LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 janvier 2009), que Mme X... épouse Y..., employée à compter de 1978 en qualité d'ouvrière par la société Les Santons d'art de Provence (la société), a saisi la juridiction prud'homale de demandes aux fins de paiement d'une prime d'ancienneté, sur le fondement de la convention collective nationale du personnel de la céramique d'art du 25 mars 1974, et de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que le syndicat des santonniers de Provence (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société et le syndicat font grief à l'arrêt de dire qu'il y a lieu d'appliquer la convention collective nationale du personnel de la céramique d'art, alors, selon le moyen, qu'une entreprise ne peut être assujettie à une convention ou à un accord collectif que si elle entre dans la définition, convenue entre les parties, du champ professionnel de cet acte ; qu'il incombe donc aux juges du fond de rechercher, dans la mesure où la référence à l'identification de l'entreprise auprès de l'INSEE n'a qu'une valeur indicative, si l'activité principale de l'entreprise entre bien dans le champ d'application de la convention litigieuse, ce qui implique qu'ils prennent en considération non seulement la matière utilisée, mais également les techniques et modes de fabrication, la nature et la destination des objets fabriqués ; qu'en se contentant, dès lors, de conclure de la similitude de la matière travaillée que la SARL Les Santonniers d'art de Provence, fabriquant de santons, devait être soumise aux dispositions de la convention collective de la céramique d'art alors que les activités de santonnier et de céramiste divergeaient tant sur les méthodes de fabrication que sur la destination des objets, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article L. 2261-2 ancien article L. 132-5-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'activité de l'entreprise était la fabrication d'une figurine en argile, dont la décoration et l'habillement n'interviennent qu'au dernier stade, et relevé que le terme céramique englobe tous les produits à base d'argile cuite ou durcie, en a exactement déduit qu'elle était soumise à la convention collective nationale du personnel de la céramique d'art du 25 mars 1974, applicable aux entreprises fabriquant des articles de céramique à usage domestique ou ornemental ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme Y... et de le condamner à lui verser des indemnités, alors, selon le moyen :
1°/ que les motifs de l'arrêt seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen, par application de l'article 625 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges du fond doivent impérativement constater, pour pouvoir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié, l'existence de manquements graves de l'employeur à ses obligations ; que la cour d'appel qui, alors qu'elle constatait que la faute grave de la SARL Les Santons d'art de Provence n'était pas établie, a néanmoins prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme Y..., n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé en conséquence les dispositions de l'article L. 1231-1 ancien article L. 122-4 du code du travail ;
3°/ que le non-paiement d'une prime conventionnelle d'ancienneté justifié par la conviction que l'employeur a, de bonne foi, pu avoir de ce que ladite convention collective ne lui était pas applicable, conviction renforcée par le fait que l'organisation patronale dont il était adhérent considérait elle même que la profession n'était pas soumise à ce texte, ne saurait constituer un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un de ses salariés ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a une nouvelle fois violé les dispositions de l'article L. 1231-1 ancien article L. 122-4 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que le premier moyen ayant été rejeté, la première branche du second moyen est sans portée ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a souverainement retenu que le manquement de l'employeur à son obligation de verser à la salariée la prime d'ancienneté prévue par la convention collective applicable était suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Santons d'art de Provence et le syndicat des santonniers de Provence aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Santons d'art de Provence et le syndicat des santonniers de Provence à payer à Mme Y... la somme de 2 500 euros .
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Santons d'art de Provence et pour le syndicat des santonniers de Provence
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit qu'il y avait lieu d'appliquer la Convention collective nationale de la céramique d'art du 25 mars 1974 aux relations entre les parties et d'avoir condamné la SARL LES SANTONS D'ART DE PROVENCE à verser à Mme Y... la somme de 11.456 € à titre de prime conventionnelle d'ancienneté ;
AUX MOTIFS QUE Nicole Y... sollicite l'application de la Convention collective nationale de la céramique d'art du 25 mars 1974 ; qu'elle invoque, à l'appui de sa prétention, le code APE figurant sur ses bulletins de salaire jusqu'au 31 décembre 2007, à savoir le code 262A ; qu'aux termes du décret du 31 décembre 2002 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits, le code APE 262A comprend, sous l'intitulé « Fabrication d'article céramique à usage domestique ou ornemental », la fabrication de statuettes et autres objets d'ornementation en porcelaine, faïence, grès ou terre commune ; que ce code, par ailleurs, correspond, selon la salariée, à l'activité réelle exercée par la SARL LES SANTONS D'ART DE PROVENCE ; que de plus, cette convention collective stipule expressément dans son article G1 relatif à son champ d'application que sont concernées par la convention notamment les fabricants français de céramique d'art et les fabrications d'articles de céramiques à usage domestique ou ornemental référencées 26.2. A ; que la référence à son identification par le code dit NAF n'ayant qu'une valeur indicative, il appartient de vérifier que l'activité principale réellement exercée par la Société correspond effectivement à la Convention collective de la céramique d'art dont l'application est revendiquée ; qu'il est constant que le terme « santons » employé couramment en Provence est plus classiquement désigné sous le terme de figurine ou encore statuette ; qu'il est confectionné habituellement avec de l'argile rouge, verte ou blanche et par la suite peint avec de la gouache ou revêtu de tissus ; qu'en outre, le santon est avant tout un objet d'ornement ; qu'il ressort du catalogue produit par l'employeur que la SARL LES SANTONS DE PROVENCE ne fabrique que des santons en argile, habillés de tissus provençaux ; qu'en l'occurrence, la discussion entre les parties porte essentiellement sur la matière utilisée pour fabriquer les santons ; que la salariée indique que le terme « céramique » visé par le Code APE 26.2.A désigne les objets fabriqués en terre cuite ; qu'il constitue un terme générique qui englobe également toute production alliant la terre et l'eau avant de subir une modification par le feu ; que de son côté, la Société précise d'une part qu'elle n'utilise que de l'argile et fait valoir d'autre part qu'il existe des santons en bois, papiers, plâtres ou encore en terre crue ;qu'elle produit à l'appui de ses prétentions deux fiches d'information de la SEMA (association ayant pour but de dynamiser et de faire connaître le secteur des métiers de l'art) établies pour préciser respectivement l'activité et les formations du céramiste d'une part et du santonnier, d'autre part ; que contrairement à ce que soutient l'intimé qui indique que les deux documents démontrent que l'assimilation entre les deux métiers n'est pas possible, il y a lieu d'observer qu'il résulte de leur lecture que : - les formations diplômantes de santonnier et de céramiste, qui les aideront dans leur pratique professionnelle, sont identiques, à savoir les CAP tournage en céramique , les brevets de métiers d'art options céramique, textiles et céramiques, céramique artisanale ainsi que les BTS option article céramique, - le terme céramique signifiait en langue grecque l'art de la terre et englobe tous les produits à base d'argile cuite ou durcie (grès, porcelaine, faïence et terre vernissée) ; que la fabrication de santons en argile donc en terre entre dans cette classification ; que la SARL LES SANTONS D'ART DE PROVENCE communique aussi un courrier de Pierre A... consultant en médiation et valorisation du patrimoine en date du 31 Août 2006 distinguant l'activité de santonnier et celle de la céramique, concluant qu'il « serait, à l'heure d'un marché déstabilisé par les importations, inopportun de provoquer une assimilation, de toute façon erronée, d'un métier artisanal rare, on ne peut plus singulier, à une activité multimillénaire, diversifiée, souvent industrielle et désormais mondialisée » ; que de telles considérations, d'ordre avant tout économiques, sont insuffisantes pour trancher sur la nature des activités de la SARL LES SANTONS D'ART DE PROVENCE ; que celle-ci fait valoir également que le travail de l'argile ne représente que 8 % des charges d'exploitation et 13 % des temps de travail et que Nicole Y... ne travaillait pas l'argile puisque son activité était celle d'habilleuse ; que la convention collective applicable à la salariée est celle dont relève l'activité de son employeur, peu important étant les fonctions assurées par Nicole Y... ; que par ailleurs, l'activité de la Société est la fabrication d'une figurine en argile qui passe par plusieurs étapes, sa décoration ou son habillement n'intervenant qu'au dernier stade et le montant de leur coût étant sans influence sur la nature de l'activité principale ; que partant, en l'absence d'éléments probants communiqués par l'employeur allant dans le sens contraire, il convient de dire que l'activité réelle de la Société est la fabrication de statuette « santon » en argile donc en terre, que cette activité correspond au code APE 26.2.A, de faire application de la Convention collective de la céramique d'art dans la relation contractuelle entre les parties et de réformer la décision déférée ; que Nicole X... épouse Y..., est donc fondée à réclamer en application de la Convention collective de la céramique d'art (article 0.18) le paiement de la somme de 11.456 € à titre de prime d'ancienneté, concernant une période comprise entre le mois de mars 2001 (5 ans à compter de l'introduction de la présente instance) et l'année 2008 ; que cette prime représente 15 % du salaire de l'intéressée puisque son ancienneté est supérieure à 15 ans ;
ALORS QU'une entreprise ne peut être assujettie à une convention ou à un accord collectif que si elle entre dans la définition, convenue entre les parties, du champ professionnel de cet acte ; qu'il incombe donc aux juges du fond de rechercher, dans la mesure où la référence à l'identification de l'entreprise auprès de l'INSEE n'a qu'une valeur indicative, si l'activité principale de l'entreprise entre bien dans le champ d'application de la convention litigieuse, ce qui implique qu'ils prennent en considération non seulement la matière utilisée, mais également les techniques et modes de fabrication, la nature et de la destination des objets fabriqués ; qu'en se contentant, dès lors, de conclure de la similitude de la matière travaillée que la SARL LES SANTONNIERS D'ART DE PROVENCE, fabriquant de santons, devait être soumise aux dispositions de la Convention collective de la Céramique d'art alors que les activités de santonnier et de céramiste divergeaient tant sur les méthodes de fabrication que sur la destination des objets, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article L.2261-2 ancien article L.132-5-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme Y... et d'avoir condamné la SARL LES SANTONS D'ART DE PROVENCE à lui verser les sommes de 1.319,76 € à titre d'indemnité de préavis, de 3.517,90 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 5.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la salariée sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et invoque à l'appui de sa demande le non-paiement de la prime d'ancienneté ; que de fait, Nicole X..., épouse Y..., a la possibilité de poursuivre la résiliation en cas de manquements par son employeur à ses obligations ; que le manquement invoqué doit être d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire demandée ; qu'en l'occurrence, le non-paiement de la prime d'ancienneté remplit cette exigence dans la mesure où l'employeur n'a pas exécuté l'une de ses obligations pendant une longue période et pour un montant élevé ;que certes, il a pu estimer ne pas être lié par la convention collective et a réglé par ailleurs l'intégralité du salaire qu'il estimait devoir à son ouvrière ; que néanmoins, force est de constater que la salariée a, durant l'exécution de son contrat, revendiqué le paiement de ladite prime et ce à plusieurs reprises ; que l'employeur aurait du être alerté par les propres mentions qu'il faisait figurer sur les bulletins de salaire de Nicole Y... en notant que son entreprise dépendait du code 26.2.4. ; que la faute grave de l'employeur n'est pas établie mais il y a lieu de retenir à son encontre un manquement suffisamment important pour entraîner une résiliation à ses torts ; que dans ces conditions, il convient d'accueillir la demande de Nicole Y..., de réformer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille sur ce point et de prononcer la rupture au jour du prononcé du présent arrêt ; que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit à Nicole X... épouse Y... de percevoir les indemnités de rupture ; que compte tenu de son salaire et de son ancienneté, il sera alloué à la salariée les sommes suivantes : indemnité compensatrice de préavis, 1.319,76 €, indemnité conventionnelle de licenciement, 3.517, 90 €, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5.000 € ;
ALORS, D'UNE PART, QUE ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen, par application de l'article 625 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART (et subsidiairement), QUE les juges du fond doivent impérativement constater, pour pouvoir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié, l'existence de manquements graves de l'employeur à ses obligations ; que la Cour d'appel qui, alors qu'elle constatait que la faute grave de la SARL LES SANTONS D'ART DE PROVENCE n'était pas établie, a néanmoins prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme Y..., n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé en conséquence les dispositions de l'article L.1231-1 ancien article L.122-4 du Code du travail ;
ET ALORS, ENFIN, QUE le non paiement d'une prime conventionnelle d'ancienneté justifié par la conviction que l'employeur a, de bonne foi, pu avoir de ce que ladite convention collective ne lui était pas applicable, conviction renforcée par le fait que l'organisation patronale dont il était adhérent considérait elle même que la profession n'était pas soumise à ce texte, ne saurait constituer un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un de ses salariés ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a une nouvelle fois violé les dispositions de l'article L.1231-1 ancien article L.122-4 du Code du travail.