LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 février 2009), que le 27 juillet 2000, les époux X... se sont rendus cautions solidaires envers la BNP Paribas (la banque) des engagements de la société GST ; que cette société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque les a assignés, le 3 octobre 2002, en exécution de leur engagement ; que devant la cour d'appel, M. et Mme X... ont opposé la nullité des actes de caution ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à la banque une certaine somme après avoir déclaré irrecevable leur demande en nullité des actes de caution, alors, selon le moyen, que la partie qui a perdu, par l'expiration du délai de prescription, le droit d'intenter l'action en nullité d'un acte juridique peut, à quelque moment que ce soit, se prévaloir de cette nullité contre celui qui prétend tirer un droit de l'acte nul aussi longtemps qu'il n'a pas encore été exécuté ; qu'en accueillant la fin de non-recevoir tirée de la prescription que la banque avait opposée à la nullité du cautionnement que les époux X... avaient opposée par voie d'exception, en défense à la demande formée à leur encontre, bien que cet acte n'ait pas encore été exécuté, la cour d'appel a violé les articles 1304 et 2262 du code civil, ensemble le principe selon lequel l'exception de nullité est perpétuelle ;
Mais attendu que l'arrêt retient exactement que la règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ne s'applique que si l'action en exécution de l'obligation litigieuse est introduite après l'expiration du délai de prescription ; qu'ayant constaté que la prescription de l'action en nullité n'avait commencé à courir , selon les différentes causes de nullité alléguées, que les 27 juillet 2000, 28 décembre 2000, et 4 janvier 2001, la cour d'appel, qui a relevé que le délai pour agir, par voie d'action, en nullité des obligations de caution n'était pas expiré lorsque la banque avait demandé, par assignation du 3 octobre 2002, l'exécution de ces obligations, en a exactement déduit que l'exception de nullité soulevée par les époux X..., pour la première fois par conclusions du 27 octobre 2008, était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les époux X... à payer à la société BNP Paribas la somme de 548.816 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2002 après avoir déclaré irrecevable le moyen que les époux X... tiraient, par voie d'exception, de la nullité de l'acte de cautionnement du 27 juillet 2000 ;
Aux motifs que les époux X... soulèvent, pour la première fois par conclusions du 27 octobre 2008, la nullité de leur engagement de caution ; qu'ils soutiennent, d'un côté, que leur consentement a été vicié par une violence économique et par une réticence dolosive de la BNP Paribas, d'un autre côté, qu'en mettant fin à ses concours la banque a privé de cause leur obligation ; que la BNP Paribas oppose la prescription quinquennale de l'action en nullité édictée à l'article 1304 du Code civil ; que la prescription a commencé à courir au jour de la souscription de l'engagement, soit le 27 juillet 2000, quant au grief de violence économique, et au jour de la rupture des concours bancaires, soit le 4 janvier 2001, quant au grief d'absence de cause ; qu'à l'égard du grief de réticence dolosive, tiré de la dissimulation par la BNP Paribas de ce qu'elle aurait eu connaissance, lors de la souscription des cautionnements, d'une part, de l'impossibilité pour GST de faire face au remboursement du prêt de 3 millions de francs, d'autre part de l'intention de sa filiale BNP Factor de rompre le concours d'affacturage, la prescription court à compter de la découverte du dol prétendu ; que cette découverte ne peut être fixée au jour de la remise du rapport de l'expertise officieuse confiée par les époux X... à Monsieur Y..., puisque ce document ne fait nullement mention des faits invoqués au soutien de la cause de nullité ; que dès lors, en l'absence de toute autre circonstance, c'est à la date à laquelle la rupture du concours d'affacturage et l'insolvabilité de GST sont nécessairement apparus, soit au 28 décembre 2000, jour de la déclaration de cessation des paiements, que court la prescription ; qu'or, le délai pour agir, par voie d'action, en nullité des obligations de caution n'avait pas expiré lorsque la banque a demandé, par assignation en paiement du 3 octobre 2002, l'exécution de ces obligations ; qu'il en résulte que la demande en nullité des époux X..., même formée par voie d'exception, devait être opposée dans le délai de la prescription quinquennale, la règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ne s'appliquant que si l'action en exécution de l'obligation litigieuse est introduite après l'expiration de ce délai ; qu'ainsi, la demande en nullité formée le 21 octobre 2008 est irrecevable pour avoir été présentée hors le délai de la prescription quinquennale qui a commencé à courir, au regard des causes de nullité alléguées, respectivement les 27 juillet 2000, 28 décembre 2000 et 4 janvier 2001 ;
Alors que la partie qui a perdu, par l'expiration du délai de prescription, le droit d'intenter l'action en nullité d'un acte juridique peut, à quelque moment que ce soit, se prévaloir de cette nullité contre celui qui prétend tirer un droit de l'acte nul aussi longtemps qu'il n'a pas encore été exécuté ; qu'en accueillant la fin de nonrecevoir tirée de la prescription que la société BNP Paribas avait opposée à la nullité du cautionnement que les époux X... avaient opposée par voie d'exception, en défense à la demande formée à leur encontre, bien que cet acte n'ait pas encore été exécuté, la Cour d'appel a violé les articles 1304 et 2262 du Code civil, ensemble le principe selon lequel l'exception de nullité est perpétuelle ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux X... de leur demande tendant à voir condamner la société BNP Paribas à leur verser des dommages et intérêts pour avoir manqué à son obligation de loyauté et de les avoir condamnés à payer à la société BNP Paribas la somme de 548.816 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2002 ;
Aux motifs propres que les époux X... soutiennent que le 30 mai 2000, la BNP Paribas a commis une faute en rejetant des ordres de paiement, à la suite d'une erreur de ses services, ainsi qu'elle en a fait l'aveu auprès de la Banque de France et qu'il en est résulté une dégradation de la cotation de l'entreprise et une perte du crédit fournisseur ; qu'ils prétendent que ce n'est que pour tenter «d'atténuer et de diluer les conséquences de sa faute» que la BNP Paribas a proposé un prêt de 3 millions de francs « destiné à réparer son erreur », alors même que la banque savait que ce financement était dépourvu de viabilité, la société se trouvant à la date de l'octroi du concours dans une situation irrémédiablement compromise ; qu'enfin, ils font valoir que la BNP Paribas, qui agissait de concert avec la BNP Factor, était informée de la volonté de cette dernière de mettre fin au financement par affacturage ; qu'ils en infèrent que la responsabilité de la BNP Paribas est engagée à raison de manquements contractuels à la loyauté et à la bonne foi ; mais que les griefs formulés par les époux X... ne sont nullement établis et sont même contredits par les pièces qu'ils produisent ; que c'est ainsi que l'allégation selon laquelle des difficultés de trésorerie auraient été provoquées par les incidents de paiement du 30 mai 2000 n'est pas démontrée ; que les époux X... se bornent, en effet, à produire un tableau chiffré faisant mention d'une diminution du crédit fournisseur sans aucune indication quant à son auteur ; qu'au surplus, l'expert judiciaire Y... qu'ils ont sollicité pour conforter leur défense dans l'action en comblement de passif social introduite à leur encontre ne fait même pas mention de ces incidents de paiement dans son analyse sur l'origine des difficultés de GST ; qu'en outre, il est établi par de nombreuses lettres adressées en juillet, aout et septembre 2000 par Monsieur X... à la BNP Paribas que c'est à la demande expresse de la société GST et non sur l'initiative de la banque, qu'un crédit de 3 millions de francs a été consenti le 29 septembre, ce concours s'inscrivant dans le contexte d'une réorientation vers les activités de maintenance et de la recherche d'un partenaire financier susceptible d'entrer au capital social ; qu'il doit également être relevé que Monsieur X..., qui représentait GST auprès des organismes de crédit dont il était le seul interlocuteur alors même que son emploi était qualifié de directeur technique, se comportait dans toutes les correspondances produites aux débats comme une personne ayant une pleine conscience de la situation économique et financière de l'entreprise, dont il fixait lui-même la stratégie de développement et qu'il considérait comme sa seule propriété (cf. la lettre adressée par Monsieur X... le 6 juillet 2000 à la BNP Paribas «je suis, bien entendu, prêt à recevoir dans les meilleurs délais la visite de votre ingénieur conseil pour valider notre positionnement et nos chiffres, et suis également prêt à assurer en contrepartie le maintien de mon apport en compte courant de 2 millions de francs et à nantir l'intégralité du capital de ma société en faveur de votre banque ») ; que Monsieur X... était ainsi, comme son épouse titulaire de la fonction de président du conseil d'administration, une caution avertie ; qu'il s'en infère que les époux X..., qui ne démontrent pas que la BNP Paribas disposait, sur la situation de GST et sur ses perspectives de développement d'informations dont ils n'avaient pas eux-mêmes connaissance, ne sont pas fondés à lui reprocher l'octroi de concours qu'ils ont eux-mêmes sollicités ; qu'enfin, il n'est produit aucun élément de preuve au soutien de l'allégation selon laquelle la BNP Paribas aurait été informée, lors de la souscription de l'engagement de caution ou lors de l'octroi des concours, de la volonté supposée de la BNP Factor de mettre fin à la convention d'affacturage ; qu'il suit de ces motifs que la demande en paiement de dommages et intérêts à raison de manquements prétendus à la loyauté et à la bonne foi contractuelle, ne peut qu'être rejetée ;
Et aux motifs repris des premiers juges que la banque verse aux débats l'ensemble des documents établissant qu'elle est créancière de la société GST au titre du solde impayé du compte courant et de l'impayé de crédit de trésorerie ; qu'elle a bien régulièrement produit sa créance auprès de Maître Z..., représentant des créanciers, selon lettres recommandées avec accusé de réception des 5 et 13 mars 2001 avec transmission des bordereaux et pièces justificatives, à hauteur de 399.745,36 euros à titre privilégié en vertu du nantissement sur le fonds de commerce, en raison du solde débiteur du compte courant de GST près de l'agence d'Antibes n° 203.142/11, 457.357,05 euros à titre chirographaire, en raison de l'impayé du total du crédit de trésorerie du même montant octroyé le 20/09/2000 et contre garantie par un billet à ordre créé le 20/12/2000, 3.048,98 euros à titre chirographaire, en raison de la mise à disposition de fonds par la banque en qualité de caution ; que les époux X... se sont notamment portés cautions solidaires sans limitation de durée pour un montant maximum de 548.816 euros garantissant les sommes dues en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires par la société GST à BNP Paribas ; qu'ils ont vainement été mis en demeure par lettres recommandées avec accusé de réception du 27/08/2002 d'avoir à exécuter leur engagement en l'état de la liquidation judiciaire de la société cautionnée ; que par conséquent, l'établissement bancaire est fondé à solliciter leur condamnation au paiement de la somme de 548.816 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3/10/2002, date de l'assignation par application de l'article 1153 alinéa 3 du Code civil ;
Alors, de première part, que manque à son obligation d'information et commet une faute le banquier qui omet d'alerter les cautions, fussentelles dirigeantes ou associées, sur l'étendue de leurs engagements ; qu'en décidant le contraire, motif pris de ce que Monsieur et Madame X... étaient dirigeants et associés de la société GST, les juges du fond ont violé les articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil ;
Alors, de seconde part, que faute d'avoir recherché si la société BNP Paribas n'avait pas commis une faute en exigeant des cautions, fussent-elles dirigeantes ou associées, des engagements sans rapport de proportion avec leurs possibilités financières, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil ;