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18/12/2008 | FRANCE | N°08DA01872

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des référés, 18 décembre 2008, 08DA01872


Vu la requête, enregistrée sous le n°08DA01872 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 17 novembre 2008, présentée pour la Société à responsabilité limitée X, dont le siège social est ..., représentée par son gérant assisté par son administrateur judiciaire, et pour la Société à responsabilité limitée DEVELOPPEMENT, dont le siège social est ..., représentée par son gérant, par la société d'avocats Huglo, Lepage et associés;

Les Sociétés X et DEVELOPPEMENT demandent à la Cour :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêt

é en date du 29 août 2005 par lequel le préfet du Nord a imposé des prescriptions spéciales ...

Vu la requête, enregistrée sous le n°08DA01872 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 17 novembre 2008, présentée pour la Société à responsabilité limitée X, dont le siège social est ..., représentée par son gérant assisté par son administrateur judiciaire, et pour la Société à responsabilité limitée DEVELOPPEMENT, dont le siège social est ..., représentée par son gérant, par la société d'avocats Huglo, Lepage et associés;

Les Sociétés X et DEVELOPPEMENT demandent à la Cour :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté en date du 29 août 2005 par lequel le préfet du Nord a imposé des prescriptions spéciales pour la poursuite de l'exploitation de l'établissement de recyclage de déchets inertes située à Houplin-Ancoisne, ainsi que de l'arrêté préfectoral de mise en demeure d'avoir à respecter certaines de ces prescriptions, pris le 12 septembre 2006 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les Sociétés X et DEVELOPPEMENT soutiennent :

- que les conclusions qu'elles dirigent à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 29 août 2005 portant prescriptions spéciales ne sont pas tardives, aucun délai de recours contentieux n'ayant pu commencer à courir, compte tenu de ce que la notification de cet acte, qui n'a pas été faite à l'exploitante, la Société X, mais à la Société DEVELOPPEMENT, qui est une entité distincte de celle-ci, n'a pas été régulière ; que les termes mêmes de l'arrêté préfectoral dont s'agit, qui comporte en titre la mention « projet d'arrêté préfectoral », étaient de nature à induire le destinataire de la notification en erreur sur la portée réelle de cette décision ;

- qu'il n'est pas établi que cet arrêté ait été pris par une autorité régulièrement habilitée et sur la base d'un rapport dressé par un inspecteur des installations classées assermenté ;

- que cet arrêté est, en outre, insuffisamment motivé au regard des exigences posées par les articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'en particulier, le rapport de l'inspecteur des installations classées auquel ses motifs font référence n'y a pas été joint et n'a jamais été notifié à l'exploitante ;

- qu'au fond, les prescriptions que cet arrêté a eu pour objet d'imposer à la société exploitante de l'installation d'Houplin-Ancoisne sont excessives, non fondées ou impossibles à respecter qu'il s'agisse des horaires d'autorisation d'accès, de l'obligation d'analyse « HAP métaux lourds », de l'obligation de bâchage des camions, de la limitation de la hauteur des matériaux stockés, de l'obligation de mesurage tous les trois mois par un géomètre expert, de la limitation à 130 du nombre de camions journaliers, de l'obligation d'approvisionnement des matériaux à raison de 30% par voie fluviale, des mesures de limitation des poussières, de la fermeture de l'accès nord et enfin de la limitation à deux mois du stockage des matériaux

- que ces prescriptions créent une rupture d'égalité devant les charges publiques ; qu'en effet, ses concurrents exercent leur activité sans être soumis aux mêmes règles, ce qui crée à son détriment une situation de concurrence déloyale caractérisée par des conditions d'exploitation inéquitables ; que cette situation se conçoit d'autant moins que la Société X recycle tous ses matériaux, ce qui constitue une plus-value environnementale incontestable, tandis que ses concurrents se contentent pour la plupart de les enfouir ; que celle-ci subit de ce chef un préjudice anormal et spécial ;

- que l'arrêté de mise en demeure du 12 septembre 2006 d'avoir à respecter certaines de ces prescriptions est lui-même illégal, par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du

29 août 2005, pour l'application duquel il a été pris, qui n'est pas définitif ; qu'il est ainsi dépourvu de base légale ;

- que cet arrêté de mise en demeure est, en outre, insuffisamment motivé ; que le rapport de l'inspecteur des installations classées auquel ses motifs font référence et qui constitue l'exclusive motivation dudit arrêté, n'y a pas été joint et n'a été communiqué à la Société X que dans le cadre de la procédure contentieuse devant le Tribunal administratif de Lille ;

- qu'il n'est pas établi que cet arrêté ait été pris sur la base d'un rapport dressé par un inspecteur des installations classées assermenté ;

- que cet arrêté n'a pas été pris après mise en oeuvre de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

Les Sociétés X et DEVELOPPEMENT soutiennent, d'autre part, que la condition d'urgence est remplie en l'espèce ; qu'il ressort, en effet, des conclusions d'un rapport commandé par l'administrateur judiciaire de la Société X dans le but de chiffrer les conséquences financières des restrictions d'accès qui lui ont été imposées que celles-ci peuvent être évaluées à la somme globale d'au moins 3 500 000 euros ; qu'elle est en situation de déclaration de cessation de paiements ; qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par jugement du 2 octobre 2008 ; que la société encourt un risque sérieux de mise en liquidation judiciaire; que 93 emplois sont en jeu, des licenciements étant sérieusement envisagés ;

Vu le jugement et les arrêtés attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2008, présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient :

- que les conclusions de la requête au fond des Sociétés X et DEVELOPPEMENT sont, en tant qu'elles sont dirigées contre l'arrêté préfectoral du 29 août 2005, irrecevables comme tardives ; qu'en effet, ledit arrêté a été notifié le 30 août 2005 à l'exploitante et la demande tendant à son annulation n'a été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Lille que le 13 novembre 2006, soit après l'expiration du délai de recours contentieux ouvert à l'exploitant en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement ; que cette irrecevabilité de ces conclusions de la requête d'appel au fond entraîne l'irrecevabilité des conclusions de la requête en référé-suspension dirigées contre ledit arrêté ; qu'en outre, les prescriptions imposées à l'exploitant par cet arrêté ont été exécutées, ce qui rend sans objet les conclusions dont s'agit ;

- qu'à les supposer recevables, ces conclusions tendant à la suspension de l'arrêté préfectoral du 29 août 2005 devront être rejetées ; qu'en effet, aucun des moyens invoqués par les Sociétés X et DEVELOPPEMENT ne sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité dudit arrêté ; qu'à cet égard, ledit arrêté a été pris par une autorité régulièrement habilitée et sur le rapport d'un inspecteur des installations classées assermenté ; que cet arrêté s'avère, en outre, suffisamment motivé tant en droit qu'en fait au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 ; qu'enfin, et alors qu'il est constant que l'installation en cause présentait des inconvénients importants, notamment en raison du trafic routier induit par ses activités et du bruit et des poussières en résultant, qui ont été portés à la connaissance de l'autorité administrative par de nombreuses réclamations des riverains, les Sociétés X et DEVELOPPEMENT ne démontrent, par les éléments qu'elles avancent, ni que les prescriptions spéciales imposées par ledit arrêté ne seraient pas justifiées, ni que le coût de celles-ci serait excessif au regard de l'objectif de protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- que la condition d'urgence n'est pas remplie en l'espèce ; qu'en effet, les prescriptions imposées aux requérantes ont été exécutées ; que les Sociétés X et DEVELOPPEMENT ne sauraient dès lors se prévaloir d'un préjudice grave et immédiat ; qu'aucun élément nouveau de nature à caractériser une situation d'urgence n'est d'ailleurs intervenu depuis le rejet de la demande en référé-suspension que les Sociétés X et DEVELOPPEMENT avaient précédemment présentée devant le juge des référés du Tribunal administratif de Lille ;

- que les conclusions de la requête des Sociétés X et DEVELOPPEMENT sont, en tant qu'elles sont dirigées contre l'arrêté de mise en demeure du 12 septembre 2006, dépourvues d'objet ; qu'en effet, lesdites sociétés ayant mis leur installation en conformité avec les exigences de cet arrêté de mise en demeure, le préfet du Nord l'a abrogé par un arrêté préfectoral du 20 juin 2007 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour et de l'heure de l'audience ;

A l'audience publique, qui s'est ouverte le 15 décembre 2008 à 15h30, ont été entendus :

- M. André Schilte, Président de la Cour, en son rapport;

- Me Balaÿ, pour la société X et la société DEVOPPEMENT.

Vu l'ordonnance en date du 15 décembre 2008 prolongeant l'instruction jusqu'au 17 décembre à 16H30 ;

Vu, enregistrées le 17 décembre 2008 à 10H21 les pièces produites pour les sociétés X et ;

Considérant que la Société à responsabilité limitée X a créé en 1999 une plateforme de criblage, de concassage de béton et d'enrobés routiers et de transit de produits minéraux sur le territoire de la commune d'Houplin-Ancoisne ; que ces installations étaient soumises à la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, sous le régime de la déclaration ; qu'à la suite du dépôt, le 28 avril 1999, du dossier de déclaration y afférent, un récépissé a été délivré à ladite société par le préfet du Nord le 4 octobre 1999 ; que, de nombreuses réclamations de riverains, d'associations et des maires de communes environnantes lui ayant été rapportées, le préfet du Nord a fait effectuer à plusieurs reprises des inspections du site ; que, sur le rapport de l'inspecteur des installations classées, le préfet, estimant que les prescriptions générales imposées à ladite installation n'étaient pas suffisantes pour limiter les inconvénients générés par celle-ci, a imposé, par arrêté du 29 août 2005, des prescriptions spéciales ; que, certaines de ces prescriptions n'ayant pas été respectées, le préfet a pris, le 12 septembre 2006, un arrêté de mise en demeure imposant à l'exploitante de mettre ses installations en conformité avec celles-ci ; que la Société X et la Société DEVELOPPEMENT demandent au juge des référés de la Cour, par la requête sus-analysée, la suspension de l'exécution de ces deux arrêtés ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l' instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (...) » ;

Considérant que, pour rejeter les conclusions présentées par les sociétés requérantes à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 29 août 2005 imposant des prescriptions spéciales pour la poursuite de l'exploitation de l'installation en cause, le Tribunal administratif de Lille a, par son jugement du 9 octobre 2008 statuant sur le fond de l'affaire, estimé que lesdites conclusions étaient irrecevables comme tardives ; que les Sociétés X et DEVELOPPEMENT font valoir, au soutien de la requête d'appel que ledit arrêté n'ayant pas été notifié à la société X, seule titulaire de l'autorisation d'exploiter, et mentionnant par ailleurs qu'il s'agit d'un projet d'arrêté, le délai de recours contentieux n'a pas commencé à courir ;

Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction, , que l'arrêté litigieux a été notifié à « la Société DEVELOPPEMENT, filiale de la Société X » ; que l'article 1er de l'arrêté impose le respect des dispositions édictées par l'arrêté à la société « X » ; que ces deux sociétés ont le même siège social, le même gérant et des objets sociaux et activités étroitement liées ; que la Société DEVELOPPEMENT s'est elle-même présentée à l'égard des tiers, notamment par ses tarifs, et, en particulier, à plusieurs reprises à l'égard de l'administration comme l'exploitante de la plateforme d'Houplin-Ancoisne, en déposant en son seul nom, le 26 juin 2002, à titre de régularisation, une demande d'autorisation, sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, aux fins de poursuivre l'exploitation du site en cause et en communiquant, sous sa seule en-tête, à la préfecture, par télécopie du 18 avril 2005, ses observations préalablement à l'examen du projet d'arrêté portant imposition de prescriptions spéciales par le conseil départemental d'hygiène ; qu'ainsi la notification de l'arrêté doit être regardée comme ayant été régulièrement effectuée à l'égard de la société exploitante ;

Considérant en deuxième lieu que, si l'arrêté litigieux porte, par erreur , sous l'intitulé « arrêté » la mention « projet d'arrêté préfectoral », il comporte, contrairement aux projets d'arrêtés successifs qui ont été notifiés aux sociétés dans le cadre de la procédure contradictoire, la mention du nom du préfet signataire de l'arrêté et l'ampliation du chef de bureau ; qu'en outre, contrairement également aux précédents envois, la lettre du 29 août 2005 de notification de l'arrêté comportait la mention des voies et délais de recours ; qu'ainsi la mention erronée ci-dessus relevée ne saurait avoir été de nature à induire son destinataire en erreur sur le caractère exécutoire dudit arrêté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que les sociétés X et DEVELOPPEMENT ne sont pas fondées à soutenir que les erreurs matérielles qui ont affecté la présentation et la notification de l'arrêté litigieux ont empêché de courir le délai de recours contentieux ; qu'ainsi la demande devant le tribunal administratif de Lille, enregistrée le 13 novembre 2006, à l'encontre de l'arrêté du 29 août 2005 notifié le 30 août 2005 était tardive au regard du délai de recours contentieux de deux mois prévu par les dispositions de l'article L.514-6 du code de l'environnement ;

Considérant enfin qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 20 juin 2007, le préfet du Nord a abrogé l'arrêté de mise en demeure du 12 septembre 2006 dont les sociétés X et DEVELOPPEMENT persistent à demander la suspension devant le juge des référés de la Cour ; que, par suite et ainsi que le fait valoir à juste titre le ministre, les conclusions de la requête en référé-suspension présentée par lesdites sociétés étaient dépourvues d'objet dès l'enregistrement au greffe de ladite requête ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner s'il est satisfait en l'espèce à la condition d'urgence au respect de laquelle est subordonné le prononcé de la suspension demandée, qu'aucun des moyens présentés par les sociétés X et DEVELOPPEMENT n'est, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité des arrêtés en litige ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que les Sociétés X et DEVELOPPEMENT demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

ORDONNE :

Article 1er : La requête en référé-suspension présentée par la Société à responsabilité limitée X et par la Société à responsabilité limitée DEVELOPPEMENT est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Société à responsabilité limitée X, à la Société à responsabilité limitée DEVELOPPEMENT, ainsi qu'au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

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N° 08DA01872 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 08DA01872
Date de la décision : 18/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Avocat(s) : SCP HUGLO LEPAGE et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-12-18;08da01872 ?
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