjoint de procéder aux travaux litigieux ;
Sur les dépens :
13. Considérant qu'il y a lieu de mettre la contribution à l'aide juridique de 35 euros acquittée par le département dans le cadre de l'instance d'appel à la charge de M. et Mme D... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font par ailleurs obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à ce titre à la charge du département, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie tenue aux dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 27 décembre 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme D...devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : La contribution à l'aide juridique acquittée par le département des Alpes-Maritimes au titre de l'instance d'appel est mise à la charge de M. et MmeD....
Article 4 : Les conclusions du département des Alpes-Maritimes tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département des Alpes-Maritimes et à M. et Mme D....
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N°12MA00631 2