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11/07/2013 | FRANCE | N°12LY01366

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2013, 12LY01366


Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2012, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie, dont le siège est 5 rue Salteur à Chambéry (73024 cedex), représentée par son président en exercice ;

La chambre de commerce et d'industrie de la Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803616 du 30 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser à M. C...une somme de 20 000 euros, en réparation des préjudices matériels et moraux qu'il a subis ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M.

C...devant le Tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. C...une somme de 2 000 euros...

Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2012, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie, dont le siège est 5 rue Salteur à Chambéry (73024 cedex), représentée par son président en exercice ;

La chambre de commerce et d'industrie de la Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803616 du 30 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser à M. C...une somme de 20 000 euros, en réparation des préjudices matériels et moraux qu'il a subis ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. C...devant le Tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. C...une somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- dès lors que les courriers qu'elle a adressés à M. C...visaient à apaiser le conflit qui l'opposait à son directeur, que les nouvelles fonctions qui lui ont été proposées le 4 septembre 2007 étaient réelles et concrètes, que la sanction d'avertissement qui a été infligée à ce dernier a été validée par la Cour, qu'il n'est pas établi que son arrêt maladie soit imputable au comportement de sa hiérarchie, qu'il n'y a eu ni agissement répétitif, ni volonté de dégrader ses conditions de travail, ni altération de sa santé physique ou mentale, pas plus que d'effet sur son avenir professionnel, qu'il n'a jamais été souhaité qu'il prenne l'initiative d'une rupture, que la procédure de licenciement n'a pas été organisée dans la précipitation, que le comportement de M. C...a été à l'origine de plusieurs des faits litigieux, aucun agissement constitutif de harcèlement moral ne peut lui être imputable ;

- dès lors que M. C...a créé très rapidement son entreprise, qu'il a perçu une indemnité de licenciement importante, qu'elle lui a accordé une somme de 10 000 euros pour l'accompagner dans son projet professionnel, il n'a subi aucun préjudice ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2012, présenté pour M. B...C...qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que l'indemnité qui lui a été allouée par le Tribunal soit portée à la somme de 60 000 euros ;

- à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- dès lors que le courrier du 16 juillet 2007 constitue un ultimatum, qu'il a été brutalement déchargé de ses fonctions pendant les congés d'été pour être affecté sur un emploi n'existant pas dans l'organigramme de la chambre, qu'il lui a été demandé de rester à son domicile, que la chambre l'a illégalement sanctionné deux fois, pour les mêmes faits, dans le but de l'évincer, que la dépression dont il a fait l'objet est établie, que son licenciement a été effectué avec précipitation et dans des conditions de violences verbales, que la chambre ne conteste pas utilement les irrégularités de gestion qu'il entendait dénoncer et qui sont à l'origine des agissements dont il a été victime, il a bien fait l'objet d'un harcèlement moral ;

- il a subi du fait du comportement fautif de la chambre, divers préjudices tant matériel qu'au titre des troubles dans les conditions d'existence à hauteur de la somme de 50 000 euros, ainsi qu'un préjudice moral à hauteur de la somme de 10 000 euros ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 juin 2013, présentée pour M.C... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers ;

Vu l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2013 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de Me Lessec, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie, et celles de Me Haouy, avocat de M.C... ;

1. Considérant que la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie fait appel du jugement 30 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser à M. C...une somme de 20 000 euros, en réparation des préjudices matériels et moraux qu'il a subis ; que M.C..., par appel incident, demande que l'évaluation desdits préjudices soit portée à 60 000 euros ;

2. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

3. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

4. Considérant que, pour contester avoir commis le harcèlement moral retenu par les premiers juges, la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie fait valoir que la situation de conflit, qui s'est nouée entre elle et l'intéressé, trouve sa cause principale dans le comportement qui a été celui de M.C..., à compter du mois de juillet 2007, époque à laquelle, alors qu'il exerçait les fonctions de directeur-adjoint et de directeur commercial du groupe Ecole supérieure de commerce (ESC), il aurait déclenché une grave polémique, dirigée à l'encontre de son supérieur hiérarchique, M.A..., directeur du groupe ESC, lui reprochant des admissions irrégulières d'étudiants, des irrégularités sur les notes du concours d'entrée à l'école de commerce et l'emploi sans contrat de travail de nombreux vacataires ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment d'un courrier en date du 16 juillet 2007 du directeur général de la chambre de commerce, qu'eu égard à la virulence des propos tenus par M. C...à l'encontre de son supérieur hiérarchique, le directeur général de la chambre de commerce a été amené à organiser un entretien avec M.C..., le 12 juillet 2007, en présence de M. A...et du directeur des ressources humaines au cours duquel il a été rappelé à l'intéressé qu'il avait une obligation de respect et de loyauté vis-à-vis de la direction et que son attitude risquait d'avoir un effet de déstabilisation sur l'ensemble du groupe ; qu'il résulte également de ce courrier que le directeur général de la chambre de commerce et d'industrie a attiré l'attention de M. C...sur le fait que la méconnaissance de son obligation de respect et de loyauté constituerait une faute grave et qu'il convenait pour lui d'accepter de continuer à travailler " en confiance et dans un esprit constructif ", à moins de prendre la décision de quitter le groupe ; que, par un courrier en date du 26 juillet 2007, M.C..., par l'intermédiaire de son conseil, a fait savoir à la chambre de commerce qu'il lui apparaissait que sa " collaboration " avec M. A...connaissait des difficultés lui paraissant insurmontables ; qu'à la suite de ce courrier, le directeur général de la chambre de commerce a demandé à M. C...de rester à son domicile, " dans l'attente d'une solution à la situation de crise " qu'il estimait que l'intéressé avait initiée ; qu'il résulte également de l'instruction et notamment d'un courrier du directeur général de la chambre de commerce, en date du 4 septembre 2007, que c'est afin de tenir compte de la volonté de M. C...de ne plus travailler en collaboration avec M. A...qu'il a été nommé à l'emploi de directeur des études stratégiques et prospectives des activités de formation de la chambre, poste directement rattaché aux services centraux, dans le but d'accomplir plusieurs missions ; qu'il est constant que par une décision en date du 3 octobre 2007 dont la légalité a été confirmée par la Cour de céans, par un arrêt en date du 5 avril 2012, M. C...s'est vu infliger la sanction de l'avertissement pour ne pas avoir traité dans le délai convenu un dossier relatif au dépôt de la candidature de la chambre pour le label " Bachelor professionnel " ; qu'en revanche, contrairement à ce que soutient M.C..., il ne résulte pas de l'instruction que la sanction du blâme qui lui a été infligée, le 22 octobre 2007 et qui a été annulée par l'arrêt de la Cour de céans précité était destinée à justifier une mesure de licenciement pour motif disciplinaire ; qu'enfin, il résulte de l'instruction que le licenciement de M. C...est intervenu à la suite de la décision du l'assemblée générale de la chambre de commerce en date du 26 novembre 2007 de supprimer le poste de directeur adjoint du groupe ESC sur lequel l'intéressé avait été repositionné du fait de son refus d'occuper l'emploi susmentionné de directeur des études stratégiques ; que la commission paritaire locale de la chambre a été consultée, le 17 décembre 2007, pour donner son avis sur le licenciement envisagé ; que ce licenciement est intervenu à la suite d'un entretien organisé le 3 janvier 2008, auquel l'intéressé a été convoqué le 26 décembre 2007 ; qu'il ressort du compte-rendu de cet entretien que, tant le directeur général de la chambre de commerce et d'industrie que M. C...ont pu avoir l'un envers l'autre des propos déplacés et exprimés avec emportement ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce qu'ont pu estimer les premiers juges, et en tenant compte des comportements respectifs de la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie et de M.C..., que ce dernier aurait été victime d'un harcèlement moral de la part de l'organisme consulaire ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour la condamner à verser la somme de 20 000 euros à M.C..., le Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le motif tiré de ce que le licenciement de M. C...serait intervenu dans un contexte de harcèlement moral imputable à sa hiérarchie, constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité ;

7. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. C...tant en appel que devant les premiers juges ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, le 26 novembre 2007, l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie, après avoir constaté la nécessité de développer une meilleure performance collective du groupe ESC, à travers notamment la modification de l'organisation et du fonctionnement de ses services, a décidé la suppression de trois postes dont celui de directeur-adjoint, occupé par M.C... ; qu'en se bornant à alléguer qu'aucune contrainte budgétaire ne justifierait la suppression de son poste, M. C... n'apporte aucun élément de nature à établir, dans les circonstances de l'espèce, que la décision de licenciement prise à son encontre serait fondée sur un motif autre que celui susmentionné, ou encore que le licenciement serait fondé sur des considérations personnelles ; que le licenciement litigieux doit être regardé dans ces conditions, comme légalement fondé sur la suppression du poste de M.C... ;

9. Considérant, en second lieu, qu'aucune des pièces versées au dossier ne permet d'établir que la décision de licenciement de M.C..., prise pour suppression de poste et non sur la base de considérations personnelles, serait entachée de détournement de pouvoir

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le licenciement de M. C... pour suppression de poste étant justifié au fond, les éventuelles irrégularités entachant cette décision dont l'intéressé fait état, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à engager la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie ; que M. C...n'est fondé à se prévaloir d'aucune illégalité fautive entachant la décision en litige pour demander la condamnation de la chambre de commerce à l'indemniser des préjudices qu'il soutient avoir subis en conséquence de l'illégalité de cette décision ; que, par suite, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. C...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0803616 rendu le 30 mars 2012 par le Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : M. B... C...versera à la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des deux parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie et à M. B...C....

Délibéré après l'audience du 20 juin 2013 à laquelle siégeaient :

M. Tallec, président de chambre,

M. Rabaté, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2013.

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N° 12LY01366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01366
Date de la décision : 11/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SCP P.ARNAUD - B.C. REY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-07-11;12ly01366 ?
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