LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 1382 du code civil ;
Attendu que les époux X... ont adressé une lettre le 21 mars 2005 à la société de recouvrement Axa France, employeur de M. Y..., décrivant ce dernier comme "une personne impliquée pénalement dans des associations sportives qui ne devrait plus exercer pour l'image de marque de la branche et de cette société" ; qu'estimant que ces propos constituaient une dénonciation calomnieuse M. Y... a fait assigner les époux X... en réparation de son préjudice ;
Attendu que pour condamner les époux X... à réparer le préjudice moral de M. Y... l'arrêt infirmatif attaqué énonce que la lettre, adressée dans le but évident de lui nuire, quand les faits dénoncés ne concernaient pas la sphère professionnelle de l'assurance, constituait une dénonciation téméraire caractérisant une faute dont M. Y... était fondé à demander réparation au vu des dispositions de l'article 1382 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 tels que, comme en l'espèce, les propos litigieux, qui portent atteinte à la considération et constituent donc des diffamations, ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application ;
Et vu l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu que la prescription de trois mois édictée par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 qui n'a pas été interrompue par des actes de poursuite réguliers au regard des dispositions de cette loi se trouve acquise de sorte qu'il ne reste rien à juger ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare l'action prescrite ;
Condamne M. Y... aux dépens de la présente instance ainsi qu'aux dépens afférents aux instances devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour les époux X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement entrepris, condamné, in solidum, les époux X... à payer à Monsieur Y... la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE « s'il résulte de la lettre du juge d'instruction en date du 9 mai 2008 qu'une procédure d'instruction a été ouverte à la suite de la plainte déposée par M. Bernard X..., aucune précision n'est donnée quant à la décision qu'a prise ce magistrat instructeur relativement à une éventuelle mise en examen de M. François Y... ; qu'aucun élément d'information n'est donné quant à l'issue de ladite procédure d'instruction ouverte depuis trois années et au renvoi éventuel de M. François Y... devant la juridiction de jugement correctionnelle ; qu'il n'est ni allégué ni a fortiori démontré que M. François Y... ait fait l'objet d'une décision pénale de condamnation devenue irrévocable ; que ce dernier doit donc bénéficier de la présomption d'innocence, prévue notamment par les articles 6-2 de la convention européenne des droits de l'homme et 9-1 du code civil, jusqu'à ce qu'une décision de condamnation irrévocable soit intervenue à son encontre ; que la lettre précitée adressée par les époux X... le 21 mars 2005 à la société d'assurances AXA, dont M. François Y... était alors l'agent général, dans le but évident de lui nuire, alors que les faits dénoncés ne concernent pas la sphère professionnelle de l'assurance, constitue une dénonciation téméraire caractérisant une faute, dont M. François Y... est fondé à demander réparation au vu des dispositions de l'article 1382 du code civil dès lors qu'il n'était pas tenu d'agir selon les règles de fond et de forme de la loi du 29 juillet 1881 ; que par la lettre de la société AXA en date du 13 avril 2005, M. François Y... justifie que ladite dénonciation téméraire fautive a entraîné des investigations de la part de cette société d'assurances à l'encontre de son agent général, qui ont porté atteinte à l'honneur et à la considération dont il jouissait auprès de celle-ci ; qu'il convient donc de condamner les époux X... à payer à M. François Y... la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral qu'il a subi » ;
1°/ ALORS QUE les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 et par l'article R. 621-1 du Code pénal ne peuvent être poursuivis et réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; qu'en condamnant les époux X... à réparer le préjudice moral de Monsieur Y... sur le fondement de l'article 1382 du Code civil tout en affirmant que la lettre adressée à la société AXA le 21 mars 2005 avait porté atteinte à l'honneur et à la considération de Monsieur Y... en sorte que ces propos relevaient de la diffamation et que seules les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 étaient applicables, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 29 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 et 1382 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement entrepris, condamné, in solidum, les époux X... à payer à Monsieur Y... la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE « s'il résulte de la lettre du juge d'instruction en date du 9 mai 2008 qu'une procédure d'instruction a été ouverte à la suite de la plainte déposée par M. Bernard X..., aucune précision n'est donnée quant à la décision qu'a prise ce magistrat instructeur relativement à une éventuelle mise en examen de M. François Y... ; qu'aucun élément d'information n'est donné quant à l'issue de ladite procédure d'instruction ouverte depuis trois années et au renvoi éventuel de M. François Y... devant la juridiction de jugement correctionnelle ; qu'il n'est ni allégué ni a fortiori démontré que M. François Y... ait fait l'objet d'une décision pénale de condamnation devenue irrévocable ; que ce dernier doit donc bénéficier de la présomption d'innocence, prévue notamment par les articles 6-2 de la convention européenne des droits de l'homme et 9-1 du code civil, jusqu'à ce qu'une décision de condamnation irrévocable soit intervenue à son encontre ; que la lettre précitée adressée par les époux X... le 21 mars 2005 à la société d'assurances AXA, dont M. François Y... était alors l'agent général, dans le but évident de lui nuire, alors que les faits dénoncés ne concernent pas la sphère professionnelle de l'assurance, constitue une dénonciation téméraire caractérisant une faute, dont M. François Y... est fondé à demander réparation au vu des dispositions de l'article 1382 du code civil dès lors qu'il n'était pas tenu d'agir selon les règles de fond et de forme de la loi du 29 juillet 1881 ; que par la lettre de la société AXA en date du 13 avril 2005, M. François Y... justifie que ladite dénonciation téméraire fautive a entraîné des investigations de la part de cette société d'assurances à l'encontre de son agent général, qui ont porté atteinte à l'honneur et à la considération dont il jouissait auprès de celle-ci ; qu'il convient donc de condamner les époux X... à payer à M. François Y... la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral qu'il a subi » ;
1°/ ALORS QU'une dénonciation n'est téméraire que lorsque son auteur a dénoncé aux autorités de poursuites, avec une légèreté blâmable, des faits qui se sont révélés inexacts ; qu'en affirmant que les faits dénoncés par les époux X... à l'employeur de Monsieur Y... constituaient une dénonciation téméraire caractérisant une faute dont Monsieur Y... était fondé à demander réparation alors que ces faits dénoncés à une personne privée et dont l'inexactitude n'était pas démontrée ne pouvaient caractériser une dénonciation téméraire, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2°/ ALORS QUE si les agissements d'une personne consistant à porter atteinte à la réputation et à la dignité d'une autre par le biais de lettres adressées à l'employeur de celle-ci ne relèvent pas de la loi du 29 juillet 1881 et constituent des faits de dénonciation calomnieuse, la dénonciation calomnieuse n'est caractérisée que si son auteur a agi de mauvaise foi ; qu'en condamnant les époux X... à réparer le préjudice moral résultant pour Monsieur Y... de la lettre adressé à son employeur qui portait atteinte à l'honneur et à la considération dont il jouissait auprès de celui-ci sans relever la fausseté des faits dénoncés et à supposer même qu'ils soient faux, sans caractériser la mauvaise foi des époux X... en relevant des éléments démontrant qu'ils ne pouvaient ignorer cette fausseté, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 226-10 du Code pénal et 1382 du Code civil ;
3°/ ALORS QUE la loi subordonne la dénonciation calomnieuse à la circonstance que le fait dénoncé soit de nature à exposer la victime de la dénonciation à des sanctions pénales ou disciplinaires ; qu'en affirmant que les faits dénoncés par les époux X... dans la lettre adressée à la société d'assurance AXA le 21 mars 2005 caractérisaient une faute dont Monsieur Y... était fondé à demander réparation tout en relevant que les propos incriminés ne concernaient pas la sphère professionnelle de l'assurance et par conséquent ne pouvaient exposer Monsieur Y... à une quelconque sanction disciplinaire de la part de son employeur, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 226-10 du Code pénal et de l'article 1382 du Code civil.