LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 janvier 2009), que M. X... a été engagé à compter du 3 septembre 2002 en qualité de technico-commercial par la société Souris et Plus dans le cadre d'un contrat à durée déterminée poursuivi en contrat à durée indéterminée à partir du 1er février 2003 ; qu'estimant que l'employeur avait gravement manqué à ses obligations contractuelles en lui versant son salaire de février 2007 d'abord avec un chèque sans provision puis avec retard, en ne lui payant pas le salaire de mars, en cessant de lui fournir du travail et en ne prenant aucune disposition pour lui permettre de bénéficier d'une indemnisation, M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail par acte d'huissier du 17 avril 2007 ; que par jugement du même jour, le tribunal de commerce a ouvert à l'encontre de la société Souris et Plus une procédure de redressement judiciaire ensuite convertie en liquidation judiciaire le 22 avril 2007 avec désignation de M. Y... comme mandataire liquidateur ; que M. X..., convoqué le 22 mai 2007 à un entretien pour le 30 mai 2007, en vue de son éventuel licenciement, a saisi la juridiction prud'homale le 1er juin 2007 afin d'obtenir le paiement de dommages-intérêts pour rupture imputable à l'employeur, d'une indemnité de préavis et d'une indemnité conventionnelle de licenciement ; qu'après avoir été licencié pour motif économique le 4 juin 2007, il a accepté une convention de reclassement personnalisé le 8 juin 2007 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le mandataire liquidateur fait grief à l'arrêt de dire que la rupture du contrat de travail devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que le contrat de travail des salariés d'une entreprise en liquidation judiciaire est rompu du fait du licenciement économique décidé par le mandataire liquidateur, peu important que ces salariés aient antérieurement, au moment de l'ouverture de la procédure collective, pris acte de la rupture de leur contrat en invoquant des circonstances résultant précisément des difficultés économiques rencontrées ; qu'il n'en va autrement que si l'employeur a tardé à déclarer l'état de cessation des paiements ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X..., le jour même du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Souris et Plus, le 17 avril 2007, avait cru devoir prendre acte de la rupture de son contrat pour retard dans le paiement de son salaire des mois de février et mars 2007 et pour défaut de fourniture de travail à la fin du mois de mars 2007 ; qu'elle a également constaté que, le 4 juin 2007, M. Y..., ès qualités de mandataire liquidateur, avait notifié à M. X... son licenciement économique justifié par l'état de liquidation ; qu'en considérant qu'il convenait, en pareil cas de figure, d'appliquer le principe chronologique et qu'ainsi, le contrat de travail avait été rompu du fait de la prise d'acte du 17 avril 2007, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la société Souris et Plus avait tardé à se déclarer en état de cessation des paiements, a violé les articles L. 1231-1, L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ que l'adhésion du salarié à une convention de reclassement personnalisé entraîne une rupture réputée intervenir d'un commun accord ; qu'en conséquence, le salarié ayant accepté une telle adhésion dans le cadre du licenciement économique notifié par le liquidateur judiciaire renonce aux effets de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, antérieurement notifiée au liquidateur le jour même de l'ouverture de la procédure collective ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 1233-3 et L. 1233-67 du code du travail ;
3°/ que des difficultés financières justifient le non-paiement du salaire ou l'absence de fourniture de travail dès lors que l'employeur est déclaré en état de cessation des paiement afin de bénéficier de l'ouverture d'une procédure collective et du droit subséquent de procéder à un licenciement pour motif économique ; qu'en considérant qu'était justifiée la prise d'acte par M. X..., le 17 avril 2007, jour de l'ouverture de la procédure collective, pour retard dans le paiement du salaire des deux mois précédents et défaut de fourniture de travail à la fin du mois de mars 2007 sans rechercher si la société Souris et Plus était fautive pour ne s'être pas déclarée plus rapidement en état de cessation des paiements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail, même si une procédure collective a été ouverte concomitamment à l'égard de l'employeur ; qu'il s'ensuit que le licenciement pour motif économique prononcé postérieurement par le mandataire liquidateur est non avenu ;
Attendu, ensuite, que la prise d'acte ne peut être rétractée, de sorte que le moyen qui invoque la renonciation par le salarié à sa prise d'acte du fait de son acceptation postérieure d'une convention de reclassement personnalisé est inopérant ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel, qui a retenu la gravité du comportement de l'employeur, n'avait pas à rechercher si la société était fautive pour ne pas s'être déclarée plus rapidement en état de cessation des paiements ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que le mandataire liquidateur fait encore grief à l'arrêt d'inclure dans la créance du salarié une indemnité de préavis et les congés payés afférents, alors, selon le moyen, que la rupture d'un commun accord résultant de l'acceptation par le salarié de la convention de reclassement personnalisé ne donne pas droit à une indemnité de préavis ; qu'en conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation qui sera prononcée en vertu du premier moyen entraînera la censure de l'arrêt du chef de son dispositif se rapportant à la condamnation au paiement d'une indemnité de préavis ;
Mais attendu que le rejet du pourvoi sur le premier moyen rend le second sans objet ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Souris et plus
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de monsieur X... devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR fixé la créance de monsieur X... dans la procédure collective de la société SOURIS et PLUS aux sommes de 6.500 euros à titre de dommages et intérêts, euros à titre d'indemnité de préavis outre 320 euros au titre des congés payés y afférents et 640,05 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, «lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; il résulte des pièces produites aux débats et des explications fournies que, par exploit en date du 6 avril 2007, maître Z..., huissier de justice, a délivré à la société SOURIS et PLUS le courrier suivant : «Je suis embauché comme technico-commercial chez vous depuis septembre 2002. J'ai eu précédemment à déplorer le paiement de mon salaire du mois de février 2007 au moyen d'un chèque retourné sans provision le 5 mars 2007. La régularisation du paiement du salaire n'est intervenue que tardivement soit le 23 mars 2007. A ce jour, le salaire du mois de mars 2007 n'est pas réglé et vous prie de bien vouloir prendre vos dispositions pour procéder à son règlement au plus tard dans un délai de huitaine à réception des présentes. Par ailleurs, et depuis le 24 mars 2007, je suis à votre disposition sans que vous me fournissiez de prestations de travail ainsi donc vous êtes doublement fautif pour le priver d'emploi et de salaire. Par les présentes, je vous mets en demeure de bien vouloir, sous huitaine : - soit me confirmer mon emploi dans notre entreprise en sollicitant de la DDTE ou de l'inspection du travail le bénéfice du chômage technique en raison de l'incendie du 23/24 mars 2007 me permettant à tout le moins et à défaut de paiement de salaire d'obtenir une indemnisation dans l'attente de la réouverture du fonds, - si vous n'entendez pas mettre en oeuvre cette réouverture, je vous invite à procéder à mon licenciement pour motif économique compte tenu du sinistre du 23/24 mars 2007. Si vous estimez que la situation est irrémédiablement compromise, il conviendrait alors que vous puissiez mettre en oeuvre une procédure collective pour me permettre d'être réglé de l'ensemble des salaires par le CGE A et pour me permettre alors un licenciement économique de la part du mandataire. Je vous confirme que, faute d'être payé de mon salaire de mars 2007, et faute d'être mis en chômage technique et/ou d'être licencié sous huitaine à réception des présentes, je me réserve la possibilité de prendre acte de la rupture du contrat de travail à vos torts et griefs exclusifs ce qui aura les mêmes effets, devant le Conseil de prud'hommes, qu'un licenciement sans motif réel et sérieux» ; par un autre exploit d'huissier du 17 avril 2007, M. Vincent X... a fait dénoncer à la société SOURIS et PLUS le courrier suivant : «Je fais suite à mes mises en demeure restées toutes infructueuses dès le 13 mars 2007 et du 5 avril 2007 et, suite à la signification à personne par exploit de maître Z... du 6 avril 2007 par laquelle le courrier du 5 avril 2007 vous a été confirmé par ailleurs par pli simple. Par les présentes, j'ai l'honneur de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts et griefs exclusifs en me réservant le droit d'en solliciter la qualification judiciaire devant le Conseil de prud'hommes de Dunkerque, et ceci pour les motifs suivants : Mon salaire du mois de février 2007 m'a tout d'abord été réglé par un chèque sans provision le 5 mars 2007, la régularisation de son paiement n'est intervenue que tardivement soit le 23 mars 2007. Je ne suis pas payé à ce jour de mon salaire du mois de mars 2007 tandis que j'ai une concubine à ma charge et des crédits. Malgré ma mise en demeure du 6 avril 2007, vous n'avez pris aucune disposition pour me garantir mon statut de salarié dans l'entreprise ou, tout au moins, pour me permettre une indemnisation soit dans le cadre du chômage technique soit dans le cadre d'une procédure de licenciement pour motif économique. Par ailleurs, et faute d'activité, faute de paiement d'indemnités par la compagnie d'assurances, votre situation est en l'état une situation de dépôt de bilan. Malgré cela, vous refusez obstinément de préserver, si ce n'est votre entreprise et ses créanciers, ses salariés. Dans ces conditions, j'estime que la rupture de mon contrat de travail vous est exclusivement imputable». Les termes de la dernière sommation font clairement apparaître que M. Vincent X... a eu la volonté de mettre fin à son contrat de travail. Dès lors, la procédure de licenciement engagée par maître Alexandre Y... ès qualité était sans objet, le contrat de travail s'étant vu résilié par l'effet de la prise d'acte. La signature par M. Vincent X... de la convention de reclassement souscrite par le salarié est par voie de conséquence sans objet. En outre, ce document n'établit pas pour autant que le salarié a renoncé à sa prise d'acte, d'autant que ce dernier a pris soin de porter sur ladite convention la mention «sous réserve du prononcé de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur». C'est par une exacte appréciation que les premiers juges ont, par des motifs pertinents que la Cour adopte, considéré que la rupture du contrat de travail de M. Vincent X... est imputable à l'employeur» ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' «il est constant que, par acte signifié par huissier de justice en date du 17 avril 2007, monsieur X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail ; il n'est pas contesté que, le même jour, la société SOURIS et PLUS a été placée en redressement judiciaire. Dès lors, si le mandataire judiciaire avait seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers, le chef d'entreprise continuait à gérer l'entreprise ; monsieur X... pouvait donc adresser la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail à monsieur Thomas A..., gérant de la société. Dès lors qu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, celle-ci est effective et le contrat de travail doit être considéré comme rompu ; le licenciement économique de monsieur X..., prononcé le 4 juin 2007, soit postérieurement à la prise d'acte en date du 17 avril 2007 et à la saisine du Conseil, en date du 1er juin 2007, doit donc être considéré comme non avenu ; en conséquence, l'acception de monsieur X... d'une convention de reclassement personnalisée dans le cadre de ce licenciement est sans incidence sur la qualification de la rupture qui dépend uniquement des griefs invoqués par le salarié dans le cadre de sa prise d'acte antérieure au licenciement» ;
1°) ALORS QUE le contrat de travail des salariés d'une entreprise en liquidation judiciaire est rompu du fait du licenciement économique décidé par le mandataire-liquidateur, peu important que ces salariés aient antérieurement, au moment de l'ouverture de la procédure collective, pris acte de la rupture de leur contrat en invoquant des circonstances résultant précisément des difficultés économiques rencontrées ; qu'il n'en va autrement que si l'employeur a tardé à déclarer l'état de cessation des paiements ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que monsieur X..., le jour même du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société SOURIS et PLUS, le 17 avril 2007, avait cru devoir prendre acte de la rupture de son contrat pour retard dans le paiement de son salaire des mois de février et mars 2007 et pour défaut de fourniture de travail à la fin du mois de mars 2007 ; qu'elle a également constaté que, le 4 juin 2007, maître Y..., ès qualité de mandataire-liquidateur, avait notifié à monsieur X... son licenciement économique justifié par l'état de liquidation ; qu'en considérant qu'il convenait, en pareil cas de figure, d'appliquer le principe chronologique et qu'ainsi, le contrat de travail avait été rompu du fait de la prise d'acte du 17 avril 2007, la Cour d'appel, qui n'a pas constaté que la société SOURIS et PLUS avait tardé à se déclarer en état de cessation des paiements, a violé les articles L. 1231-1, L. 1233-3 et L. 1235-1 du Code du travail ;
2°) ALORS subsidiairement QUE l'adhésion du salarié à une convention de reclassement personnalisé entraîne une rupture réputée intervenir d'un commun accord ; qu'en conséquence, le salarié ayant accepté une telle adhésion dans le cadre du licenciement économique notifié par le liquidateur judiciaire renonce aux effets de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, antérieurement notifiée au liquidateur le jour même de l'ouverture de la procédure collective ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil, L. 1233-3 et L. 1233-67 du Code du travail ;
3°) ALORS subsidiairement encore QUE des difficultés financières justifient le non-paiement du salaire ou l'absence de fourniture de travail dès lors que l'employeur est déclaré en état de cessation des paiement afin de bénéficier de l'ouverture d'une procédure collective et du droit subséquent de procéder à un licenciement pour motif économique ; qu'en considérant qu'était justifiée la prise d'acte par monsieur X..., le 17 avril 2007, jour de l'ouverture de la procédure collective, pour retard dans le paiement du salaire des deux mois précédents et défaut de fourniture de travail à la fin du mois de mars 2007 sans rechercher si la société SOURIS et PLUS était fautive pour ne s'être pas déclarée plus rapidement en état de cessation des paiements, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé la créance de monsieur X... dans la procédure collective de la société SOURIS et PLUS aux sommes de 3.200 euros à titre d'indemnité de préavis outre 320 euros au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, «les demandes formées par M. Vincent X... au titre du préavis, que maître Y... ès qualité ne justifie pas avoir réglées, doivent être accueillies» ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE «monsieur X... peut également prétendre au paiement de la somme de 3.200 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 320 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis » ;
ALORS QUE la rupture d'un commun accord résultant de l'acceptation par le salarié de la convention de reclassement personnalisé ne donne pas droit à une indemnité de préavis ; qu'en conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation qui sera prononcée en vertu du premier moyen entraînera la censure de l'arrêt du chef de son dispositif se rapportant à la condamnation au paiement d'une indemnité de préavis.