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08/07/2009 | FRANCE | N°08-41507

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 juillet 2009, 08-41507


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2231-1 et R 1455-6 du code du travail ;

Attendu qu'un accord collectif ne peut être conclu ou révisé sans que l'ensemble des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, ou le cas échéant dans l'établissement, aient été invitées à la négociation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Téléperformance France a, à l'occasion du projet de fermeture du centre de télémarketing situé à Lyon, ouvert le 31 juillet 20

07 une négociation d'établissement, après consultation du comité d'entreprise de la société, à ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2231-1 et R 1455-6 du code du travail ;

Attendu qu'un accord collectif ne peut être conclu ou révisé sans que l'ensemble des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, ou le cas échéant dans l'établissement, aient été invitées à la négociation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Téléperformance France a, à l'occasion du projet de fermeture du centre de télémarketing situé à Lyon, ouvert le 31 juillet 2007 une négociation d'établissement, après consultation du comité d'entreprise de la société, à laquelle participaient les délégués syndicaux d'établissement de quatre organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ; que la Fédération Sud des activités postales et des télécommunications (le syndicat Sud), qui n'avait plus de délégué syndical dans l'établissement de Lyon, s'étant étonnée de ne pas avoir été invitée à participer, par l'intermédiaire de son délégué syndical central, aux réunions de négociation, l'employeur lui a demandé le 2 octobre 2007 de faire connaître la composition de sa délégation, puis, à la suite de la désignation par le syndicat Sud de son délégué syndical central pour le représenter dans la négociation, a convoqué ce dernier aux réunions suivantes ; que le syndicat Sud a saisi le tribunal de grande instance statuant en référé, le 2 octobre 2007, pour voir dire illicite la négociation du projet, au motif qu'il n'avait pas été invité dès l'origine à y participer ;

Attendu que pour rejeter les demandes du syndicat Sud, la cour d'appel énonce d'abord que l'accord sur l'exercice du droit syndical dans l'entreprise prévoit que les organisations syndicales ont la possibilité de désigner des délégués de centre dans chacun des centres de l'entreprise, mais nullement qu'à défaut, les délégués centraux pourront, de droit, mener une négociation d'établissement, qu'il appartenait donc au syndicat Sud, après le départ de son délégué de centre à Lyon 7, de lui désigner un remplaçant pour que ce dernier puisse, sans désignation spéciale, participer à la négociation considérée, et relève ensuite que le syndicat Sud, dont le délégué syndical central avait participé à toutes les réunions du comité d'entreprise au cours desquelles avait été évoqués le projet litigieux et la négociation d'un accord local à laquelle il allait donner lieu ne peut donc prétendre ne pas avoir été avisé de ladite négociation ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, et alors qu'il ressortait de ses constatations que le syndicat Sud, qui était représentatif au niveau concerné, n'avait pas été invité à participer à la négociation engagée au sein de l'établissement Lyon 7 par l'employeur le 31 juillet 2007 et aux réunions successives qui avaient eu lieu les 31 août, 4 septembre, 14 septembre et 4 octobre 2007, ce dont elle devait déduire l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes du syndicat Sud, l'arrêt rendu le 30 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Téléperformance France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Téléperformance France à payer à la Fédération sud des activités postales et des télécommunications la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour la Fédération sud des activités postales et des télécommunications et de M. X....

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes présentées par la Fédération Sud des activités postales et des télécommunications et M. X... tendant à voir constater l'illicéité de la négociation du projet Lyon 7 en l'absence d'invitation de la Fédération Sud ou du délégué syndical central Sud, constater que le projet considéré intéressait l'ensemble de l'entreprise Téléperformance, faire interdiction sous astreinte à la société Téléperformance de signer le projet d'accord en l'état et lui ordonner de reprendre la négociation collective au niveau de l'entreprise, à défaut au niveau du centre Lyon 7, en invitant les six organisations syndicales représentatives en son sein, de les avoir rejetées et d'avoir renvoyé les parties à se pourvoir au fond, ainsi qu'elles aviseront ;

AUX MOTIFS QUE en vertu des dispositions de l'article 809 alinéa 1er du CPC, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Que le non-respect d'une procédure d'information-consultation, comme la discrimination syndicale, constitue des troubles manifestement illicites ;

Qu'un accord sur le droit syndical a été conclu au sein de Téléperformance le 14 mai 2007 ;

Que cet accord prévoit, en son article 3.1, que le mandat de délégué syndical central est distinct de celui de délégué syndical de centre ;

Que le fait que cet accord n'ait pas été signé par le syndicat Sud ne le rend pas moins applicable au sein de Téléperformance ;

Que la régularité de cet accord est présumée, le juge des référés n'ayant nullement le pouvoir de l'annuler ;

Que le 15 mai 2007, le syndicat Sud de Téléperformance a désigné M. X... en qualité de délégué syndical central et M. Z... en qualité de délégué syndical à Lyon 7 ;

Que M. Z... a quitté Téléperformance au mois de juillet 2007 ;

Que selon l'article 7.2 de cet accord, les délégués syndicaux de centre et la direction abordent, une fois par trimestre, les thèmes spécifiques au centre, ces spécificités pouvant donner lieu à la négociation d'accords d'établissement dans la mesure où les accords au niveau national ne traiteraient pas de ces spécificités ;

Que le projet d'évolution des activités du service clients de Peugeot à Lyon 7 est, manifestement, un projet spécifique à ce centre, dont il n'est pas prétendu qu'il a donné lieu à un accord au niveau national ; que le fait que ce projet comporte des propositions de mobilité géographique n'en fait pas un projet national, nécessitant un accord national ;

Qu'ainsi, la négociation envisagée au sujet de ce projet ne pouvait avoir lieu qu'au sein du centre de Lyon 7 et avec les délégués syndicaux de ce centre ;

Que la participation à cette négociation du directeur des ressources humaines de Téléperformance ne lui confère pas de caractère national ;

Que l'accord de droit syndical de Téléperformance prévoit que les organisations syndicales ont la possibilité de désigner des délégués de centre dans chacun des centres de l'entreprise, mais nullement qu'à défaut, les délégués centraux pourront, de droit, mener une négociation d'établissement ;

Qu'il appartenait donc au syndicat Sud, après le départ de son délégué de centre à Lyon 7, de lui désigner un remplaçant pour que ce dernier puisse, sans désignation spéciale, participer à la négociation considérée ;

Que ni la fédération Sud, ni M. X... ne peuvent reprocher à Téléperformance de ne pas avoir considéré, contre les termes de l'accord syndical susvisé, que ce dernier était, de droit, habilité à négocier un accord d'établissement sans avoir été spécialement désigné à cet effet ;

Que M. X..., en qualité de représentant syndical du syndicat Sud de Téléperformance a participé à toutes les réunions du comité d'entreprise de cette société au cours desquelles a été évoqué le projet litigieux et la négociation d'un accord local à laquelle il allait donner lieu ; qu'il a, au demeurant, participé à l'élaboration de 14 questions posées par le syndicat Sud, le 30 juillet 2007 à la direction de Téléperformance au sujet de ce projet et de cette négociation ;

Que le 30 juillet 2007, les syndicats FO, CGC, CGT, CFTC et CFDT de Téléperformance ont, par tract, fait savoir aux salariés de Lyon 7 qu'ils avaient accepté de participer à la négociation de l'accord initial litigieux, en se félicitant de ce qu'une vision locale était plus adaptée à la problématique du site de Lyon 7 ;

Que les délégués de centre de toutes les organisations syndicales de Téléperformance ont participé aux réunions relatives à cette négociation y compris M. X... dès l'instant où le syndicat Sud lui a donné, le 3 octobre 2007, mandat spécial d'y participer ;

Que le syndicat Sud ne peut, donc, prétendre ne pas avoir été avisé de la dite négociation ; qu'aucun délégué syndical appartenant à cette fédération ne pouvait être convié, ni participer à cette négociation tant qu'il n'a pas été désigné par un mandat général l'investissant de la qualité de délégué de centre ou par un mandat spécial de négocier l'accord litigieux ;

Que le syndicat Sud ne peut reprocher à Téléperformance le choix qu'il a, lui-même, fait de ne délivrer aucun de ces mandants avant le 3 octobre 2007 ; qu'il ne peut, pour cette raison, reprocher non plus à la société Téléperformance l'état d'avancement du projet litigieux à la date du 4 octobre 2007, à un moment où, au demeurant, le dit projet devait encore faire l'objet d'amendements et n'avait pas abouti ;

Que le trouble manifestement illicite dénoncé par la Fédération Sud de Téléperformance et M. X... n'est, donc, pas démontré ;

ALORS QU'un accord collectif ne peut, sous peine de nullité, être conclu sans que l'ensemble des organisations syndicales représentatives aient été invitées à la négociation ; qu'en l'absence de délégué syndical d'établissement l'invitation à la négociation doit être adressée au syndicat représentatif présent dans l'entreprise ou au délégué syndical central qu'il a désigné ;

De sorte qu'en refusant de constater l'illicéité de la négociation du projet Lyon 7, pourtant menée sans que la société Téléperformance France ait invité M. X..., le délégué syndical central de la Fédération Sud, représentative dans l'entreprise, à y participer, la Cour d'appel a violé l'article 809 alinéa 1er du Code de procédure civile, ensemble l'article L 412-11, alinéa 1er, du Code du travail, devenu l'article L 2142-10 du même Code ;

ALORS QU'EN OUTRE la seule connaissance par le délégué syndical central de l'ouverture de négociation au sein de l'établissement, du fait de sa participation aux réunions du comité d'entreprise, ne saurait constituer une invitation régulière à la négociation ; qu'en refusant de constater l'illicéité de la négociation du projet Lyon 7, lorsqu'elle qu'elle ne constatait pas que le délégué syndical central avait été régulièrement convoqué à la négociation, la Cour d'appel a une nouvelle fois violé l'article 809 alinéa 1er du Code de procédure civile, ensemble l'article L 412-11, alinéa 1er, du Code du travail, devenu l'article L 2142-10 du même Code ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-41507
Date de la décision : 08/07/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Dispositions générales - Négociation - Organisations syndicales habilitées - Convocation - Nécessité

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Accords et conventions collectifs - Dispositions générales - Négociation - Organisations syndicales habilitées - Convocation - Convocation des syndicats représentatifs - Absence de délégué syndical dans l'établissement en présence d'un délégué syndical central - Portée

Un accord collectif ne peut être conclu ou révisé sans que l'ensemble des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ou le cas échéant dans l'établissement aient été invitées à la négociation. Doit donc être cassé l'arrêt qui valide un accord d'entreprise négocié sans qu'ait été incité à la négociation un syndicat représentatif au niveau concerné au motif qu'il ne disposait pas de délégué syndical dans l'établissement au sein duquel cette négociation était engagée


Références :

Cour d'appel de Paris, 30 janvier 2008, 07/19071
articles L. 2231-1 et R. 1455-6 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 janvier 2008

Sur l'obligation d'inviter le syndicat représentatif à la négociation d'un accord préélectoral qu'il y ait ou non un représentant syndical dans l'établissement concerné, à rapprocher :Soc., 15 février 2006, pourvoi n° 04-60525, Bull. 2006, V, n° 70 (cassation sans renvoi) ; Sur l'obligation de procéder à la convocation de la totalité des organisations syndicales habilitées dans le cadre de la conclusion d'un accord collectif, à rapprocher :Soc., 17 septembre 2003, pourvoi n° 01-10706, Bull. 2003, V, n° 240 (cassation)

arrêt cité ;Soc., 16 janvier 2008, pourvois n° 07-60.163 et 07-60.166, Bull. 2008, V, n° 9 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jui. 2009, pourvoi n°08-41507, Bull. civ. 2009, V, n° 177
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, V, n° 177

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Allix
Rapporteur ?: Mme Pécaut-Rivolier
Avocat(s) : SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.41507
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