LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que des difficultés sont nées lors de la liquidation et du partage, après divorce, de la communauté de M. X... et de Mme Y... ; que l'arrêt attaqué a décidé que le mari était redevable, envers la communauté, de récompenses au titre, d'une part, de l'indemnité de licenciement qu'il avait perçue pendant le mariage et qu'il "avait gardée par devers lui" et, d'autre part, du remboursement, pendant la durée du régime, des échéances de l'emprunt qu'il avait souscrit, avant le mariage, pour financer la construction d'une maison d'habitation sur un terrain lui appartenant ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que les indemnités perçues au titre de la police d'assurance "perte emploi", qu'il avait souscrite pour garantir le paiement des échéances de l'emprunt, avaient le caractère de fonds communs et chiffré, en conséquence, le montant de la récompense due par lui à la communauté, alors, selon le moyen, que toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, celui-ci en doit récompense ; que l'ouverture d'un droit à récompense au profit de la communauté suppose que celle-ci se soit effectivement acquittée d'une dette personnelle de l'un des époux ; que la cour d'appel, en jugeant que la communauté avait droit à récompense au titre de l'emprunt y compris pour les mensualités d'emprunt dont elle n'avait pas assuré le remboursement en raison de leur prise en charge au titre de l'assurance perte d'emploi souscrite par M. X..., a violé les articles 1412 et 1437 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les indemnités versées par l'assureur avaient pour objet, non de réparer un dommage affectant la personne du souscripteur, mais de compenser la perte de revenus consécutive au licenciement de celui-ci, la cour d'appel a décidé, à bon droit, qu'elles étaient entrées en communauté et devaient être retenues comme éléments de calcul pour déterminer la récompense due par le mari à la communauté ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la première branche du second moyen :
Vu les articles 1401, 1403, 1437 et 1469 du code civil ;
Attendu que la communauté, à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres, doit supporter les dettes qui sont la charge de la jouissance de ces biens ; que, dès lors, leur paiement ne donne pas lieu à récompense au profit de la communauté, lorsqu'il a été fait avec des fonds communs ;
Attendu que, pour décider que les sommes versées par la communauté, au titre des échéances de l'emprunt ayant servi au financement de la construction appartenant en propre au mari, devaient être retenues, en capital et intérêts, comme éléments de calcul de la récompense due par M. X..., l'arrêt énonce que les intérêts, qui représentent le loyer de l'argent ainsi emprunté, étant déboursés par la communauté au même titre que le capital amorti, ne peuvent donc être dissociés de celui-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, pour déterminer la récompense due par un époux, en cas de règlement des échéances de l'emprunt souscrit pour la construction d'un bien qui lui est propre, il y a lieu d'avoir égard à la fraction ainsi remboursée du capital, à l'exclusion des intérêts, qui sont une charge de jouissance, la cour d'appel a, par refus d'application, violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les intérêts de l'emprunt, qui représentent le loyer de l'argent emprunté, étant déboursés par la communauté au même titre que le capital amorti, ne peuvent être dissociés de celui-ci et, en conséquence, dit que M. X... devra récompense à la communauté de la somme de 15 629 euros représentant la somme acquittée par la communauté en remboursement de l'emprunt immobilier souscrit par M. X... seul, l'arrêt rendu le 22 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir jugé que Monsieur X... devrait récompense à la communauté de la somme de 24 122,12 € au titre de l'indemnité de licenciement reçue en 1999 ;
AUX MOTIFS QUE «suite à son licenciement, M. X... a perçu le 8 juin 1999 une indemnité d'un montant de 24 122,12 € (158 230 F) ; que le premier juge a estimé que cette somme ne devait pas être rapportée à la communauté, ce que demande M. X... à la Cour de confirmer, et que Mme Y... demande de réformer ; que n'ayant pas pour objet de réparer un dommage affectant uniquement sa personne, l'indemnité de licenciement versée à un époux qui est destinée à le dédommager de la perte de son emploi, a le caractère de bien commun et doit tomber en communauté ; qu'en conséquence, M. X... lui en devra récompense, et le jugement sera infirmé en cette disposition» ;
ALORS QU'un époux ne doit récompense à la communauté que s'il a tiré un profit personnel des biens de celle-ci ; qu'en jugeant que Monsieur X... devait récompense à la communauté au titre de l'indemnité de licenciement qu'il a perçue au seul motif qu'il s'agit d'un bien commun mais sans constater qu'il en aurait tiré un profit personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1437 du Code civil.
SECOND MOYEN CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef d'avoir jugé que Monsieur X... devrait récompense à la communauté de la somme de 15 629 € au titre du remboursement de l'emprunt souscrit par lui seul pour la construction de sa maison ;
AUX MOTIFS QU' «il est constant que Monsieur X... a acquis avant son mariage un terrain sur lequel il a fait édifier une construction moyennant la souscription d'un emprunt dont le couple a assumé le remboursement durant la vie commune ; que se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation, le premier juge a considéré que la communauté avait droit à récompense sur le montant du capital remboursé à l'exclusion des intérêts qui sont une charge de jouissance, de dont M. X... demande confirmation ; que pour sa part et faisant appel incident sur ce point, Mme Y... sollicite que ce soit la totalité des mensualités réglées par la communauté qui soient retenues et ce, selon les calculs arrêtés par le notaire qui chiffre la somme ainsi réglée par la communauté à celle de 15 629 € ; que les intérêts d'un emprunt qui représentent le loyer de l'argent ainsi emprunté, étant déboursés par la communauté au même titre que le capital amorti, ne peuvent donc être dissociés de celui-ci ; qu'il s'ensuit que ce sont les mensualités comprenant la fraction du capital amorti et la fraction des intérêts qui devront être rapportées à la communauté ; que le jugement sera infirmé ; que les calculs effectués par le notaire des sommes ainsi déboursées par la communauté s'élèveraient à la somme de 15 629 €, ce que Madame Y... demande de retenir ; qu'à cet égard, M. X... soutient qu'à compter du mois de décembre 1999 le prêt a été pris en charge par l'assurance perte emploi qu'il avait souscrite lors de la conclusion du prêt de sorte que la communauté n'a en réalité déboursé que les mensualités allant du mois d'octobre 1998 au mois de décembre 1999, totalisant ainsi une somme de 2 565,10 € ; que toutefois, en réglant les mensualités la communauté s'est acquittée en même temps des primes d'assurances, à défaut de quoi la garantie ainsi souscrite n'aurait pu être acquise à Monsieur X... lors de son licenciement ; qu'en outre, et tel qu'il avait déjà été dit à propos de l'indemnité de licenciement, il s'agit d'une indemnisation qui n'avait pas pour objet de réparer un dommage affectant la personne, de sorte qu'elle a le caractère de bien commun et tombe en communauté ; que par suite la communauté aura droit à récompense de la somme de 15 629 euros tel que l'a calculé justement le notaire, et le jugement sera infirmé de ce chef » ;
ALORS D'UNE PART QUE la communauté à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres, doit supporter les dettes qui sont la charge de jouissance de ces biens ; qu'en conséquence, pour déterminer la somme due par un époux en cas de règlement des annuités afférentes à un emprunt souscrit pour l'acquisition d'un bien qui lui est propre, il y a lieu d'avoir égard à la fraction ainsi remboursée du capital, à l'exclusion des intérêts qui sont une charge de la jouissance ; que la cour d'appel, en jugeant que l'intégralité des mensualités, comprenant tant le capital amorti que la fraction des intérêts, devait faire l'objet d'une récompense à la communauté, a violé les articles 1401, 1403 et 1437 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, celui-ci en doit récompense ; que l'ouverture d'un droit à récompense au profit de la communauté suppose que celle-ci se soit effectivement acquittée d'une dette personnelle de l'un des époux ; que la cour d'appel, en jugeant que la communauté avait droit à récompense au titre de l'emprunt y compris pour les mensualités d'emprunt dont elle n'avait pas assuré le remboursement en raison de leur prise en charge au titre de l'assurance perte d'emploi souscrite par Monsieur X..., a violé les articles 1412 et 1437 du Code civil ;