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05/04/2011 | FRANCE | N°10VE03436

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 05 avril 2011, 10VE03436


Vu la requête enregistrée le 26 octobre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005886 du 16 septembre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 13 septembre 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ehab A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Il soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreur manifest

e d'appréciation dès lors que M. A n'a demandé la régularisation de sa situation ad...

Vu la requête enregistrée le 26 octobre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005886 du 16 septembre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 13 septembre 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ehab A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Il soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. A n'a demandé la régularisation de sa situation administrative qu'en août 2010 et que la circonstance qu'une demande de titre de séjour ait été déposée ne fait pas obstacle à une mesure de reconduite à la frontière ; que la situation de l'intéressé a été examinée ; que celui-ci ne démontre pas avoir sa résidence habituelle en France au titre des années 2000 à 2003 et qu'il a déclaré que toute sa famille résidait en Egypte ; que M. A a travaillé en France sous couvert d'une fausse carte nationale d'identité ; que l'arrêté attaqué n'est pas dépourvu de base légale ; que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2011 :

- le rapport de Mme Riou, magistrat désigné,

- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Ganem, substituant Me Morin, pour M. A ;

Considérant que le PREFET DE L'ESSONNE relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 13 septembre 2010 portant reconduite à la frontière de M. A, de nationalité égyptienne ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A, tirée de la tardiveté de la requête d'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-19 du code de justice administrative : Le préfet, signataire de l'arrêté attaqué et l'étranger peuvent interjeter appel du jugement devant le président de la cour administrative d'appel ou un magistrat désigné par lui. ; qu'aux termes de l'article R. 776-20 du même code : Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R. 776-17, troisième alinéa. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE L'ESSONNE a reçu notification le 27 septembre 2010 du jugement rendu le 16 septembre 2010 par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles ; que sa requête a été enregistrée au greffe de la Cour en télécopie et par courrier le 26 octobre 2010 ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. A, tirée de la tardiveté de cette requête, doit être écartée ;

Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :

Considérant que, pour annuler, par un jugement en date du 16 septembre 2010, l'arrêté du 13 septembre 2010 par lequel le PREFET DE L'ESSONNE a prononcé la reconduite à la frontière de M. A, ressortissant égyptien né le 16 mars 1978, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a estimé que cet arrêté avait été pris sans examen préalable de la situation de M. A alors que celui-ci avait déposé une demande de titre de séjour auprès des services de la sous-préfecture de l'Hay-les-Roses, lesquels ne lui avaient pas délivré de récépissé ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise. ... ; que, si le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide la reconduite à la frontière d'un étranger en situation irrégulière se trouvant dans l'un des cas mentionnés au 1°, 2° ou 4° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte cependant des dispositions précitées de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un étranger qui a déposé une demande de titre de séjour antérieurement à l'expiration de la durée de validité de son visa et à qui l'administration a nécessairement délivré un récépissé de demande de titre de séjour, ne peut être regardé comme en situation irrégulière jusqu'à l'intervention de la décision prise sur sa demande de titre de séjour ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des propres déclarations de M. A, mentionnées au procès-verbal d'interpellation, que l'intéressé a déposé sa demande de titre de séjour en août 2010, postérieurement à l'expiration de la durée de validité de son visa, le 26 octobre 1999 ; que le PREFET DE L'ESSONNE, qui a tenu compte de ces éléments a pu, dès lors, décider la reconduite à la frontière de M. A, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'un récépissé de demande de titre de séjour n'aurait pas été délivré à l'intéressé ; qu'il suit de là que le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif s'est fondé sur ce qu'il n'aurait pas été procédé à l'examen particulier de la situation administrative de l'intéressé préalablement à l'édiction de la mesure attaquée ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués en première instance et en appel par M. A ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduite à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;

Considérant que l'arrêté attaqué a été pris sur le fondement du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que M. A ne justifiait d'aucun document de circulation transfrontière, ainsi qu'il résulte d'ailleurs des propres déclarations de l'intéressé, mentionnées dans le procès-verbal établi par les services de police le 13 septembre 2010, selon lesquelles l'intéressé aurait été titulaire d'un passeport conservé à une adresse qu'il n'a pas souhaité préciser ; que M. A a justifié, devant le tribunal, être entré régulièrement sur le territoire français en octobre 1999, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen ; que, dès lors, l'intéressé ne pouvait pas faire l'objet d'une reconduite à la frontière sur le fondement du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait du être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du même article L. 511-1 qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors, en premier lieu, que, s'étant maintenu en France au-delà de la durée de validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour, M. A se trouvait dans la situation où, en application du 2° de l'article L. 511-1, le préfet pouvait décider qu'il serait reconduit à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. A allègue qu'il réside en France depuis 1999, qu'il y travaille et est intégré à la société française, il ressort des pièces du dossier que le requérant a occupé un emploi sous couvert d'une fausse carte nationale d'identité et que les pièces qu'il produit pour justifier sa présence habituelle en France ne sont pas suffisamment probantes en ce qui concerne les années 2000, 2001 et 2002 ; qu'en outre, il n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a résidé au moins jusqu'à l'âge de vingt et un ans ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet acte a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que M. A est titulaire d'une promesse d'embauche est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 13 septembre 2010 décidant la reconduite à la frontière de M. A ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées devant la Cour par M. A doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 1005886 du 16 septembre 2010 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 10VE03436
Date de la décision : 05/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine RIOU
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : MORIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-04-05;10ve03436 ?
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