LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la première branche du premier moyen :
Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 9 novembre 1992, Mme X... a assigné son voisin, M. Y..., pour obtenir la dépose d'une clôture et la démolition d'une véranda de l'immeuble qu'il habite ; que le tribunal ayant accueilli ces demandes et l'ayant condamné à des dommages-intérêts, M. Y... a prétendu pour la première fois devant la cour d'appel que l'action engagée contre lui seul était irrecevable puisqu'il était propriétaire de l'immeuble en indivision avec son épouse ; que Mme X... a alors assigné en intervention forcée celle-ci et Mme Z... à laquelle les époux Y... avaient revendu leur immeuble après le jugement ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de Mme X..., après avoir constaté que le bien objet de l'action avait été acquis en indivision par les époux Y... avant leur mariage et que ceux-ci étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, l'arrêt énonce que l'action portant atteinte aux droits indivis de Mme Y... est irrecevable en l'absence de cette dernière ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action introduite contre un seul indivisaire est recevable, la décision rendue sur celle-ci étant inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ceux-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré « irrecevable la demande initiée par Madame Eiko A... née X... à l'encontre d'un seul des co-indivisaires du bien immeuble concerné, savoir Monsieur Maurice Y..., alors que l'immeuble concerné par la démolition d'une véranda et la dépose d'une clôture était en indivision avec Madame Narjis B... épouse Y... », et d'avoir en conséquence ordonné le remboursement de la somme réglée en exécution du jugement,
Aux motifs qu'« il est constant :- que la propriété, objet des demandes de Madame Eiko A... née X... tendant à la suppression d'une véranda et au déplacement d'une partie de la clôture a été acquise indivisément le 1er juillet 1992 par Monsieur Maurice Y... et Mademoiselle Narjis B..., des consorts C... ;- que les susnommés se sont mariés le 20 août 1992, sous le régime de la séparation de biens.L'appelant soutient avec raison que l'action visant à obtenir la dépose d'une clôture et la démolition d'une véranda, action portant atteinte aux droits indivis de Madame Narjis B... épouse Y..., est irrecevable en l'absence aux débats de cette dernière.Si, en cause d'appel, Madame Eiko A... née X... a assigné en intervention forcée Madame Narjis B... épouse Y..., cette initiative n'apparaît pas de nature à régulariser la procédure au regard des dispositions de l'article 555 du code de procédure civile.Cet article permet l'appel en cause, même devant la Cour, des personnes ni parties ni représentées en première instance, mais subordonne cette possibilité à une évolution du litige impliquant leur mise en cause.Certes, Monsieur Maurice Y... s'est abstenu en première instance de relever sa qualité d'indivisaire de la propriété concernée.Mais cette situation existait depuis l'acquisition du bien concerné par les époux Y..., soit avant l'introduction de l'instance par Madame Eiko A... épouse X....Cette situation ne constitue donc pas un élément nouveau et Madame Eiko A... épouse X... avait toute latitude pour vérifier lors de l'introduction de l'instance la situation de la propriété en cause, par la consultation d'un fichier immobilier au Bureau des Hypothèques compétent, qui aurait indiqué l'existence d'une indivision sur le bien.Il est de principe que la Cour doit rechercher si la partie intéressée disposait devant la juridiction du premier degré des éléments qui lui auraient permis d'assigner directement en première instance la personne mise en cause.En l'espèce, force est de constater que Madame Eiko A... épouse X... avait, par la faculté normale d'accès au fichier immobilier, les éléments de nature à lui permettre de diriger utilement son assignation contre l'ensemble des indivisaires.La fin de non-recevoir invoquée par Monsieur Maurice Y... sera en conséquence accueillie et les condamnations prononcées à l'encontre de Monsieur Maurice Y... seront infirmées » (arrêt p. 5 et 6),
Alors que, d'une part, l'action dirigée contre un seul propriétaire d'un immeuble indivis est recevable ; qu'en l'espèce, pour décider que l'action engagée par Madame A... contre M. Y... était irrecevable, la cour d'appel a retenu que cette action portait atteinte aux droits indivis de Mme Y..., et qu'elle était irrecevable en l'absence aux débats de cette dernière ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile ;
Alors que, d'autre part et à titre subsidiaire, l'intervention en appel de l'indivisaire qui n'était pas partie en première instance permet de régulariser l'action ; qu'en l'espèce, Mme A... a appelé en cause Mme Y... devant la cour d'appel ; qu'en décidant néanmoins que son action était irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 126, 331 et 555 du code de procédure civile.
Le deuxième moyen de cassation (subsidiaire) fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le remboursement de la condamnation au paiement de la somme de 7.622,45 € sera assorti de l'intérêt au taux légal à compter du 28 mai 2001, date à laquelle cette somme a été versée, avec capitalisation,
Aux motifs que Maurice Y... est en droit d'obtenir le remboursement de la somme de 50.000 francs (7.622,45 euros) allouée à titre de dommage et intérêts à Madame Eiko A... née X..., avec intérêts au taux légal, et capitalisation dans les termes de l'article 1154 du code civil (arrêt p. 6 § 10),
Alors que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détient en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; qu'en décidant que le remboursement de la condamnation au paiement de la somme de 7.622,45 € sera assorti de l'intérêt au taux légal à compter du 28 mai 2001, date à laquelle cette somme a été versée, la Cour d'appel a violé l'article 1153 alinéa 3 du code civil.
Le troisième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'assignation en intervention forcée de Mademoiselle Maria-Thérésa Z..., acquéreur,
Aux motifs que « les époux Y... ayant vendu leur propriété le 28 mai 2001 à Mademoiselle Maria-Thérésa Z..., Madame Eiko A... née X... a assigné celle-ci en intervention forcée en sa qualité d'actuelle propriétaire du bien. Compte-tenu de l'irrecevabilité affectant l'action initiale introduite par Madame Eiko A... née X..., l'assignation en intervention forcée de Mademoiselle Maria-Thérésa Z... ne peut qu'être déclarée irrecevable » (arrêt p. 6, § 11 et 12),
Alors que dans les actions portant sur un bien immobilier, le nouveau propriétaire peut, jusqu'à la clôture des débats, être assigné en intervention forcée, en dépit de l'irrecevabilité de l'action dirigée contre un précédent propriétaire ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme A... a, au mois de juin 1992, assigné devant le tribunal le propriétaire de l'époque, M. C..., puis a appelé en cause les propriétaires successifs du bien, M. et Mme Y..., puis Mlle Z... ; qu'en décidant que l'irrecevabilité de l'action contre les époux Y... entraînait l'irrecevabilité de l'intervention forcée contre Mlle Z..., la Cour d'appel a violé les articles 31, 32, 126 et 331 du code de procédure civile.