LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 132-9 et L. 132-11 du code des assurances ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que l'attribution à titre gratuit du bénéfice d'une assurance sur la vie à une personne déterminée est présumée faite sous la condition de l'existence du bénéficiaire à l'époque de l'exigibilité du capital ou de la rente garantie ;
Attendu, selon le second de ces textes, que lorsque l'assurance en cas de décès a été conclue sans désignation d'un bénéficiaire, le capital ou la rente garantis font partie du patrimoine ou de la succession du contractant ;
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que le 1er septembre 2006, Pierre-Marie X..., conducteur d'un véhicule automobile assuré auprès de la société MAAF assurances (l'assureur), et son épouse, Thérèse Y..., sont décédés dans un accident de la circulation ; qu'ils ont laissé pour leur succéder leur fille, Mme X..., épouse Z... ; que Pierre-Marie X... avait souscrit un contrat d'assurance automobile prévoyant, en cas de décès du conducteur, le versement pour le conjoint non séparé de corps d'un capital de 80 000 euros ; que Mme Z... a assigné l'assureur en paiement notamment de cette somme ;
Attendu que pour débouter Mme Z... de sa demande, l'arrêt retient que le capital, étant prévu au profit d'un bénéficiaire déterminé, ne fait pas partie de la succession du souscripteur aux termes de l'article L. 132-12 du code des assurances ; que l'article 725-1 du code civil, qui concerne le règlement des successions, ne s'applique donc pas en l'espèce ; que l'attribution du capital au conjoint suppose que le bénéficiaire soit vivant lors de l'exigibilité du capital par application de l'article L. 132-9 du code des assurances ; que Mme Z... ne justifie pas que sa mère ait survécu, ne serait-ce qu'un instant, à son père, ses deux parents étant décédés dans le même accident et officiellement à la même heure ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu' il résultait de ces constatations qu'au moment du décès de l'assuré le contrat était devenu sans bénéficiaire déterminé de sorte que le capital décès faisait partie de la succession du contractant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme Z... de sa demande reposant sur le contrat d'assurance automobile, l'arrêt rendu le 17 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société MAAF assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société MAAF assurances, la condamne à payer à Mme Z... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme Z...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame Z... de sa demande en paiement de la somme de 80.000 € au titre du contrat d'assurance automobile Quatro ;
AUX MOTIFS QUE : « Ce contrat, souscrit par Monsieur X..., prévoyait notamment, au titre de la garantie dommages corporels du conducteur assuré, qu'en cas de décès du conducteur, un capital de 80.000 € serait versé à son conjoint non séparé de corps ou concubin ; que ce capital, étant prévu au profit d'un bénéficiaire déterminé, ne fait pas partie de la succession du souscripteur aux termes de l'article L.132-12 du code des assurances ; que l'article 725-1 du code civil, qui concerne le règlement des successions, ne s'applique donc pas en l'espèce ; que l'attribution du capital au conjoint suppose que le bénéficiaire soit vivant lors de l'exigibilité du capital par application de l'article L.132-9 du code des assurances ; qu'or, Madame Marie-Odile Z... ne justifie pas que sa mère ait survécu, ne serait-ce qu'un instant, à son père, ses deux parents étant décédés dans le même accident et officiellement à la même heure, le fait que Monsieur X... ait eu un coeur greffé et qu'il ait perdu le contrôle du véhicule avant le choc fatal ne prouvant pas qu'il soit mort avant son épouse et le fait que cette dernière était à l'arrière n'étant pas davantage probant puisque le passager avant n'a été que blessé dans l'accident ; que Madame Marie-Odile Z... doit, par conséquent, être déboutée de cette demande» ;
Alors, d'une part, qu'en l'absence de bénéficiaire au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis, les sommes assurées font partie du patrimoine ou de la succession du contractant ; qu'en déboutant Madame Z... de sa demande en paiement du capital de 80.000 € bien qu'elle était également héritière du contractant, après avoir retenu qu'il n'était pas établi que le bénéficiaire était vivant lors de l'exigibilité du capital garanti, de sorte que ce capital était tombé dans la succession du contractant et qu'ainsi, Madame Z... était fondée à en obtenir le paiement, la cour d'appel a violé les articles L.132-9 et L.132-11 du code des assurances ;
Alors, d'autre part et en tout état de cause, qu'en se bornant à statuer par des motifs relatifs à la preuve de l'ordre des décès, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si, en l'absence de bénéficiaire au moment de l'exigibilité du capital garanti, Madame Z... n'avait pas néanmoins vocation à recueillir ce capital en sa qualité d'héritière du souscripteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.132-9 et L.132-11 du code des assurances.