LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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X... Cédric,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 15 novembre 2007, qui, pour homicide involontaire aggravé et contravention au code de la route, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement dont huit mois avec sursis, 150 euros d'amende, et a prononcé l'annulation de son permis de conduire ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un accident est survenu sur une ligne droite d'une route départementale entre l'automobile conduite par Cédric X... et la motocyclette pilotée par Jonathan Y... ; que ce dernier a été mortellement blessé ; que Cédric X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Tarascon pour homicide involontaire et omission d'avoir serré à gauche alors qu'il s'apprêtait à quitter une route sur sa gauche; que les juges du premier degré l'ont renvoyé des fins de la poursuite aux motifs que les circonstances exactes de cet accident ne pouvaient être déterminées et ont, sur le fondement de l'article 470-1 du code de procédure pénale, renvoyé l'affaire à une date ultérieure pour statuer sur les intérêts civils ; que seul le ministère public e relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et déclarer le prévenu coupable, l'arrêt retient que le prévenu, qui disposait d'une bonne visibilité et d'un important champ de vision, n'a pas serré à gauche sur sa voie de circulation avant de se déporter à gauche et a négligé de regarder dans ses rétroviseurs ou derrière lui ; que les juges ajoutent que ce manquement à une obligation prévue par l'article R. 415-4 du code de la route conjugué à une grave faute d'imprudence est la cause directe de la mort de Jonathan Y... ;
En cet état ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 520 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a infirmé le jugement ayant prononcé la relaxe de Cédric X... des chefs d'homicide involontaire sur la personne de Jonathan Y... par conducteur de véhicule terrestre à moteur et étant conducteur d'un tel véhicule alors qu'il s'apprêtait à quitter une route sur sa gauche, omis de serrer à gauche, renvoyé l'affaire à une audience ultérieure sur les intérêts civils et, statuant à nouveau, a déclaré Cédric X... coupable des chefs de la prévention et statué sur l'action publique ;
"alors que, par application de l'article 520 du code de procédure pénale, lorsque le tribunal a relaxé le prévenu, ce tribunal ne peut, après infirmation de sa décision, être à nouveau saisi ou resté saisi de l'action civile et être ainsi exposé à se trouver en opposition avec le jugement qu'il a rendu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait prononcé la relaxe de Cédric X..., prévenu, et l'a déclaré coupable des faits visés à la prévention, aurait dû évoquer la cause, en ordonnant au besoin la citation des parties civiles pour qu'il soit statué sur les intérêts civils ; qu'en s'abstenant d'évoquer, la cour a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions de l'article 520 du code de procédure pénale en ne statuant que sur l'action publique, dès lors que, d'une part, le jugement n'a pas été annulé pour violation ou omission non réparée de formes prescrites par la loi à peine de nullité et que, d'autre part, seul le ministère public a interjeté appel du jugement de première instance, cette décision ayant fait droit à la demande présentée par les parties civiles sur le fondement de l'article 470-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que, de ce fait, le tribunal est demeuré compétent pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 388, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Cédric X... coupable d'homicide involontaire par conducteur de véhicule terrestre à moteur et de manoeuvre irrégulière par conducteur quittant une route sur sa gauche et l'a condamné à la peine de deux ans d'emprisonnement dont huit mois avec sursis et a prononcé à titre de peine complémentaire l'annulation de son permis de conduire en fixant à trois ans le délai avant l'expiration duquel il ne pourra solliciter la délivrance d'un nouveau permis ;
"aux motifs qu'il importe peu que le prévenu ait ou non fait un demi-tour sur la chaussée pour repartir vers Lamanon ou ait seulement tourné à gauche pour emprunter le chemin des Launes dès lors qu'il est suffisamment démontré que ce dernier avait entrepris une manoeuvre vers la gauche et que la zone de choc entre sa voiture et la motocyclette se trouvait sur la voie de gauche réservée à la circulation en sens inverse ; que le témoignage de M. Z..., qui fait état que le prévenu avait entamé une manoeuvre inexpliquée devenue hésitante soit celle de faire demi-tour ou celle de tourner à gauche, en se déportant en arc de cercle sur la droite puis en partant sur la gauche et que, si ce dernier avait voulu tourner à gauche, il n'était pas certain qu'il y serait arrivé en raison du trottoir, étant plus près du trottoir que de l'axe de circulation de la route, est corroboré par les conclusions de l'expert judiciaire, M. A..., qui a retenu que le choc entre les deux véhicules avait eu lieu sur la voie de gauche bien après le croisement avec la route allant vers les Launes ; que la manoeuvre du prévenu telle que décrite par M. Z... n'est pas contredite par le témoignage de Stéphane B... qui n'a pas été en mesure d'apporter des précisions sur la manoeuvre exacte de la voiture ni par celui de Joséphine C... ;
"et aux motifs que la description, par le prévenu, de sa manoeuvre, ne concorde nullement avec les constatations des enquêteurs, ni avec le témoignage de M. Z... ni surtout avec le rapport d'expertise technique de M. A... ; qu'il importe de constater par ailleurs qu'il résulte tant de l'enquête que du rapport d'expertise de M. A... et en particulier des photographies des lieux que le prévenu disposait d'une bonne et grande visibilité arrière compte tenu de l'importance de la longue ligne droite de la route séparant la sortie d'un virage à l'intersection avec le chemin des Launes qui, immanquablement, permettait de voir de loin dans ses rétroviseurs une motocyclette, même circulant à une vitesse comprise entre 130 km/h et 135 km/h, dont le feu de croisement était allumé ainsi qu'en atteste Julie D..., dans son rapport d'expertise ; que ces éléments permettent de retenir que le prévenu ne peut valablement soutenir qu'il a regardé dans ses rétroviseurs ou en tous cas derrière lui avant d'entamer son changement de direction et qu'il a serré sur sa gauche, à hauteur de l'axe formé avec le chemin des Launes, avant cette manoeuvre, dès lors que de manière incontestable la zone de choc entre les deux véhicules se trouvait au-delà de cet axe ; que, par la manoeuvre perturbatrice et irrégulière marquée d'hésitation du prévenu consistant à tourner à gauche sans avoir pris toutes les précautions nécessaires pour le faire sans danger pour les autres usagers en particulier pour le motocycliste qui roulait dans la même voie de circulation, en ne serrant pas à gauche avant d'entamer son changement de direction mais en faisant un arc de cercle pour se diriger vers la partie gauche de la chaussée après s'être déporté à droite de celle-ci, Jonathan Y..., pilote de la motocyclette qui circulait derrière lui, a été confronté à un obstacle imprévisible et soudain qui ne lui a permis aucune manoeuvre salvatrice efficace d'évitement, notamment par freinage, autre que celle de se déporter au dernier moment sur la voie de gauche pour tenter de contourner la voiture ; que la conjonction de ces éléments permet à la cour de retenir qu'il est suffisamment démontré que le prévenu a manoeuvré irrégulièrement lors de son changement de direction en ne serrant pas à gauche sur sa voie de circulation avant de se déporter à gauche et a négligé de regarder suffisamment dans ses rétroviseurs ou derrière lui pour déceler la présence d'un véhicule alors qu'il bénéficiait d'une bonne visibilité et d'un important champ de vision ;
"1°) alors que, les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en l'espèce, le demandeur n'était pas poursuivi du chef d'avoir tourné à gauche sans avoir pris toutes les précautions nécessaires pour le faire sans danger pour les autres usagers, infraction prévue et réprimée par l'article R. 412-10 du code de la route, mais non visée à la prévention ; qu'en retenant néanmoins, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre du demandeur, que celui-ci avait fait une manoeuvre perturbatrice et irrégulière consistant à tourner à gauche sans avoir pris toutes les précautions nécessaires pour le faire sans danger pour les autres usagers, sans préalablement inviter le prévenu à s'expliquer sur ces faits non visés à la prévention et sur lesquels il n'avait pas accepté d'être jugé, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"2°) alors que, la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, la cour, qui a constaté d'une part, que la zone de choc entre les deux véhicules se trouvait sur la voie de gauche, de sorte que le conducteur du véhicule terrestre à moteur, Cédric X..., avait nécessairement serré à gauche sur sa voie de circulation avant de tourner à gauche, et, d'autre part retenu qu'il n'avait pas serré gauche avant d'entamer son changement de direction, a statué par des motifs contradictoires et violé les textes visés au moyen ;
"3°) alors que, les juges répressifs ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; que la cour ne pouvait se borner à affirmer, sans en justifier, qu'il était démontré que le prévenu avait fait un arc de cercle pour se diriger vers la partie gauche de la chaussée après s'être déporté sur la droite de celle-ci ; qu'en statuant de la sorte, la cour a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments le délit d'homicide involontaire aggravé et la contravention au code de la route, dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui, en sa première branche, manque en fait et qui, pour le surplus, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6, alinéa 1er, 132-19 du code pénal, 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Cédric X... à une peine d'emprisonnement de deux ans dont huit mois avec sursis, a prononcé à titre de peine complémentaire l'annulation de son permis de conduire et a fixé à trois ans le délai avant l'expiration duquel il ne pourra solliciter la délivrance d'un nouveau permis pour l'infraction d'homicide involontaire par conducteur de véhicule terrestre à moteur ;
"aux motifs que, eu égard aux circonstances de la cause et aux renseignements recueillis sur l'intéressé certes jamais condamné et justifiant d'une activité professionnelle mais aussi en considération de l'impérieuse nécessité d'empêcher le renouvellement de l'infraction sérieusement à craindre, dès lors que ce dernier ne s'estime pas responsable de l'accident mortel, préférant en attribuer l'origine à la victime défunte, ce qui démontre pour le moins une absence totale de prise de conscience et de l'exceptionnelle gravité des faits compte tenu des conséquences particulièrement dramatiques du comportement routier dangereux du prévenu qui a provoqué la mort d'un motocycliste, autant d'éléments justifiant le caractère ferme d'une partie de l'emprisonnement, la cour estime équitable et proportionné de condamner Cédric X... à la peine principale de deux ans d'emprisonnement dont huit mois avec sursis dans les conditions de l'articles 132-29 du code pénal et de prononcer à titre de peine complémentaire l'annulation de son permis de conduire en fixant à trois ans le délai avant l'expiration duquel il ne pourra solliciter la délivrance d'un nouveau permis pour l'infraction d'homicide involontaire par conducteur de véhicule terrestre à moteur et de le condamner à une amende contraventionnelle de 150 euros pour l'infraction de manoeuvre irrégulière par conducteur quittant une route sur sa gauche ;
"1°) alors que, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motif équivaut à leur absence ; qu'il ne résulte d'aucune des constatations de l'arrêt, ou d'autres éléments de la procédure, que le prévenu se serait défendu en attribuant la responsabilité de l'accident à la victime défunte ou qu'il aurait nié toute responsabilité dans les faits ; qu'en retenant néanmoins de telles circonstances pour justifier les peines prononcées, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"2°) alors que, en toute hypothèse, le prévenu avait contesté l'infraction poursuivie en discutant les conclusions expertales, les éléments recueillis lors de l'information et les différents témoignages à charge et à décharge, versés à la procédure, discussion qui n'était pas autre chose que l'expression de ses droits de la défense ; qu'en décidant que, par cette discussion, le prévenu démontrait une absence totale de prise de conscience de l'exceptionnelle gravité des faits, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"3°) alors que, les juges du fond doivent justifier leur décision pour toutes les peines ordonnées, fussent-elles complémentaires ; qu'en s'abstenant de justifier autrement que par l'équité et la proportionnalité, la peine principale et celle complémentaire d'annulation du permis de conduire, et en fixant à trois ans le délai avant l'expiration duquel Cédric X... ne pourra solliciter la délivrance d'un nouveau permis, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Vu l'article 132-19 du code pénal, ensemble les articles 14 § 3 g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que ne saurait constituer, au regard de ces textes, un motif de nature à justifier le prononcé d'une peine d'emprisonnement sans sursis, le fait que le prévenu ne reconnaisse pas sa culpabilité ;
Attendu que, pour condamner Cédric X..., déclaré coupable d'homicide involontaire par conducteur de véhicule, à deux ans d'emprisonnement dont huit mois avec sursis, l'arrêt énonce que la partie ferme de l'emprisonnement est justifiée pour empêcher le renouvellement de l'infraction "sérieusement à craindre dès lors que le prévenu ne s'estime pas responsable de l'accident mortel préférant en attribuer l'origine à la victime défunte" ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que tout prévenu a le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas elle-même la censure ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 15 novembre 2007, en ses seules dispositions relatives à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, Mme Lazerges conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mmes Chanet, Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, MM. Corneloup, Pometan, Foulquié conseillers de la chambre ;
Avocat général : M. Salvat ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;