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26/01/2012 | FRANCE | N°11NC00212

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 26 janvier 2012, 11NC00212


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2011, présentée pour M. et Mme Robert A, demeurant ..., par Me Levy ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802050 du 9 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à condamner le centre hospitalier universitaire de Besançon à verser à M. A, en réparation des préjudices qu'il a subis à la suite des infections nosocomiales dont il a été victime lors de son hospitalisation, une indemnité d'un montant de 731 107,42 euros, avec capitalisation des int

érêts légaux à compter du 25 novembre 2008, sauf à ordonner une mesure de complé...

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2011, présentée pour M. et Mme Robert A, demeurant ..., par Me Levy ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802050 du 9 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à condamner le centre hospitalier universitaire de Besançon à verser à M. A, en réparation des préjudices qu'il a subis à la suite des infections nosocomiales dont il a été victime lors de son hospitalisation, une indemnité d'un montant de 731 107,42 euros, avec capitalisation des intérêts légaux à compter du 25 novembre 2008, sauf à ordonner une mesure de complément, voire de contre-expertise médicale, à verser à Mme A une indemnité d'un montant de 2 391,54 euros avec capitalisation des intérêts légaux à compter du 25 novembre 2008, et à leur rembourser les frais d'instance dans lesquels seront compris les frais d'expertise judiciaire ;

2°) de déclarer le centre hospitalier de Besançon responsable de leurs préjudices ou, subsidiairement, de dire que les infections nosocomiales contractées par M. A lui ont fait perdre une chance d'échapper à l'aggravation de son état ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Besançon à payer à M. A une somme totale de 731 107,42 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 25 novembre 2008, en réparation de son préjudice ou au titre de sa perte de chance ;

4°) de condamner le centre hospitalier de Besançon à payer à Mme A une somme totale de 2 391,54 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 25 novembre 2008, au titre de la perte de gains professionnels ;

5°) d'ordonner le cas échéant une contre-expertise médicale impliquant un spécialiste de l'hygiène hospitalière ;

6°) de condamner le centre hospitalier de Besançon au remboursement des dépens incluant les frais d'expertise ;

7°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Besançon la somme de 4 000 euros à leur verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- M. A a contracté deux infections dues à des bactéries d'origine nosocomiale, lors de son transfert du service de pneumologie vers le service de réanimation du centre hospitalier universitaire de Besançon ; il n'était pas porteur de ces germes lors de son admission ;

- la survenance de ces infections révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier ; les faits s'étant produits en 1999, il s'agit d'un régime de faute présumée ;

- il existe un lien de causalité entre cette faute et les infections nosocomiales qu'il a contractées à l'occasion de ce changement ;

- à tout le moins, les infections nosocomiales contractées par M. A lui ont fait perdre une chance d'échapper à l'aggravation de son état ;

- Mme A a dû cesser son activité professionnelle durant cinq mois, du 1er mai au 30 septembre 1999, pour s'occuper de son mari ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 février 2011, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône ;

La caisse demande la condamnation du centre hospitalier de Besançon à lui verser la somme de 89 219,52 euros, correspondant aux prestations versées, et la somme de 980 euros, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

Vu l'ordonnance en date du 1er juin 2011 du magistrat délégué par le président de la troisième chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction de la présente instance au 23 juin 2011 à 16 heures ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2011, présenté pour le centre hospitalier de Besançon, représenté par son directeur, par Me Le Prado, qui conclut au rejet de la requête de M. et Mme A et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône ;

Il fait valoir que :

- l'expert a conclu à l'impossibilité d'impliquer les deux services hospitaliers en cause dans les séquelles présentées par M. A ;

- M. A ne démontre pas que les germes en cause ont un caractère exogène ;

- l'indemnisation au titre de la perte de chance n'est possible que si le comportement de l'établissement hospitalier a contribué à la réalisation du dommage, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- la CPAM ne distingue pas les sommes qui auraient dû être engagées de toute façon eu égard à l'état initial du patient, et celles qui correspondent au traitement de l'infection nosocomiale ;

- une contre-expertise médicale serait inutile ;

Vu l'ordonnance en date du 23 juin 2011 du magistrat délégué par le président de la troisième chambre de la Cour portant réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 octobre 2011, présenté pour M. et Mme A, qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;

Ils soutiennent en outre que les germes en cause ont bien un caractère exogène et sont donc d'origine nosocomiale ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été notifiée à CRI Prévoyance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2012 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Fleury pour Me Levy, avocat de M. et Mme A ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, que l'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme lors d'une hospitalisation révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci envers la victime des conséquences dommageables de l'infection ; qu'il en va toutefois autrement lorsque l'infection présente le caractère d'une cause étrangère ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal, que M. A a contracté les germes pseudomonas aeruginosa et staphylocoque doré multi-résistant, ainsi que le germe pseudomonas aeruginosa et le staphylocoque, lors de son hospitalisation au centre hospitalier universitaire de Besançon du 5 février au 1er mai 1999, et plus particulièrement lors de son transfert du service de pneumologie vers le service de réanimation le 9 février 1999 ; que, toutefois, l'infection nosocomiale ainsi contractée présente, eu égard à l'état général de M. A dont les défenses immunitaires étaient particulièrement amoindries par une pneumopathie infectieuse très sévère, accompagnée d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë, engageant le pronostic vital, le caractère d'imprévisibilité et d'irrésistibilité qui permet de regarder comme apportée la preuve d'une cause étrangère ; qu'il s'ensuit que la responsabilité du centre hospitalier de Besançon n'est pas engagée ;

Considérant, en second lieu, que l'expert désigné par le tribunal a indiqué que l'ensemble des soins prodigués à M. A avaient été réalisés dans les règles de l'art ; qu'il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les germes contractés par M. A lors de son hospitalisation lui ont fait perdre une chance d'échapper à l'aggravation de son état de santé, l'intéressé étant au demeurant considéré comme guéri de son infection pneumologique le 23 juin 2006 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Besançon n'est pas engagée ; que, par suite, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône n'est pas fondée à demander la condamnation du centre hospitalier universitaire de Besançon à lui rembourser la somme de 89 219,52 euros, correspondant aux prestations versées au bénéfice de M. A, ainsi qu'une somme d'un montant de 980 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que sa demande doit donc être rejetée ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Besançon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme A demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Robert A, au centre hospitalier de Besançon, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône et à CRI Prévoyance.

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N° 11NC00212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00212
Date de la décision : 26/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité sans faute.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice - Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. LAURENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP LEVY et BUGNET-LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-01-26;11nc00212 ?
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