La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2010 | FRANCE | N°09-11586

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 février 2010, 09-11586


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que par un acte du 25 novembre 2002, dénommé "protocole d'accord", MM. X..., Y... et Z..., titulaires de l'intégralité des actions représentant le capital de la société Finlace, ayant pour filiale la société Lace Clipping qui détenait elle-même le contrôle des sociétés TFS et LDF, spécialisées dans la finition dentellière, se sont obligés à vendre ces titres à la société Holesco qui s'est obligée à les acquérir ; que les actions étaient rÃ

©parties en deux lots A et B, la cession des actions de catégorie B devant avoir li...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que par un acte du 25 novembre 2002, dénommé "protocole d'accord", MM. X..., Y... et Z..., titulaires de l'intégralité des actions représentant le capital de la société Finlace, ayant pour filiale la société Lace Clipping qui détenait elle-même le contrôle des sociétés TFS et LDF, spécialisées dans la finition dentellière, se sont obligés à vendre ces titres à la société Holesco qui s'est obligée à les acquérir ; que les actions étaient réparties en deux lots A et B, la cession des actions de catégorie B devant avoir lieu le 31 décembre 2005 ; qu'il était convenu que le prix provisoire des actions B serait majoré d'un premier complément de prix si, jusqu'au 31 décembre 2006, la société Brunet dentelles, dont les cédants étaient indirectement actionnaires, avait poursuivi ses relations commerciales exclusivement avec les filiales de la société Lace Clipping aux mêmes conditions que celles en vigueur et avait confié tous ses travaux de finition de dentelles aux sociétés LDF et TFS, lesquelles devraient avoir fourni un niveau de prestation identique, un second complément de prix étant dû si la moyenne des résultats nets des sociétés LDF et TFS au titre des exercices 2002 à 2007 était au moins égale à 452.943 euros, le montant de ce dernier complément de prix devant être réduit selon un tableau annexé à l'acte en fonction de la moyenne des résultats effectivement réalisés ; que l'acte de cession stipulait encore qu'en cas de désaccord entre les cédants et le cessionnaire sur le calcul du prix de cession des actions et en particulier sur l'appréciation de la poursuite des relations commerciales ou sur le résultat des sociétés LDF et TFS, et par voie de conséquence sur l'exigibilité et sur le montant du complément de prix, le différend serait tranché par la société KPMG, désignée "en qualité de mandataire commun conformément aux dispositions de l'article 1592 du code civil" ; qu'il était précisé que l'expert aurait trois mois pour se prononcer et que sa décision lierait définitivement les parties ; que la société KPMG, requise par les parties, a établi un "rapport de mission d'expertise" aux termes duquel elle constatait que la société Brunet dentelles n'avait pas, pendant la période visée par le contrat, réservé l'exclusivité de ses travaux de finition de marchandises aux sociétés LDF et TFS et que la moyenne des résultats de ces dernières ressortait à un seuil inférieur à l'objectif de 452 943 euros ; qu'elle proposait cependant de fixer le total des compléments de prix à la moitié de la somme convenue en cas de réalisation des conditions contractuellement prévues ; que, faisant valoir que le protocole d'accord contenait une clause compromissoire et que le rapport du représentant de la société KPMG constituait une sentence arbitrale, la société Holesco a déclaré faire appel de celle-ci ; que MM. X... et Y... ont conclu à l'irrecevabilité de l'appel au motif que la décision du tiers estimateur mandaté par les parties en application de l'article 1592 du code civil n'était pas susceptible de recours ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt d'avoir infirmé "la sentence arbitrale" du chef du premier complément de prix et d'avoir ainsi écarté leur moyen d'irrecevabilité, alors, selon le pourvoi, que dans le protocole d'accord du 25 novembre 2002, MM. X... et Y..., M. Z... et la société Holesco ont exclu le recours à l'arbitrage en prévoyant expressément que "toutes contestations s'élevant entre les signataires des présentes, à l'occasion de l'application ou de l'interprétation des présentes, seront soumises en premier ressort à un conciliateur … (qui s'efforcera) de faire accepter par les parties, une solution amiable …. Faute de conciliation acceptée par les Parties au litige, celui-ci est soumis à la juridiction du tribunal compétent" (Protocole d'accord, clause B/ litiges – contestations, pages 16 et 17) ; qu'il résulte ainsi des termes du protocole d'accord que toute contestation relative à son application et interprétation devait être soumis au juge étatique ; qu'en qualifiant néanmoins la clause de fixation de prix de clause compromissoire et le rapport de mission d'expertise de sentence arbitrale et en déclarant en conséquence l'appel du rapport de mission d'expertise recevable, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1592 du code civil et les articles 1442 et suivants du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que MM. X... et Y... ont soutenu qu'il résultait des termes de l'acte du 25 novembre 2002 que les parties avaient exclu le recours à l'arbitrage ; que nouveau et mélangé de fait et de droit, le moyen est irrecevable ;
Mais sur la deuxième branche du moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour dire que le recours exercé par la société Holesco entre dans les prévisions de l'article 1483 du code de procédure civile, l'arrêt retient que la clause du protocole d'accord désignant le cabinet KPMG en qualité d'expert, qui fait improprement référence à l'article 1592 du code civil, constitue bien une clause compromissoire donnant mission à l'arbitre, non pas de fixer la valeur des titres vendus, mais de trancher les différends qui opposeraient les parties ; qu'il constate que les parties ont précisément défini le prix unitaire des actions de chaque catégorie ainsi que le montant des ajustements possibles dans certaines circonstances caractérisées à l'acte ; qu'il précise qu'ainsi, la mission conférée à l'arbitre n'a pas pour objet de chiffrer des valeurs sur lesquelles les parties se sont déjà accordées, mais de soumettre à son estimation, pour les résoudre, les litiges qui naîtraient entre elles d'une divergence de vues sur la réalisation des conditions régissant l'application des compléments de prix et défalcation de créance stipulés au contrat ; que l'arrêt relève encore qu'il est indifférent à cet égard que les parties soient convenues, suivant un tableau annexé au protocole, d'adapter le deuxième complément de prix, payable en trois tranches, en l'indexant sur la moyenne des résultats effectivement réalisés lors de l'année concernée ; que l'arrêt ajoute que la sentence rendue par le représentant de la société KPMG, quoique présentée sous la forme et l'intitulé d'un "rapport de mission d'expertise", décide bien d'une contestation dont la cause, aux dires de cet arbitre, résidait dans l'imperfection du protocole signé par les parties ; que l'arrêt ajoute encore que la mention insérée au compromis, selon laquelle la décision de l'arbitre liera définitivement les parties, renvoie les cocontractants à l'autorité de la chose jugée dont la sentence arbitrale est assortie et qu'à défaut de plus amples développements, il ne saurait s'induire de cette seule énonciation que les parties auraient eu la volonté non équivoque de renoncer à l'appel ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le tiers désigné par les parties avait reçu de celles-ci mission, non d'exercer un pouvoir juridictionnel mais de procéder sur des éléments de fait à un constat s'imposant aux parties, lesquelles en avaient préalablement tiré les conséquences juridiques, peu important que l'intervention de ce tiers fût soumise à la constatation d'un désaccord entre les cocontractants relativement à ces éléments, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat et violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable le recours formé par la société Holesco ;
La condamne aux dépens et met, en outre, à sa charge ceux afférents à l'instance devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette tant les demandes présentées devant la cour d'appel que celle formée par la société Holesco devant la Cour de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils, pour MM. X... et Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé la prétendue «sentence arbitrale» attaquée du chef du premier complément de prix, écartant ainsi le moyen d'irrecevabilité soulevé par les exposants et Monsieur Z... ;
AUX MOTIFS QUE «sur la recevabilité de l'appel, que la clause du protocole d'accord qui désigne le Cabinet KPMG en qualité d' «expert» constitue bien, comme le relève la société HOLESCO, une clause compromissoire donnant mission à l'arbitre, non pas de fixer la valeur des titres vendus, mais de trancher les différends qui opposeraient les parties ; qu'il en est ainsi quand bien même la convention d'arbitrage fait improprement référence à l'article 1592 du Code civil qui permet aux cocontractants de confier à un mandataire commun le soin de déterminer le prix de vente ; de fait, les Consorts X... et autres et la Société HOLESCO ont, dans leur compromis, précisément défini le prix unitaire des actions cédées de 1.732,39 € pour la catégorie A et de 3.811,23 € pour la catégorie B, ainsi que le montant des ajustements possibles dans certaines circonstances caractérisées à l'acte ; ainsi la mission conférée à l'arbitre n'a pas pour objet de chiffrer des valeurs sur lesquelles les parties se sont déjà accordées, mais de soumettre à son estimation, pour les résoudre, les litiges qui naîtraient entre elles d'une divergence de vue sur la réalisation des conditions régissant l'application des compléments de prix et défalcation de créance stipulés au contrat ; il est indifférent à cet égard que les parties soient convenues, suivant un tableau annexé au protocole, d'adapter le deuxième complément de prix, payable en trois tranches de 152.449 € chacune à échéance de la fin du mois de février des années 2006, 2007 et 2008, en l'indexant sur la moyenne des résultats effectivement réalisés lors de l'année concernée ; à titre d'exemple il est indiqué à l'acte que « si la moyenne des résultats au 31 décembre 2005 (exercices 2002 à 2005) est égale à 400.000 €, le complément qui sera versé en fin février 2006 sera de 76.215 € » ; cette réduction possible du complément de prix conçue «afin d'éviter tout effet couperet» évolue sur une relation linéaire dont les conséquences chiffrées, déduites d'une base de calcul pré-déterminée, sont exclusives de l'estimation d'un nouveau prix ; la sentence rendue par Stéphane A..., quoique présentée sous la forme et l'intitulé d'un «rapport de mission d'expertise», décide bien d'une contestation dont la cause, aux dires de cet arbitre, résiderait dans l'imperfection du protocole signé par les parties ; la mention insérée au compromis, selon laquelle la décision de l'arbitre liera définitivement les parties, renvoie les cocontractants à l'autorité de la chose jugée dont la sentence arbitrale est assortie en vertu de l'article 1476 du Code de procédure civile ; qu'à défaut de plus amples développements, il ne saurait s'induire de cette seule énonciation que les consorts X... et autres aient eu la volonté non équivoque de renoncer à l'appel ; le recours exercé par la société HOLESCO entre par conséquent dans les prévisions de l'article 1483 du Code de procédure civile qui dispose que la sentence arbitrale est susceptible d'appel à moins que les parties n'aient renoncé à l'appel dans la convention d'arbitrage ; le moyen d'irrecevabilité soulevé par les consorts X... et autres doit donc être écarté» (Arrêt pages 3 - 4) ;
ALORS D'UNE PART QUE dans le protocole d'accord du 25 novembre 2002, les exposants, Monsieur Z... et la société HOLESCO ont exclu le recours à l'arbitrage en prévoyant expressément que «toutes contestations s'élevant entre les signataires des présentes, à l'occasion de l'application ou de l'interprétation des présentes, seront soumises en premier ressort à un conciliateur … (qui s'efforcera) de faire accepter par les parties, une solution amiable …. Faute de conciliation acceptée par les Parties au litige, celui-ci est soumis à la juridiction du tribunal compétent» (Protocole d'accord, clause B/ LITIGES – CONTESTATIONS, pages 16 et 17) ; qu'il résulte ainsi des termes du protocole d'accord que toute contestation relative à son application et interprétation devait être soumis au juge étatique ; qu'en qualifiant néanmoins la clause de fixation de prix de clause compromissoire et le rapport de mission d'expertise de sentence arbitrale et en déclarant en conséquence l'appel du rapport de mission d'expertise recevable, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1592 du Code civil et les articles 1442 et suivants du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE constitue une clause de fixation de prix au sens de l'article 1592 du Code civil la stipulation qui donne à un tiers le pouvoir de fixer à la place des parties le prix de la vente ; que si ce tiers ne peut porter une appréciation en droit il a néanmoins le pouvoir de statuer sur les désaccords des parties portant sur les éléments de fait, sans que la clause puisse être requalifiée de clause compromissoire ; qu'en l'espèce, la clause litigieuse prévoyait expressément l'intervention d'un tiers en cas de «désaccord entre les Cédants et le Cessionnaire» sur «le calcul du prix de cession des actions», sur «l'appréciation de la poursuite des relations commerciales», sur «le résultat des sociétés LDF et TFS» et sur «l'exigibilité et sur le montant du complément du prix» (Protocole d'accord page 13, § 5) ; qu'il s'agit clairement de questions de fait et qu'aucune appréciation en droit n'était nécessaire pour résoudre le litige ; qu'en requalifiant néanmoins, malgré la référence expresse à l'article 1592, la stipulation litigieuse de clause compromissoire, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1592 du Code civil, ensemble les articles 1442 et suivants du Code de procédure civile.
ALORS ENFIN QU' une disposition contractuelle doit être qualifiée de clause de fixation de prix au sens de l'article 1592 du Code civil, si elle confère au tiers qu'elle désigne, le pouvoir de fixer à la place des parties par une décision définitive un élément du contrat liant les parties ; qu'en l'espèce, le tiers désigné avait expressément pour mission de parfaire le protocole d'accord comme mandataire commun des parties en définissant, à leur place, une des conditions de la cession des actions, à savoir le montant exact dû par le cessionnaire ; qu'en qualifiant néanmoins la stipulation litigieuse de clause compromissoire, la Cour d'appel a dès lors violé les articles 1134 et 1592 du Code civil et les articles 1442 et suivants du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé la prétendue «sentence arbitrale» attaquée du chef du premier complément de prix, et d'avoir débouté les exposants, comme non fondés, de leur demande en paiement du premier complément du prix de cession des actions de catégorie B de la Société FINLACE, formée contre la société HOLESCO ;
AUX MOTIFS QUE «sur le premier complément de prix, qu'il n'est pas contesté que, pour les travaux de finition de dentelles, la société BRUNET DENTELLES n'a pas réservé l'exclusivité de ses relations commerciales aux sociétés LDF et TFS pendant la période courue du jour de la cession de la société FINLACE jusqu'au 31 décembre 2006 ; les sociétés TFS et LDF étaient spécialisées, la première dans le rasage et le découpage et, la seconde, dans l'écaillage de dentelles ; que suivant le protocole d'accord ces deux entreprises avaient réalisé respectivement au cours de l'exercice 2001 27% et 82 % de leur chiffre d'affaires avec la société BRUNET DENTELLES ; si de septembre 2003 à juillet 2004 celle-ci et la société FINLACE ont échangé de nombreux courriers dans lesquels la première se plaignait de l'insuffisance de production et de retards imputables à la société LDF, les difficultés dont il est ainsi question se reliaient à la passation par la société BRUNET DENTELLES d'un marché d'une ampleur exceptionnelle avec une société VICTORIA SECRET, dont les quantités excédaient le volume des commandes habituelles du fournisseur ; Marcelle B..., épouse C..., alors chef d'atelier écaillage au sein de la société LDF explique à ce sujet, dans une attestation produite par la société HOLESCO que l'écaillage est la dernière étape de finition avant l'expédition de la dentelle destinée à la lingerie ; les retards accumulés dans la chaîne des interventions successives se répercutaient sur cette phase ultime qui doit toujours être exécutée «dans l'urgence» ; la commande de la société VICTORIA SECRET revêtait l'importance d'une «commande historique» ; la société LDF a alors traité la totalité de la production »Jacquardtronic et textrinoc» et, dans la mesure où elle le pouvait, «le leavers», le surplus de la commande étant confiée par la société BRUNET DENTELLES, à d'autres fournisseurs» ; pour faire face au surcroît de travail, les heures d'ouverture de l'atelier de la société LDF ont été augmentées et les effectifs du personnel renforcés ; le témoin précise encore que, postérieurement à l'exécution du marché « Victoria Secret » «Brunet n'a plus voulu nous confier ses nouveautés et m'a signifié son intention et sa volonté de garder plusieurs sous-traitants contrairement aux accords qu'il s'était engagé à respecter ; Georges D..., responsable depuis 1996 de la société LACE CLIPPING, atteste quant à lui que la commande «VICTORIA SECRET», en 2003, a exigé la mise en oeuvre de moyens exceptionnels ; les fournitures à traiter, alors qu'elles étaient attendues dans le premier trimestre, n'ont été finalement livrées qu'au mois de mai suivant ; sous ce rapport, si la correspondance de la société BRUNET DENTELLES pressait invariablement la société LDF d'augmenter la cadence de ses prestations, en retour la société LDF faisait elle-même observer le 27 avril 2004 à la société BRUNET DENTELLES qu'ayant mis en place les moyens nécessaires au traitement d'une importante commande, le volume de marchandises annoncé tardait cependant à lui parvenir et qu'elle avait enregistré « une baisse du volume régulier » qui l'avait contrainte à se séparer d'un personnel qu'elle avait spécialement formé pour cette activité ; il s'évince des éléments ci-avant rapportés que l'exécution du marché « VICTORIA SECRET » représentait une conjoncture exceptionnelle ; partant la société BRUNET DENTELLES n'a pu valablement tirer argument des difficultés rencontrées dans ces circonstances par la société LDF pour s'adresser à une autre entreprise prestataire ainsi que le protocole du 25 novembre 2002 l'estimait légitime au cas où les filiales de la société FINLACE se révéleraient incapables de maintenir, pour le traitement de ses commandes, un niveau de prestation identique à celui précédemment en vigueur ; les consorts X... et autres reconnaissaient dans leurs écritures que postérieurement au marché « VICTORIA SECRET » il n'y avait pas eu « une reprise immédiate et totale des relations commerciales » entretenues précédemment par la société BRUNET DENTELLES et les sociétés LDF et TFS ; de plus, pendant le deuxième semestre de l'année 2005, la Société BRUNET DENTELLES faisait l'acquisition d'une machine WARCUP 330 afin d'assurer elle-même le découpage des dentelles produites par les métiers Jacquardtronic et Textronic KARL MAYER de la nouvelle génération, plus larges que les anciens, au traitement desquelles les équipements de la société TFS n'étaient pas adaptés ; aux dires de l'ancien directeur technique de la société BRUNET DENTELLES, Jacques F..., cette machine reçue en octobre 2005, a été «opérationnelle» en mars 2006 ; c'est effectivement en 2005 et 2006 que le chiffre d'affaires réalisé par les sociétés TFS et LDF avec leur client BRUNET DENTELLES a décru de manière sensible, passant de 365.028,40 € en 2004 à 296.724,01 € puis 213.314,12 € en 2005 et 2006 pour la société TFS, et de 1.146.104,22 € en 2004 à 669.253,65 € puis 405.335,64 € en 2005 et 2006 pour la société LDF ; sur l'interpellation de la société LACE CLIPPING qui demandait à la société BRUNET DENTELLES de lui confirmer que, ayant à présent son propre secteur de découpage Jacquard, elle ne lui remettrait plus à l'avenir de pièces de ce type à traiter, cette société répondait le 14 mars 2006 qu'assurément elle ne lui confierait plus désormais d'articles Jacquard à découper, à moins de circonstances exceptionnelles telles par exemple qu'une panne de machine ; il s'évince de ce qui précède que la première condition tenant à la poursuite des relations commerciales de BRUNET DENTELLES avec les filiales de LACE CLIPPING exclusivement, et leur maintien dans des termes analogues à ceux précédemment existants, n'a pas été satisfaite ; vainement les consorts X... et autres se prévalent-ils du témoignage de Serge H..., ancien « responsable services clients » au sein de la société BRUNET DENTELLES, qui relate qu'en 2003, 2004 et 2005, s'étant déplacé dans les locaux de LDF et TFS, il y avait remarqué que la quasi-totalité des machines étaient réquisitionnées pour les productions d'HALETTE (une filiale du groupe HOLESCO) et que, en raison de la préférence donnée à ce client, « les productions de BRUNET DENTELLES étaient en attente de traitement, stockées sur des chariots » ; en effet, les correspondances expédiées par la société BRUNET DENTELLES entre 2003 et 2006 ne contiennent aucune doléance quant au sort injuste que la société FINLACE lui aurait réservé en négligeant ses commandes au profit d'une entreprise tierce à laquelle les sociétés TFS et LDF se seraient trouvées unies d'intérêts ; de surcroît les consorts X... et autres à qui le protocole d'accord faisait obligation d'infirmer par écrit la société HOLESCO de l'intention de la société BRUNET DENTELLES de s'adresser à d'autres prestataires au cas où les sociétés LDF et TFS ne répondraient plus à ses demandes, ne justifiaient pas avoir observé cette formalité dont l'accomplissement devait être préalable au choix d'un nouveau sous-traitant ; qu'ils se sont donc abstenus d'expédier un courrier où ils auraient pu sommer leur cocontractante d'avoir à faire cesser les prétendus actes de favoritisme dont bénéficiait à leur détriment la société HALLETTE ; la preuve n'est pas conséquent pas rapportée que le relâchement des relations commerciales nouées par la société BRUNET DENTELLES avec les sociétés LDF et TFS soit imputable à ces dernières ; c'est dès lors avec raison que la société HOLESCO prétend être aujourd'hui exonérée du premier complément de prix» (Arrêt, pages 4 à 7).
ALORS D'UNE PART QU' il résulte du protocole d'accord du 25 novembre 2002 que «le cessionnaire versera le 31 décembre 2006 aux Cédants un complément de prix …. si jusqu'à cette date la société BRUNET DENTELLES a poursuivi ses relations commerciales exclusivement avec les filiales de la société LACE CLIPPING aux mêmes conditions que celles en vigueur, et a confié tous ses travaux de finition de dentelle aux sociétés LDF et TFS, lesquelles devront avoir fourni un niveau de prestation identique. Toutefois, si les filiales de LACE CLIPPING ne peuvent répondre aux demandes de BRUNET DENTELLES (en particulier respect des délais, exigences particulières), BRUNET DENTELLES pourra s'adresser à un autre prestataire sous réserve d'en informer préalablement le Cessionnaire par écrit» (Protocole d'accord page 11, § 7) ; qu'il résulte des propres constatations des juges d'appel que la société BRUNET DENTELLES se plaignait, à compter de septembre 2003 de l'insuffisance de production et de retards imputables à la société LDF et que celle-ci avait effectivement rencontré des difficultés pour honorer les commandes (Arrêt page 5, §§ 1 et 2) ; qu'en décidant néanmoins que la société BRUNET DENTELLES ne pouvait pas «valablement tirer argument des difficultés rencontrées par la société LDF pour s'adresser à une autre entreprise prestataire ainsi que le protocole du 25 novembre 2002 l'estimait légitime» en raison de la «conjoncture exceptionnelle» (Arrêt page 5, dernier §) cependant que le protocole d'accord ne prévoit aucune exception au droit de la société BRUNET DENTELLES de s'adresser à un autre prestataire en cas de défaillance des sociétés LDF et TFS, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.
ALORS D'AUTRE PART QUE dans leurs conclusions, les exposants faisaient que «Monsieur Olivier Z... a de nouveau été amené à avertir Monsieur I... le 16 mars 2004 pour lui indiquer que si la société LACE CLIPPING ne pouvait pas faire faire à ses commandes, la société BRUNET DENTELLES serait contrainte de «palier à ce manque de capacité en utilisant d'autres sous-traitant» (Conclusions d'appel page 14, §§ 2 et 3) ; que cette lettre de Monsieur Z..., associé de la société BRUNET DENTELLES, et adressée à Monsieur I..., de la société HOLESCO, a été produite aux débats (Bordereau de pièces joint aux conclusions page 37, pièce n° 9) ; qu'en rejetant néanmoins la demande des exposants au motif que les cédants n'auraient pas informé la société HOLESCO de l'intention de la société BRUNET DENTELLES de s'adresser à d'autres prestataires sans rechercher si la lettre du 16 mars 2004 n'informait pas justement la société HOLESCO de cette intention de la société BRUNET DENTELLES, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-11586
Date de la décision : 16/02/2010
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ARBITRAGE - Convention d'arbitrage - Clause compromissoire - Définition - Exclusion - Défaut de pouvoir juridictionnel

Ne constitue pas une clause compromissoire la stipulation d'un contrat de cession d'actions par laquelle les parties ont donné mission au tiers, non d'exercer un pouvoir juridictionnel mais de procéder sur des éléments de fait à un constat s'imposant à elles, peu important que l'intervention du tiers fût soumise à la constatation d'un désaccord entre les cocontractants relativement à ces éléments


Références :

article 1134 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 18 décembre 2008

A rapprocher :2e Civ., 25 mai 1962, pourvoi n° 59-12912, Bull. 1962, II, n° 470 (2) (rejet) ;3e Civ., 4 mars 1998, pourvoi n° 96-16671, Bull. 1998, III, n° 49 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 fév. 2010, pourvoi n°09-11586, Bull. civ. 2010, IV, n° 39
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 39

Composition du Tribunal
Président : Mme Tric (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: M. Le Dauphin
Avocat(s) : SCP Peignot et Garreau, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.11586
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award