LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 mai 2008), que M. X... a été engagé à compter du 2 janvier 1989 pour une durée indéterminée en qualité d'ouvrier agricole par le GAEC Collonge, que son contrat de travail a été transféré le 2 janvier 2006 à la société Y... Philippe et Vincent ; qu'après application d'un accord de modulation, le salarié, estimant que sa durée de travail avait été réduite unilatéralement par l'employeur, a saisi la juridiction prud'homale notamment d'une demande aux fins de rétablissement de son horaire de travail à 169 heures mensuelles et de rappel d'heures supplémentaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à M. X... un rappel de salaire sur la période du 2 janvier 2006 au 31 mars 2008, les congés payés afférents et un rappel de prime d'ancienneté et congés payés afférents, alors, selon le moyen, que la cour d'appel, qui a constaté que jusqu'au 1er janvier 2002, M. X... était rémunéré sur la base d'un horaire mensuel de 169 heures, puis, du fait de la réduction légale de la durée du travail, sur la base d'un horaire mensuel de 151,67 heures, et que si cet horaire mensuel était complété par des heures supplémentaires à hauteur au moins de 169 heures , leur ventilation était variable sur les bulletins de paie et leur nombre n'était pas régulier, ce qui ne saurait caractériser une convention de forfait sur un nombre d'heures supplémentaires garanties au salarié, une telle convention ne pouvant résulter que d'un accord particulier entre l 'employeur et le salarié et non d'un usage, a, en considérant que l 'employeur étai t tenu de rémunérer le salarié pour un horaire garanti de 169 heures (151,67 + 17,33 heures payées au taux majoré de 25 %), et qu'elle ne pouvait lui opposer l'accord de modulation régulièrement appliqué dans l 'entreprise, a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'instauration d'une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l'accord exprès du salarié ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait mis en oeuvre une modulation du temps de travail sans l'accord du salarié, dont il était résulté pour ce dernier une modification du mode de détermination des heures supplémentaires, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Philippe et Vincent Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Philippe et Vincent Y... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils, pour la société Philippe et Vincent Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'EARL Y... à verser à Monsieur X... un rappel de salaire sur la période du 2 janvier 2006 au 31 mars 2008, les congés payés afférents, un rappel de prime d'ancienneté et les congés payés afférents,
AUX MOTIFS QUE l'examen des bulletins de salaire délivrés par le GAEC Z... à Tahar X... faisait apparaître que pour l'année 2001, il était payé sur la base d'un horaire mensuel de 169 heures et qu'il avait effectué au cours des sept premiers mois de 2001 des heures supplémentaires ; que pour les années 2002 inclus à 2005 inclus, il était payé sur la base d'un horaire mensuel de 151,67 heures, mais que cet horaire était systématiquement complété par des heures supplémentaires ; que certes la ventilation des heures effectuées mensuellement au-delà de 151,67 heures était variable d'un bulletin à l'autre et que le nombre n'était pas régulier de celles majorées au taux de 10%, de celles majorées au taux de 25% et de celles parfois rémunérées à 50% (comme tel a été le cas en février, juin, juillet 2002, mars, mai 2003, mai à août 2004, octobre 2004, juillet, octobre, décembre 2005 où il a perçu des heures à 50%) ; mais qu'il n'en demeurait pas moins que la référence à des heures supplémentaires à 10% n'apparaissait plus à partir de 2003, date à partir de laquelle les bulletins de paye faisaient référence seulement aux taux de majoration de 25 et 50% et qu'en quatre ans, dans la majorité des cas (sauf 10 exceptions en mars, novembre et décembre 2003, février, mars, décembre 2004, février, mars, juin, novembre 2005) le nombre total des heures effectuées mensuellement atteignait au moins 169 heures, quand il ne le dépassait pas ; qu'au regard de ces bulletins, l'indication suivante fournie par le précédent employeur et dans ces termes sous la signature de Mireille Z... qui avait certifié le 26 septembre 2006, au nom du GAEC Z..., avoir employé Tahar X... jusqu'au 31 décembre 2005 et qu'il « effectuait 39 heures par semaine (35 + 4 heures supplémentaires à 25%). S'il était absent, il récupérait ces heures», n'apparaissait pas dépourvue de crédibilité ; que la pratique constante observée pendant cinq ans avait constitué pour le moins un usage au bénéfice da salarié et que cet usage s'était incorporé à son contrat de travail ; que de plus, l'employeur avait présenté à Tahar X... un nouveau contrat de travail, qui prévoyait que la durée hebdomadaire était fixée à 35 heures par semaine soit 151,67 selon le préambule portant aménagement du temps de travail ; que la preuve était bien établie que l'EARM admettait que le temps de travail effectif antérieur constituait un élément du contrat puisqu'elle avait estimé nécessaire de faire régulariser une modification ; mais que l'employeur ne pouvait remettre en cause unilatéralement cet élément du contrat no valablement rémunérer son salarié sur une base inférieure à 169 heures ; que tel avait pourtant bien été le cas, puisqu'a partir de janvier 2006, Tahar X... n'avait perçu qu'une rémunération sur la base de 151,67 heures certes au même taux horaire de 11 € que celui appliqué précédemment en décembre 2005 et avec maintien du principe d'une prime d'ancienneté mais le montant de celle-ci avait été lui aussi affecté par la limitation du nombre d'heures payées : qu'une modulation du temps de travail avait été invoquée par l'EARL sur le fondement de l'accord professionnel du 23 décembre 1981 modifié par trois avenants n° 12, 13 et 14 des 29 mars et 20 juin 2000, permettant a une entreprise de moins de 10 salariés de mettre en place l'application directe d'une des modalités d'organisation du temps de travail prévue par cet accord, à savoir, selon les lettres adressées les 29 mai, 19 août et 3 novembre 2006, puis en mars, août et octobre 2007 par la gérante de l'EARL à l'inspection du travail, une «programmation indicative pour la modulation du temps de travail» distinguant des semaines hautes à 48 heures pendant les trois semaines de vendanges, des semaines basses à 32 heures de novembre à mars et des semaines moyennes à 39 heures de mars à novembre, donc neuf mois sur douze ; mais que cette modalité d'organisation du temps de travail mise en place unilatéralement à partir de mai 2006 ne pouvait aboutir à une remise en cause unilatérale des dispositions contractuelles,
ALORS QUE la cour d'appel, qui a constaté que jusqu'au 1er janvier 2002, Monsieur X... était rémunéré sur la base d'un horaire mensuel de 169 h, puis, du fait de la réduction légale de la durée du travail, sur la base d'un horaire mensuel de 151,67 heures, et que si cet horaire mensuel était complété par des heures supplémentaires à hauteur au moins de 169 heures, leur ventilation était variable sur les bulletins de paie et leur nombre n'était pas régulier, ce qui ne saurait caractériser une convention de forfait sur un nombre d'heures supplémentaires garanties au salarié, une telle convention ne pouvant résulter que d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié et non d'un usage, a, en considérant que l'employeur était tenu de rémunérer le salarié pour un horaire garanti de 169 heures ( 151,67 + 17,33 heures payées au taux majoré de 25%), et qu'elle ne pouvait lui opposer l'accord de modulation régulièrement appliqué dans l'entreprise, a violé l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'EARL Y... à faire de nouveau bénéficier Tahar X... d'une garantie de prévoyance complémentaire, sous astreinte,
AUX MOTIFS QUE l'EARL avait encore fait savoir à Tahar X..., par lettre du 1er décembre 2006, qu'il était bénéficiaire chez son ancien employeur d'un contrat de prévoyance mais que ce dernier «n'existe pas clans notre entreprise», que le personnel avait rejeté à la majorité son instauration dans l'entreprise et l'avait informé en conséquences que ce régime s'appliquerait en ce qui le concernait jusqu'au 31 mars 2007, date à laquelle il cesserait tous ses effets, les cotisations dues depuis janvier 2006 et jusqu'à décembre 2006 devant être retenues sur son salaire de décembre 2006 ; qu'à l'issue d'une consultation organisée le 14 novembre 2006 à bulletins secrets, à laquelle Tahar X... avait d'ailleurs participé ainsi que l'indique le procès verbal, la majorité des salariés n'avait pas voulu cotiser à une assurance collective ; que l'assureur GROUPAMA avait indiqué que le contrat avait été résilié à effet du 31 décembre 2006 ; que la cour observait que le délai de prévenance n'avait pas été de quatre mois comme l'affirmait l'employeur mais d'un mois ; que les bulletins de salaire de Tahar X... mentionnaient des retenues mensuelles pour cotisations SORAVIE opérées au taux de 1,360 pour la partie salariée et au taux de 0,80 pour la partie employeur ; que ces bulletins de salaire, y compris ceux émis par l'EARL Y... indiquaient aussi que la convention collective applicable était celle du travail des exploitations agricoles de la Drôme du 22 janvier 1970 ; que l'article 17 de cette convention collective prévoyait que tout employeur est tenu d'adhérer pour ses salariés au régime de retraite complémentaire et de prévoyance dans les conditions définies par la convention nationale du 24 mars 1971 ; que l'EARL ne justifiait pas des modalités de substitution mise en oeuvre après la résiliation du contrat SORAVIE pour permettre à son personnel et notamment à Tahar X... de bénéficier de cet avantage conventionnel ; qu'il devait en conséquence être fait droit à la demande de régularisation, la condamnation étant assortie de l'astreinte afin d'en garantir l'effectivité,
ALORS QUE, s'il est constant et d'ailleurs non contesté que, en application de l'article 17 de la convention collective applicable, l'EARL Y... est tenue d'adhérer au régime de retraite complémentaire et de prévoyance dans les conditions définies par la convention nationale de retraite des salariés de l'agriculture du 24 mars 1971, l'institution à laquelle elle doit obligatoirement adhérer étant la CARMARCA (article 2 de l'annexe II de la convention étendue par arrêté du 23 avril 1972), il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que l'assurance complémentaire souscrite auprès de l'assureur GROUPAMA ait pour objet ce régime complémentaire et de prévoyance obligatoire, géré par la CAMARCA, qui n'a jamais été remis en cause par l'EARL Y... ; et qu'en statuant par des motifs inopérants, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, et de l'article 17 de la convention collective des exploitations agricoles de la Drôme.