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24/05/2012 | FRANCE | N°11NC00422

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 24 mai 2012, 11NC00422


Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2011, présentée pour M. Jean A, demeurant ..., par Me Tadic ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702109 du 11 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a ramené le montant de ses frais et honoraires, taxés et liquidés par ordonnance du président du tribunal administratif en date du 7 novembre 2007, de 164 485,23 euros à 124 634,51 euros TTC ;

2°) de condamner la SA DCNS à lui verser la somme de 164 485,23 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2007 ;


3°) de mettre à la charge de la SA DCNS une somme de 3 000 euros au titre de l'article...

Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2011, présentée pour M. Jean A, demeurant ..., par Me Tadic ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702109 du 11 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a ramené le montant de ses frais et honoraires, taxés et liquidés par ordonnance du président du tribunal administratif en date du 7 novembre 2007, de 164 485,23 euros à 124 634,51 euros TTC ;

2°) de condamner la SA DCNS à lui verser la somme de 164 485,23 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2007 ;

3°) de mettre à la charge de la SA DCNS une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- dès lors qu'il a relevé que les travaux de l'expert étaient de qualité et utiles à la mission, le tribunal administratif ne pouvait réduire de près de 40% la rémunération de l'expert sans méconnaître l'article R. 621-11 du code de justice administrative ;

- le tribunal administratif a réduit le nombre d'heures comptabilisé par l'expert sans motivation circonstanciée, laissant entendre que l'expert avait manqué à son serment ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, certains passages du pré-rapport ne faisaient pas double emploi et n'étaient pas inutiles ;

- ses honoraires ne sont pas excessifs par rapport à l'importance et à la nature du travail fourni ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2011, présenté pour la SA Direction des Constructions Navales (SA DCNS) par Me Delvolvé, qui conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas limité le montant des frais et honoraires de M. A à la somme de 50 000 euros HT ;

3°) à la mise à la charge du requérant d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en demandant la condamnation de la SA DCNS, le requérant préjuge la décision qui doit être rendue au fond par le tribunal administratif ;

- le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement ;

- le montant des honoraires est excessif compte tenu de l'importance et de la nature du travail fourni ;

- le montant des honoraires est excessif compte tenu du caractère largement inutile des travaux de l'expert ;

- en effet, l'expert a rendu son rapport avec retard, n'a pas identifié avec précision les causes des désordres, n'a pas examiné la question déterminante de l'incidence sur les dysfonctionnements constatés des modifications apportées par Voies navigables de France aux portes des écluses, n'a pas pris en compte la levée des réserves à la réception, a refusé de procéder à la visite, pourtant utile, des écluses de Golbey et s'est avéré lié à Voies navigables de France par des liens d'intérêts qui auraient justifié sa récusation s'ils avaient été connus antérieurement ;

- le montant des honoraires est également excessif dans la mesure où l'expert a excédé sa mission ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 mars 2012, présenté pour M. A qui conclut dorénavant :

1°) à l'annulation du jugement du 11 janvier 2011 du Tribunal administratif de Nancy ;

2°) au rejet de l'appel incident formé par la SA DCNS ;

3°) à la mise à la charge de la SA DCNS d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il reprend les moyens développés dans sa requête et soutient en outre que :

- c'est par erreur que son conseil a demandé la condamnation de la SA DCNS dès lors que l'ordonnance de taxation a mis les frais et honoraires à la charge de Voies navigables de France ;

- les premiers juges ne pouvaient apprécier la qualité du travail de l'expert alors qu'il s'agit d'une compétence de l'autorité administrative, à savoir le président de la juridiction ;

- en analysant poste par poste le temps passé à l'accomplissement de l'expertise, le tribunal administratif a dénaturé la facture de l'expertise ;

- les reproches formulés à encontre du travail de l'expert et de sa partialité sont infondés ;

- le principe du contradictoire a été respecté durant les opérations d'expertise ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 avril 2012, présenté pour la SA DCNS qui conclut dorénavant :

1°) à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a réformé que partiellement l'ordonnance rendue le 7 novembre 2007 par le président du Tribunal administratif de Nancy ;

2°) à la fixation des honoraires de l'expert à 0 euros ;

3°) au rejet de la demande de M. A tendant à la condamnation de la SA DCNS au paiement des frais d'expertise ;

4°) à la mise à la charge du requérant d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle reprend les moyens de son mémoire en défense et soutient en outre que :

- le tribunal administratif ayant écarté l'expertise par jugement du 26 juillet 2011, celle-ci s'avère bien inutile ;

- les honoraires de l'expert doivent donc être ramenés à 0 euros ;

- l'expert n'a pas exercé sa mission avec conscience, objectivité, impartialité et diligence ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2012, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment ainsi qu'au sursis à statuer, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre qu'il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente du jugement rendu sur la tierce opposition qu'il a formée à l'encontre du jugement du 26 juillet 2011, entaché d'irrégularité et préjudiciant à ses droits, ou d'écarter des débats ce dernier jugement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2012 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public,

- et les observations de Me Martin pour Me Tadic, avocat de M. A, et de Me Delvolvé pour la SA DCNS ;

Considérant que, par une ordonnance en date du 7 février 2005, le président du Tribunal administratif de Nancy, statuant en référé, a ordonné une expertise afin, notamment, de déterminer l'origine des désordres affectant les portes des écluses n° 23, 24, 25 bis et 26 du canal de la Marne au Rhin fournies et mises en place par la DCN Lorient, aux droits de laquelle est venue la SA DCNS, dans le cadre d'un marché confié en 1999 par Voies navigables de France ; que M. A, l'expert désigné, a rendu son rapport le 9 juillet 2007 et, par une ordonnance du 7 novembre 2007, le président du Tribunal a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 164 485,23 euros ; qu'à la suite de la contestation par la SA DCNS du montant des honoraires alloués à l'expert, le Tribunal administratif de Nancy a, par le jugement attaqué, ramené les frais et honoraires à la somme de 124 634,51 euros TTC ;

Sur les conclusions tendant au sursis à statuer :

Considérant que la Cour n'est pas tenue de surseoir à statuer sur la requête de M. A au motif que celui-ci a formé tierce opposition au jugement du Tribunal administratif de Nancy du 26 juillet 2011 ayant écarté des débats son expertise, regardée comme entachée d'irrégularité ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que les premiers juges ont réduit l'estimation faite par l'expert du temps consacré, tant pour l'expertise que pour le secrétariat, à certaines tâches en se fondant sur leur caractère excessif au regard de la difficulté du travail, sur l'inutilité de plusieurs passages ou leur redondance ; qu'en conséquence, le Tribunal administratif a procédé à une juste appréciation du temps consacré aux tâches considérées comme utiles ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en réduisant le nombre d'heures comptabilisé par l'expert, le jugement ne serait pas suffisamment motivé ;

Sur l'appel principal :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-11 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. Ils joignent à leur rapport un état de leurs vacations, frais et débours. Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, tout travail personnellement fourni par l'expert ou le sapiteur et toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission. Le président de la juridiction (...) fixe par ordonnance (...) les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert (...) Il arrête sur justificatif le montant des frais et débours qui seront emboursés à l'expert " ; qu'aux termes de l'article R. 761-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les parties, ainsi que, le cas échéant, les experts intéressés, peuvent contester l'ordonnance mentionnée à l'article R. 761-4 liquidant les dépens devant la juridiction à laquelle appartient son auteur. Celle-ci statue en formation de jugement " ;

Considérant que, par un jugement du 26 juillet 2011, le Tribunal administratif de Nancy a estimé que la relation d'affaires ayant existé entre Voies navigables de France et la société Eurodim, dont M. A était le directeur général, pouvait susciter un doute légitime quant à l'impartialité de l'expert pour se prononcer sur la cause des désordres affectant les portes en litige ; que le tribunal administratif a ainsi écarté des débats l'expertise regardée comme entachée d'irrégularité et ordonné une nouvelle expertise ; qu'il résulte en effet de l'instruction, y compris des documents produits par le requérant lui-même, que M. A a, personnellement ou par l'intermédiaire de la société Eurodim, collaboré non seulement avec Voies navigables de France mais aussi avec la Direction des Chantiers Navals de Lorient, c'est-à-dire les parties aux litiges ayant donné lieu à la désignation de l'expertise, sur des projets de portes d'écluses ; qu'ainsi, alors même que le rôle de M. A ait été limité à l'aspect mécanique à l'exclusion de la composition des portes, une telle collaboration qui s'est poursuivie avec Voies navigables de France, dans le cadre d'une autre société créée par M. A, la SARL Genieméca, au cours de la période de réalisation de l'expertise, est de nature à susciter un doute légitime quant à l'impartialité de l'expert ; que, par suite, l'expertise doit être regardée comme irrégulière et, partant, comme dépourvue en grande partie d'utilité ;

Sur l'appel incident :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'expertise confiée à M. A est partiellement privée de son utilité ; que toutefois, les constatations de fait opérées par l'expert peuvent être retenues comme éléments d'information par le juge à condition que leur exactitude ne soit pas contestée ; qu'en outre, la mission du nouvel expert désigné à la suite du jugement du 26 juillet 2011 prévoit expressément qu'il devra " donner son avis sur la validité scientifique de la méthode utilisée par M. A lors des précédentes opérations d'expertise et des conclusions auxquelles celui-ci a abouti " ; que, dans ces conditions, l'expertise entachée d'irrégularité n'est pas totalement dénuée d'utilité pour la suite du litige ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la SA DCNS, M. A a droit a une partie de ses honoraires qu'il y a lieu de ramener à 50 000 euros et auxquels il convient d'ajouter les frais et débours, non sérieusement contestés, de 6 374,03 euros TTC ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant des frais et honoraires de M. A, taxés et liquidés par l'ordonnance du président du Tribunal administratif de Nancy en date du 7 novembre 2007, doit être ramené à 56 374,03 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA DCNS, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. A la somme de 1 500 euros à ce titre ;

DECIDE :

Article 1er : Le montant des frais et honoraires de M. A mentionnés à l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 11 janvier 2011 est ramené à 56 374,03 euros TTC (cinquante six mille trois cent soixante quatorze euros et trois centimes).

Article 2 : Le jugement du 11 janvier 2011 du Tribunal administratif de Nancy est réformé en ce qu'il a de contraire avec le présent arrêt.

Article 3 : M. A versera à la SA DCNS une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean A, à la SA Direction des Constructions Navales et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2012, où siégeaient :

- M. Laurent, président de chambre,

- M. Trottier, président,

- M. Collier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2012.

Le rapporteur,

Signé : T. TROTTIERLe président,

Signé : C. LAURENT

Le greffier,

Signé : J. CHAPOTOT

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J. CHAPOTOT

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N° 11NC00422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00422
Date de la décision : 24/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02-02-02 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation. Expertise. Honoraires des experts.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Thierry TROTTIER
Rapporteur public ?: Mme DULMET
Avocat(s) : TADIC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-05-24;11nc00422 ?
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