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09/12/2009 | FRANCE | N°08-18677

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 décembre 2009, 08-18677


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Charlotte X..., veuve de Marcel Y..., est décédée le 31 décembre 1995, en laissant pour lui succéder les sept enfants issus du mariage, Hubert, René, Marguerite, Etienne, Pierre, Michel et Gérard Y..., et en l'état d'un testament authentique du 17 mars 1993 attribuant les immeubles dépendant de l'indivision post-communautaire à chacun d'eux, et stipulant que les fermages restant dus par Hubert, René, Michel, Gérard et Marguerite Y... devront être entièrement réglés avant tout partage

de ses biens afin de permettre une répartition juste et égale entre to...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Charlotte X..., veuve de Marcel Y..., est décédée le 31 décembre 1995, en laissant pour lui succéder les sept enfants issus du mariage, Hubert, René, Marguerite, Etienne, Pierre, Michel et Gérard Y..., et en l'état d'un testament authentique du 17 mars 1993 attribuant les immeubles dépendant de l'indivision post-communautaire à chacun d'eux, et stipulant que les fermages restant dus par Hubert, René, Michel, Gérard et Marguerite Y... devront être entièrement réglés avant tout partage de ses biens afin de permettre une répartition juste et égale entre tous ses enfants et une clause pénale privant de la quotité disponible de sa succession celui ou ceux de ses enfants qui attaqueraient cet acte ou feraient effectuer la vente forcée des biens immobiliers ; qu'au mois d'avril 1998, Mme Marguerite Y..., épouse Z..., MM. Etienne, Pierre et Michel Y... ont assigné leurs trois frères en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession et en exécution du testament-partage ; que ceux-ci ayant conclu ensemble, M. Gérard Y... a invoqué la nullité de cet acte au motif que les biens attribués constituaient des biens dépendant de la communauté et que la clause relative au paiement des fermages, imposant aux héritiers, selon lui, de renoncer, d'avance, à la prescription, contrevenait aux dispositions de l'article 2220 du code civil, tandis que MM. Hubert et René Y... s'en sont rapportés à justice ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé, qui est préalable :

Attendu que MM. Hubert, René et Gérard Y... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, dit qu'ils étaient redevables de fermages envers l'indivision successorale ;

Attendu qu'ayant pris effet au jour du décès de Charlotte X..., la clause du testament-partage stipulant que les héritiers devront payer les fermages restant dus n'impose pas à ceux-ci de renoncer, d'avance, à la prescription ; que le moyen est sans fondement ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que MM. Hubert, René et Gérard Y... font grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'ils étaient privés de leur droit sur la quotité disponible de la succession de Charlotte X..., veuve Y..., alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation du chef du premier moyen entraînera nécessairement, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt ayant fait application de la clause pénale aux trois appelants par application de l'article 625 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en toute hypothèse, le rapport à justice n'implique pas que son auteur adhère ou acquiesce à la demande de la partie adverse ; que dès lors, en se terminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les écritures des appelants, violant l'article 1134 du code civil ;

3°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que seul M. Gérard Y... avait demandé la nullité du testament-partage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du code civil et 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que, n'ayant été ni prouvé, ni même allégué, que le partage testamentaire portait atteinte à la part de réserve des héritiers, la clause pénale, par laquelle la testatrice avait prévu d'assurer l'exécution de ses dernières volontés, était licite et s'imposait à ceux-ci ; que, dès lors, il n'existe aucun lien de dépendance nécessaire entre la disposition de l'arrêt relative aux clauses de l'acte du 17 mars 1993 qui organisent le partage des biens dépendant de l'indivision post-communautaire, et celle relative à l'application de la clause pénale ; qu'en sa première branche, le moyen est sans portée ;

Attendu, ensuite, que les griefs des deux dernières branches ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches :

Vu les articles 1075, alinéa 1, et 1079, du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, ensemble l'article 1021 de ce code ;

Attendu que l'ascendant ne peut inclure dans un testament-partage que les biens dont il a la propriété et la libre disposition et non ceux dépendant de la communauté dissoute mais non encore partagée ayant existé entre lui et son conjoint prédécédé ;

Attendu que, pour décider que le partage testamentaire était valable, après avoir rappelé qu'à l'époque où il a été rédigé, la communauté était dissoute par le décès de Marcel Y... et que le partage n'ayant pas été encore effectué, les biens autrefois communs étaient indivis de sorte que l'article 1423 du code civil était étranger à la question de la validité de cet acte, l'arrêt retient que, si en disposant des biens indivis, Charlotte X... a étendu l'assiette du partage, auquel elle entendait procéder, à des biens dont elle n'avait pas personnellement toute la propriété et la libre disposition puisque celles-ci étaient partagées entre elle et ses enfants, elle n'a pas disposé de la chose d'autrui, au sens de l'article 1021 du code précité, puisqu'il s'agissait de biens indivis entre elle et ses enfants au bénéfice desquels elle prenait des dispositions testamentaires et qu'il lui était loisible d'imposer à ses enfants, pour éviter d'éventuels désaccords entre eux sur le partage en nature des immeubles ou la possibilité que, par suite de leur vente par licitation, ces biens ne restent pas dans la famille, une répartition à la fois équitable et conforme à ce qu'elle pouvait penser être le souhait de chacun ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les descendants, attributaires des biens, avaient la qualité d'héritiers co-partagés et non de légataires et que la testatrice n'avait pas le pouvoir de procéder unilatéralement au partage de biens indivis dont les enfants étaient déjà saisis comme héritiers de leur ascendant prédécédé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième chambre du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que le partage des biens organisé par le testament-partage du 17 mars 1993 était valable, l'arrêt rendu le 19 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour MM. Hubert, René et Gérard Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir , par confirmation du jugement entrepris, débouté Gérard Y... de sa demande en nullité du testament partage du 17 mars 1993 et dit en conséquence que Hubert, René et Gérard Y... étaient privés de tout droit sur la quotité disponible de la succession de Charlotte X... veuve Y..., laquelle sera partagée uniquement entre Marguerite Y..., Etienne Y..., Pierre Y... et Michel Y...,

AUX MOTIFS QUE le Tribunal a fait une exacte application du droit aux faits de la cause et que c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte qu'il a jugé que Monsieur Marcel Y... étant déjà décédé à l'époque du testament-partage, la communauté qui avait existé du vivant des époux Y...-X... s'était trouvée dissoute par son décès et son partage n'ayant pas encore été effectué, les biens autrefois communs étaient alors indivis entre Madame Veuve Y... et ses enfants ; qu'il s'ensuit que l'article 1423 du Code civil qui ne concerne que les legs faits par un époux et partant sur des biens communs est étranger à la question de la volonté du testament-partage ; que force est de constater qu'en disposant de biens indivis immobiliers puisque dépendant de l'indivision post-communautaire, Mme Veuve Y... a étendu l'assiette du partage auquel elle prétendait procéder à des biens dont elle n'avait pas personnellement la toute propriété et la libre disposition puisque celles-ci étaient partagés entre elle et ses enfants ; que ce faisant, elle ne disposait pas de la chose d'autrui au sens de l'article 1021 du Code civil, puisqu'il s'agissait de biens indivis entre elle et ses enfants, au bénéfice desquels elle prenait les dispositions testamentaires et il lui était loisible d'imposer à ses enfants pour éviter d'éventuels désaccords entre eux sur le partage en nature des immeubles ou la possibilité que, par suite de leur vente par licitation, ces biens ne restent pas dans la famille, une répartition à la fois équitable et confirme à ce qu'elle pouvait penser être le souhait de chacun ; que le testament loin d'etre entaché de nullité est tout à fait valable et doit être exécuté conformément à la volonté de la testatrice ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la faculté accordée aux ascendants de faire par anticipation le partage de leur succession est limitée aux biens dont chacun d'eux a la propriété et la libre disposition sans pouvoir être étendue aux biens communs ; qu'en toute hypothèse le legs de biens dépendant de la communauté ne peut s'appliquer qu'aux légataires et non aux héritiers ; qu'en l'espèce, les biens faisant l'objet du testament partage de Madame Charlotte X... étaient des biens communs et non des biens propres, de sorte que cette dernière ne pouvait en disposer par voie testamentaire ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a procédé d'une violation des articles 1021, 1015 et 1423 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en toute hypothèse, l'article 1423 alinéa 2 du Code civil n'est pas applicable au legs d'un bien dépendant d'une indivision, fût-elle post-communautaire ; que, dès lors, en se déterminant encore comme elle l'a fait, la Cour d'appel a procédé d'une violation des mêmes textes ;

ALORS, ENFIN, QUE lorsque le testateur aura légué la chose d'autrui, le legs sera nul, soit que le testateur ait connu ou non qu'elle ne lui appartenait pas ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait tout en constatant que le testament portait sur des biens de la communauté non encore dissoute ni liquidée, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1021 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir , par confirmation du jugement entrepris, dit que Hubert, René et Gérard Y... étaient privés de leur droit sur la quotité disponible de la succession de Charlotte X... veuve Y....

AUX MOTIFS QUE Gérard Y... a contesté le testament partage du 17 mars 1993 ; que René et Hubert Y... contestent également le testament partage ; que le fait pour une partie de s'en rapporter à justice sur le mérite d'une demande implique non un acquiescement à cette demande, mais la contestation de celle-ci ; que tous trois contestent la validité de la clause pénale insérée au testament-partage, au motif essentiel de la nullité de ce testament ; que le testament partage étant jugé valide, la clause pénale qui en fait partie l'est également ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation de l'arrêt du chef du premier moyen entraînera nécessairement, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt ayant fait application de la clause pénale aux trois appelants par application de l'article 625 du Code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en toute hypothèse, le rapport à justice n'implique pas que son auteur adhère ou acquiesce à la demande de la partie adverse ; que dès lors, en se terminant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a dénaturé les écritures des appelants, violant l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, EN OUTRE, QU'en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que seul M. Gérard Y... avait demandé la nullité du testament-partage, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil et 455 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, dit que son dues à l'indivision successorale, à titre de fermages par MM. Hubert Y..., la somme de 11.126,95 €, par René Y... la somme de 11.748,94 €, par Michel Y... la somme de 27.620,70 €, et par Gérard Y... la somme de 31.940,56 €,

AUX MOTIFS QUE la renonciation interdite par l'article 2220 du Code civil est celle du débiteur à la prescription qui lui est favorable ; qu'en l'espèce, c'est le créancier qui précise qu'il n'entend pas laisser jouer la prescripiton, donc qu'il n'abandonne pas ses droits, ce qui s'analyse comme la signification d'une volonté d'interrompre la prescription ; que c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que l'article 2220 du Code civil n'interdit pas au créancier de fermages de prévoir par une disposition du testament-partage que les fermages non acquittés en temps voulu, par son fils ou sa fille, soient imputés sur sa part héréditaire, disposition animée expressément d'une volonté d'égalité entre les enfants qui n'est affectée d'aucune cause de nullité et doit être exécutée conformément à la volonté de la testatrice ;

ALORS QU'on ne peut d'avance renoncer à la prescription, à peine de nullité d'ordre public ; que, dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, pour confirmer le jugement entrepris, la Cour d'appel a procédé d'une violation des articles 2220 et 2277 du Code civil.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

TESTAMENT-PARTAGE - Clause pénale - Exécution - Conditions - Détermination

N'ayant été ni prouvé, ni même allégué, que le partage testamentaire portait atteinte à la part de réserve des héritiers, la clause pénale, par laquelle la testatrice avait prévu d'assurer l'exécution de ses dernière volontés, était licite et s'imposait à ceux-ci. Dès lors, il n'existe aucun lien de dépendance nécessaire entre la disposition de l'arrêt relative aux clauses de l'acte qui organisent le partage des biens dépendant de l'indivision post-communautaire, et celle relative à l'application de la clause pénale ; par suite, la cassation du chef de l'arrêt relatif à la nullité du testament-partage n'entraîne pas la cassation, par voie de conséquence, de celui relatif à la clause pénale


Références :

ARRET du 19 juin 2008, Cour d'appel de Reims, 19 juin 2008, 06/2727
Sur le numéro 1 : articles 1075, alinéa 1er, et 1079 du code civil dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006

article 1021 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 19 juin 2008

Sur le n° 1 : Dans le même sens que :1re Civ., 9 décembre 2009, pourvoi n° 08-17351, Bull. 2009, I, n° 247 (rejet)


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 1re, 09 déc. 2009, pourvoi n°08-18677, Bull. civ. 2009, I, n° 248
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, n° 248
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Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Avocat général : M. Pagès
Rapporteur ?: Mme Bignon
Avocat(s) : SCP Peignot et Garreau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 1
Date de la décision : 09/12/2009
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08-18677
Numéro NOR : JURITEXT000021471196 ?
Numéro d'affaire : 08-18677
Numéro de décision : 10901230
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2009-12-09;08.18677 ?
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