LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 6 juillet 2001, Mme Isabelle X... et sa mère Ginette X..., depuis décédée, ont mis à la disposition de M. Y... plusieurs hectares de terres agricoles, un logement indépendant et des bâtiments agricoles situés sur la commune de Bieujac ; qu'en contrepartie d'une occupation gratuite des lieux, une seconde convention a été conclue entre M. Y..., d'une part, Mme Isabelle X..., son fils mineur Paul Z... et Ginette X..., d'autre part, tendant à la prise en charge et à l'entretien par M. Y... de sept chevaux appartenant aux intéressés ; que prétendant avoir récupéré les animaux dans un état déplorable et invoquant des dégradations dans les lieux occupés, Mme Isabelle X... a saisi un tribunal de grande instance aux fins d'obtenir la rupture des deux conventions, aux torts de M. Y..., l'expulsion de ce dernier ainsi que des dommages-intérêts au titre des travaux de réfection et de remise en état des locaux et des frais de vétérinaire et de gardiennage des chevaux ; que son action a été jugée irrecevable à défaut pour Paul Z..., propriétaire d'un des sept chevaux, d'être régulièrement partie à l'instance ;
Sur le premier moyen, en ce qu'il porte sur la résiliation des deux conventions :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt confirmatif de juger ses demandes irrecevables pour défaut de qualité à agir, alors, selon le moyen, qu'en l'absence d'indivisibilité instituée entre les créanciers, un cocontractant peut agir seul en résolution de la convention à laquelle il est partie et en indemnisation du dommage qu'il a subi ; qu'en se bornant à constater que le contrat de bail conclu entre Mme X... et M. Y..., d'une part, et, d'autre part, le contrat de mise à disposition des chevaux conclu entre Mme X..., son fils, Paul Z... et M. Y... étaient indivisibles de sorte qu'ils formaient une seule et même convention, pour déclarer Mme X... irrecevable à agir seule en résolution et en indemnisation, sans relever que les obligations souscrites par M. Y... profitaient indivisiblement à Mme X... et à son fils, Paul Z..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1217 et 1218 du code civil, ensemble les articles 1147 et 1184 du même code ;
Mais attendu, d'une part, que Mme X... ayant sollicité la rupture totale de la convention de mise à disposition des chevaux, le moyen, en ce qu'il tend notamment à obtenir la résiliation partielle du contrat en la limitant aux seuls chevaux appartenant à l'intéressée, est incompatible avec l'argumentation développée devant les juges du fond ;
Attendu, d'autre part, que la résiliation de l'une ou l'autre des conventions, qui constituaient un ensemble interdépendant et indivisible, emportant anéantissement des obligations souscrites en faveur de Paul Z..., créancier d'une obligation d'entretien au titre du cheval lui appartenant, la cour d'appel en a exactement déduit que Mme X... ne pouvait agir seule en rupture de ces deux contrats ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le premier moyen, en ce qu'il porte sur les demandes indemnitaires, et le second moyen :
Vu les articles 1147 et 1218 du code civil ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes en réparation formées par Mme X... au titre de son préjudice de jouissance, des travaux de réfection et de remise en état des locaux, des frais vétérinaires et de gardiennage des chevaux et de son préjudice moral, l'arrêt retient que celle-ci était dépourvue de droit d'agir à défaut pour Paul Z... d'être régulièrement représenté à la procédure ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'indivisibilité entre plusieurs conventions ne saurait priver un des cocontractants de la possibilité d'agir seul en réparation de ses préjudices personnels, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare Mme Isabelle X... irrecevable à agir au titre de son préjudice de jouissance, des travaux de réfection et de remise en état des locaux, des frais vétérinaires et de gardiennage des chevaux et de son préjudice moral, l'arrêt rendu le 15 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne M. Y... à payer à la SCP Bore et Salve de Bruneton, avocat de Mme X..., la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé les demandes de Madame X..., tendant au prononcé de la résolution du contrat la liant à Monsieur Y... et à l'indemnisation de ses préjudices, irrecevables ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon les dispositions de l'article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité ; qu'en fait, les deux contrats conclus entre les parties constituent par leur indivisibilité un contrat unique puisque l'obligation de payer les loyers définie à un contrat est remplie par l'exécution de la prise en charge de l'entretien et de la valorisation des chevaux définie à l'autre contrat ; qu'ainsi le jeune Paul Z... se retrouve partie à l'intégralité d'une procédure diligentée par sa mère en son nom propre et ès-qualité ; mais qu'en présentant un extrait d'acte de naissance de l'enfant sans filiation, Isabelle X... ne justifie pas de sa qualité à intervenir seule au nom du mineur, dans les conditions définies aux articles 389 et suivants du Code civil, pour représenter la partie contractante dans sa globalité ; que c'est donc à juste titre que le tribunal a déclaré irrecevable la demande présentée par Isabelle X... pour défaut de qualité à agir ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le contrat intervenu entre les parties consiste en un bail improprement qualifié de bail de locaux commerciaux conclus entre Madame X..., usufruitière, et Monsieur Y..., cavalier professionnel, portant sur des terres agricoles avec une superficie de 16 ha, un logement indépendant, des bâtiments agricoles, et un contrat de mise à la disposition intervenu entre Monsieur Y... et Madame X..., Monsieur Paul Z... et Ginette X... portant sur 7 chevaux ; qu'il est constant que Ginette X... était nu-propriétaire et Madame X... usufruitière selon l'acte d'acquisition de la propriété du 23 septembre 1986 et que Monsieur Paul Z..., selon les écritures de Madame X..., était propriétaire de l'un des chevaux ; qu'ainsi, Madame X..., si elle a acquis qualité à agir pour le contrat qualifié de bail depuis le décès de l'usufruitière dont l'acte de décès ainsi que l'acte de notoriété en date du 30 novembre 2002 ont été produits, ne peut cependant agir au nom de Monsieur Paul Z... pour le contrat de mise à disposition de l'un de ses chevaux, les deux contrats de bail et de mise à disposition étant liés puisque l'un permettait de remplir l'obligation de paiement des loyers de l'autre ; que malgré le jugement ordonnant la réouverture de débats, Madame X... n'a pas mis en cause Monsieur Paul Z..., propriétaire de l'un des chevaux, et n'a donc pas qualité à agir au sens de l'article 31 du Code de procédure civile ; que la demande est donc irrecevable ;
ALORS QU'en l'absence d'invisibilité instituée entre les créanciers, un cocontractant peut agir seul en résolution de la convention à laquelle il est partie et en indemnisation du dommage qu'il a subi ; qu'en se bornant à constater que le contrat de bail conclu entre Madame X... et Monsieur Y..., d'une part, et, d'autre part, le contrat de mise à disposition des chevaux, conclu entre Madame X..., son fils, Monsieur Paul Z..., et Monsieur Y..., étaient indivisibles de sorte qu'ils formaient une seule et même convention, pour déclarer Madame X... irrecevable à agir seule en résolution et en indemnisation, sans relever que les obligations souscrites par Monsieur Y... profitaient indivisiblement à Madame X... et à son fils, Monsieur Paul Z..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1217 et 1218 du Code civil, ensemble les articles 1147 et 1184 du même Code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé la demande de Madame X..., tendant à l'indemnisation de ses préjudices, irrecevable ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon les dispositions de l'article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité ; qu'en fait, les deux contrats conclus entre les parties constituent par leur indivisibilité un contrat unique puisque l'obligation de payer les loyers définie à un contrat est remplie par l'exécution de la prise en charge de l'entretien et de la valorisation des chevaux définie à l'autre contrat ; qu'ainsi le jeune Paul Z... se retrouve partie à l'intégralité d'une procédure diligentée par sa mère en son nom propre et ès-qualité ; mais qu'en présentant un extrait d'acte de naissance de l'enfant sans filiation, Isabelle X... ne justifie pas de sa qualité à intervenir seule au nom du mineur, dans les conditions définies aux articles 389 et suivants du Code civil, pour représenter la partie contractante dans sa globalité ; que c'est donc à juste titre que le tribunal a déclaré irrecevable la demande présentée par Isabelle X... pour défaut de qualité à agir ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le contrat intervenu entre les parties consiste en un bail improprement qualifié de bail de locaux commerciaux conclus entre Madame X..., usufruitière, et Monsieur Y..., cavalier professionnel, portant sur des terres agricoles avec une superficie de 16 ha, un logement indépendant, des bâtiments agricoles, et un contrat de mise à la disposition intervenu entre Monsieur Y... et Madame X..., Monsieur Paul Z... et Ginette X... portant sur 7 chevaux ; qu'il est constant que Ginette X... était nu-propriétaire et Madame X... usufruitière selon l'acte d'acquisition de la propriété du 23 septembre 1986 et que Monsieur Paul Z..., selon les écritures de Madame X..., était propriétaire de l'un des chevaux ; qu'ainsi, Madame X..., si elle a acquis qualité à agir pour le contrat qualifié de bail depuis le décès de l'usufruitière dont l'acte de décès ainsi que l'acte de notoriété en date du 30 novembre 2002 ont été produits, ne peut cependant agir au nom de Monsieur Paul Z... pour le contrat de mise à disposition de l'un de ses chevaux, les deux contrats de bail et de mise à disposition étant liés puisque l'un permettait de remplir l'obligation de paiement des loyers de l'autre ; que malgré le jugement ordonnant la réouverture de débats, Madame X... n'a pas mis en cause Monsieur Paul Z..., propriétaire de l'un des chevaux, et n'a donc pas qualité à agir au sens de l'article 31 du Code de procédure civile ; que la demande est donc irrecevable ;
ALORS QUE le cocréancier de l'obligation indivisible inexécutée peut toujours agir seul en réparation de son préjudice ; qu'en jugeant les demandes indemnitaires de Madame X... irrecevables, au motif que le contrat de bail, conclu entre Madame X... et Monsieur Y..., d'une part, et, d'autre part, le contrat de mise à disposition des chevaux, conclu entre Madame X..., son fils, Monsieur Paul Z..., et Monsieur Y..., étaient indivisibles de sorte qu'ils formaient un seul et même contrat, la Cour d'appel a violé les articles 1217 et 1218 du Code civil, ensemble l'article 1147 du même Code.