LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 février 2008), qu'à l'occasion de certaines opérations liées aux travaux de maintenance du réacteur nucléaire, il est procédé, au sein de chaque centrale nucléaire de la société Electricité de France (EDF), à des "arrêts de tranche" pendant lesquels les salariés qui travaillent habituellement en service "discontinu", c'est-à-dire du lundi au vendredi de 8 heures à 17 heures, peuvent par application de la circulaire "Pers 194" être appelés à travailler en continu, par roulement, la nuit ou les week-ends ; qu'au cours d'un "arrêt de tranche", le syndicat CGT Centre nucléaire de production électrique de Paluel (le syndicat) a déposé auprès de la direction du Centre nucléaire de production de la société Electricité de France (EDF) un préavis de grève appelant, à partir du 29 janvier 2003 et pour une durée illimitée, les salariés des services discontinus des pôles maintenance, production et appui technique et non technique "à la cessation du travail, tous les jours de 16 heures 59 à 8 heures 01, le lendemain matin et la totalité de tous les week-ends du vendredi 16 heures 59 au lundi 8 heures 01, ainsi qu'à l'arrêt de tous les travaux postés" ;
Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt infirmatif de le condamner à payer à la société une somme à titre de dommages intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que la grève est constituée par la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles ; que l'exercice du droit de grève suspend l'exécution du contrat de travail pendant toute la durée de l'arrêt de travail en sorte que l'employeur est délié de l'obligation de payer le salaire ; que le salarié qui s'est associé au mouvement de grève doit être légalement considéré, sauf preuve contraire de sa part, comme gréviste pendant toute la durée du mouvement ; que ne constitue pas un manquement à ses obligations contractuelles l'absence complète de travail d'un salarié, quelle que soit la nature de ce travail, pendant la durée d'un mouvement concerté et collectif d'arrêts de travail ; que, dans un tel cas, le salarié est considéré comme ayant manifesté sa volonté de participer à ce mouvement ; qu'ayant relevé que le préavis de grève avait prévu l'arrêt de tout travail pendant une plage horaire déterminée, la cour d'appel, qui a considéré que l'arrêt des travaux de maintenance et de sécurité par les salariés grévistes pendant cette plage horaire constituait un manquement à leurs obligations contractuelles, n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, violant ainsi, par fausse application, l'article 1134 du code civil et, par refus d'application, les articles L. 2511-1 et L. 2512-2 du code du travail ;
2°/ que dans les entreprises publiques, la cessation concertée du travail est précédée d'un préavis devant légalement mentionner l'heure du début ainsi que la durée limitée ou non de la grève envisagée, peu important par ailleurs les modalités choisies ; qu'est régulier le préavis mentionnant l'heure du début et de la fin de l'arrêt de travail quotidien devant se renouveler sur une période illimitée, et prévoyant la grève des salariés à l'intérieur de cette plage horaire ; qu'il importe peu que ce préavis indiquant, en tant que modalité, que l'arrêt de travail commence une minute avant la fin de l'horaire collectif de travail le soir et se termine une minute après le début de cet horaire le matin, a pour conséquence de permettre aux salariés d'être en grève pendant des travaux de maintenance et de sécurité effectués en-dehors des horaires collectifs de travail ; qu'en considérant que le préavis était irrégulier au motif inopérant qu'il visait, sous couvert de prévoir une minute d'arrêt de travail le matin et le soir pendant les horaires collectifs, les travaux de maintenance et de sécurité effectués entre ces deux minutes, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, a violé, par fausse application, l'article L. 2512-2 du code du travail ;
3°/ que la grève est licite dès lors qu'elle désorganise la production et non l'entreprise ; que ne désorganise pas l'entreprise mais seulement la production la grève qui, commençant chaque jour à la fin de l'horaire collectif de travail et se terminant le lendemain matin au début de cet horaire, permet les arrêts de travail pendant des travaux de maintenance et de sécurité et, partant, leur désorganisation ; qu'en considérant cette désorganisation comme une désorganisation de l'entreprise, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 2511-1 du code du travail ;
4°/ que la rémunération des salariés grévistes doit subir un abattement proportionnel à la durée de l'arrêt de travail ; qu'en considérant le mouvement de grève comme illicite au motif que celui-ci n'ayant pas été total n'avait pas entraîné la cessation complète de la rémunération, la cour d'appel, qui aurait dû considérer le mouvement comme licite dès lors que les salariés grévistes n'étaient rémunérés, ni pendant les deux minutes de l'horaire collectif de travail, ni pendant les travaux de maintenance et de sécurité, ce qui était conforme au principe de la proportionnalité de la rémunération, n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, violant ainsi, par fausse application, l'article L. 2511-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
5°/ que les salariés, qui sont seuls titulaires du droit de grève, ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis ; qu'ils peuvent rejoindre le mouvement de grève pendant la période fixée par le préavis ; que la cour d'appel, qui a considéré comme illicite le préavis en ce qu'il permettait aux salariés de se mettre en grève au dernier moment avant les travaux de maintenance et de sécurité, a violé, par fausse application, l'article L. 2512-2 du code du travail ;
6°/ que le préavis doit préciser la durée limitée ou illimitée du mouvement de grève envisagé ; qu'en relevant que la durée illimitée du préavis avait désorganisé l'entreprise au motif qu'en conséquence de ce caractère illimité, les travaux de maintenance et de sécurité avaient été désorganisés, quand ces circonstances caractérisaient une désorganisation de la production et qu'un préavis pour une grève illimitée n'est pas illicite, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 2511-1 du code du travail et, par fausse application l'article L. 2512-1 du même code ;
7°/ que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ; qu'en l'absence de réglementation par le législateur du droit de grève dans les services publics, il appartient aux ministres responsables du bon fonctionnement des services publics placés sous leur autorité, de fixer eux-mêmes, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, en ce qui concerne ces services, la nature et l'étendue des limitations qui peuvent être apportées au droit de grève en vue d'éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public ; qu'il ne leur appartient pas de préciser les modalités d'exercice du droit de grève dans les établissements placés sous leur tutelle ; que s'il appartient aux chefs de service des établissements publics de fixer ces modalités, de façon compatible avec la continuité du service public, ils n'y sont pas tenus ; qu'en considérant comme illicite un mouvement de grève atteignant des activités de maintenance et de sécurité au motif que la participation des salariés à ces activités était imposée par les contrats de travail, la circulaire PERS 194 et le Guide permanent de réglementation et de rémunération de l'activité, quand l'exercice du droit de grève n'était pas réglementé dans ces activités, la cour d'appel a excédé l'étendue de ses pouvoirs, en méconnaissance de l'alinéa 7 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 repris par le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, ensemble la circulaire PERS 194, le Guide permanent de réglementation et de rémunération de l'activité et l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a relevé qu'il n'était pas contesté que la grève était intervenue pendant un arrêt de tranche durant lequel des horaires et des tâches différents peuvent être demandés aux salariés travaillant en service discontinu conformément aux dispositions de leurs contrats de travail et de la circulaire Pers 194 ;
Attendu, ensuite, que la grève est la cessation collective et concertée de travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles ; qu'elle ne peut, dès lors, être limitée à une obligation particulière du contrat de travail ;
Et attendu que la cour d'appel a retenu que le mouvement ne portait pas en réalité sur les deux minutes situées au début et à la fin de l'horaire normal de travail, mais emportait seulement l'inexécution par les salariés de certaines de leurs obligations correspondant aux tâches spécifiques susceptibles de leur être demandées pendant les travaux de maintenance des installations nucléaires ; qu'en l'état de ces énonciations dont il résulte que le mouvement ne tendait qu'à permettre aux salariés de refuser d'être à la disposition de l'employeur en dehors de leur horaire normal de travail pour l'exécution d'obligations particulières, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, décidé à bon droit qu'un tel mouvement ne pouvait constituer une grève ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le syndicat CGT Centre nucléaire de production électrique de Paluel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour le syndicat CGT Centre nucléaire de production électrique de Paluel.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné le Syndicat CGT CNPE EDF PALUEL à verser à la Société EDF la somme de 1 à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la Société EDF dispose de 20 Centres nucléaires de production d'électricité (CNPE) ; qu'au sein de chacun d'eux, et compte tenu des activités, le temps de travail est de deux types : continu ou discontinu ; que les services continus sont ceux pour lesquels les agents travaillent en 2 x 8 ou en 3 x 8, travail dit posté (ils ne sont pas concernés par le litige) ; que les services discontinus sont ceux au sein desquels les agents travaillent selon un horaire collectif de référence de 8 heures à 17 heures du lundi au vendredi ; qu'en raison de la survenance d'opérations de chargement et de déchargement de combustible, d'évaluation de combustible et de maintenance, ces agents peuvent être amenés à travailler ponctuellement soit en continu, soit en horaires décalés (modification de l'horaire de travail sur une période maximale de 24 heures) ; que de décembre 2002 à avril 2003, un mouvement de grève a affecté près de la moitié des CNPE ; qu'au cours d'un arrêt de tranche relatif à des opérations de maintenance d'un réacteur, le 23 janvier 2003, le syndicat CGT du CNPE de PALUEL a déposé un préavis de grève dans les termes suivants : « Dans l'hypothèse où les négociations qui doivent s'engager ne permettraient pas d'aboutir à des réponses satisfaisantes, les organisations syndicales CGT et UFICT/CGT appellent l'ensemble des personnels des services concernés (discontinus) : A partir du mercredi 29 janvier 2003, et pour une durée illimitée, à la cessation du travail : tous les jours de 16H59 à 8H01 le lendemain matin et la totalité de tous les week-ends du vendredi 16H59 au lundi 8H01, ainsi qu'à l'arrêt de tous les travaux postés » ; que ce mouvement, qui concernait donc uniquement les agents des services discontinus, a cessé le 1er avril 2003 ;
QUE, sur l'exécution défectueuse du contrat de travail, la Société EDF soutient qu'il n'y a pas eu cessation collective et concertée du travail mais la mise en place d'un mouvement qui, sous couvert de deux minutes de grève, habilement positionnées, permettait aux agents de refuser des heures supplémentaires dans le cadre des astreintes, ainsi que des horaires décalés programmés à l'avance et des interventions en travail posté programmées à l'avance ; qu'il est certain que la grève ne portait pas réellement sur les deux minutes, situées, l'une en début et l'autre en fin de l'horaire habituel de la journée, qui n'aurait eu que des conséquences insignifiantes sur l'activité de l'entreprise, mais bien sur tous les travaux pouvant se situer en dehors de l'horaire normal de travail et correspondant aux travaux effectués pendant les arrêts de tranche : heures supplémentaires, travail de nuit, travail posté, travail le week-end ; que d'ailleurs il n'est pas contesté que le préavis est intervenu pendant un arrêt de tranche où ces horaires différents étaient demandés aux salariés ; qu'il s'agit, comme le soutient EDF, d'une grève portant seulement sur certaines obligations du contrat de travail puisqu'il est constant que les salariés ne travaillaient pas de façon continue entre 17 H et 8 H du matin ou le week-end mais étaient susceptibles et pour certains seulement de travailler si nécessaire pendant une certaine partie de cette période, à la demande de l'employeur, et conformément aux dispositions précises sur ce point de leur contrat de travail, telles que mentionnées dans la circulaire PERS 194 et le Guide permanent de Réglementation et de rémunération de l'activité ; que même si l'horaire de cessation de travail était en principe commun à tous les salariés, les grévistes refusaient donc d'exécuter une partie seulement de leurs tâches, alors que la cessation du travail doit porter sur la totalité de celles-ci ; qu'EDF fait exactement valoir que ces dispositions étaient de nature à empêcher toutes les interventions de maintenance ou d'évacuation de combustible programmées pour être réalisées en continu et ont entraîné une importante désorganisation des arrêts de tranche qui sont nécessairement programmés pour chaque centrale plusieurs années à l'avance ; que, si le syndicat soutient avec raison qu'une grève générale illimitée aurait eu les mêmes conséquences, il est certain qu'elle aurait aussi entraîné la cessation totale de rémunération des grévistes, ce qui n'était pas le cas à EDF à l'époque, d'une grève de 2 minutes ; qu'en outre, un arrêt complet du travail, ou au moins d'une durée plus longue, aurait permis à l'employeur une anticipation sur le nombre de grévistes permettant un minimum d'organisation ; que, dans ces modalités, la grève avait ainsi pour objet principal de désorganiser l'entreprise, puisque les agents étaient amenés à se positionner en tant que participants ou non au mouvement, chaque jour au dernier moment ; que le CNPE devait donc gérer les activités de maintenance et d'évacuation du combustible avec une visibilité de ressources humaines qui était au minimum d'une minute, ce qui a entraîné une durée anormale d'arrêt de tranche et le décalage de l'ensemble des travaux programmés sur l'ensemble des centrales ;
ET QUE, sur le préavis, EDF considère que, si un préavis unique peut porter sur des arrêts de travail d'une durée limitée étalés sur plusieurs jours, encore faut-il pour que le préavis réponde aux conditions légales, que le nombre de jours soit mentionné ; que la seule obligation légale est celle d'indiquer dans le préavis la durée imitée ou non du mouvement, et il ne peut donc être exigé de limiter dans le temps la validité d'un préavis portant sur un horaire précis de la journée ; que par contre, il faut pour que la grève soit licite que ce caractère illimité ne procède pas de la volonté de désorganiser l'entreprise ; qu'en l'espèce le caractère illimité des arrêts de travail était de nature à empêcher indéfiniment EDF de programmer et d'exécuter les travaux indispensables de sécurité et de déchargement et rechargement du combustible nucléaire ; qu'il résulte de ces éléments qu'est illicite la grève « minute » illimitée déclenchée par le syndicat CGT, entraînant non pas une diminution de la production, mais bien une désorganisation voulue de l'entreprise ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE la grève est constituée par la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles ; que l'exercice du droit de grève suspend l'exécution du contrat de travail pendant toute la durée de l'arrêt de travail en sorte que l'employeur est délié de l'obligation de payer le salaire ; que le salarié qui s'est associé au mouvement de grève doit être légalement considéré, sauf preuve contraire de sa part, comme gréviste pendant toute la durée du mouvement ; que ne constitue pas un manquement à ses obligations contractuelles l'absence complète de travail d'un salarié, quelle que soit la nature de ce travail, pendant la durée d'un mouvement concerté et collectif d'arrêts de travail ; que, dans un tel cas, le salarié est considéré comme ayant manifesté sa volonté de participer à ce mouvement ; qu'ayant relevé que le préavis de grève avait prévu l'arrêt de tout travail pendant une plage horaire déterminée, la Cour d'appel, qui a considéré que l'arrêt des travaux de maintenance et de sécurité par les salariés grévistes pendant cette plage horaire constituait un manquement à leurs obligations contractuelles, n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, violant ainsi, par fausse application, l'article 1134 du Code civil et, par refus d'application, les articles L. 2511-1 et L. 2512-2 (anciennement L. 521-1 et L. 521-3) du Code du travail ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE dans les entreprises publiques, la cessation concertée du travail est précédée d'un préavis devant légalement mentionner l'heure du début ainsi que la durée limitée ou non de la grève envisagée, peu important par ailleurs les modalités choisies ; qu'est régulier le préavis mentionnant l'heure du début et de la fin de l'arrêt de travail quotidien devant se renouveler sur une période illimitée, et prévoyant la grève des salariés à l'intérieur de cette plage horaire ; qu'il importe peu que ce préavis indiquant, en tant que modalité, que l'arrêt de travail commence une minute avant la fin de l'horaire collectif de travail le soir et se termine une minute après le début de cet horaire le matin, a pour conséquence de permettre aux salariés d'être en grève pendant des travaux de maintenance et de sécurité effectués en-dehors des horaires collectifs de travail ; qu'en considérant que le préavis était irrégulier au motif inopérant qu'il visait, sous couvert de prévoir une minute d'arrêt de travail le matin et le soir pendant les horaires collectifs, les travaux de maintenance et de sécurité effectués entre ces deux minutes, la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, a violé, par fausse application, l'article L. 2512-2 (anciennement L. 521-2) du Code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la grève est licite dès lors qu'elle désorganise la production et non l'entreprise ; que ne désorganise pas l'entreprise mais seulement la production la grève qui, commençant chaque jour à la fin de l'horaire collectif de travail et se terminant le lendemain matin au début de cet horaire, permet les arrêts de travail pendant des travaux de maintenance et de sécurité et, partant, leur désorganisation ; qu'en considérant cette désorganisation comme une désorganisation de l'entreprise, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 2511-1 (anciennement L. 521-1) du Code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la rémunération des salariés grévistes doit subir un abattement proportionnel à la durée de l'arrêt de travail ; qu'en considérant le mouvement de grève comme illicite au motif que celui-ci n'ayant pas été total n'avait pas entraîné la cessation complète de la rémunération, la Cour d'appel, qui aurait dû considérer le mouvement comme licite dès lors que les salariés grévistes n'étaient rémunérés, ni pendant les deux minutes de l'horaire collectif de travail, ni pendant les travaux de maintenance et de sécurité, ce qui était conforme au principe de la proportionnalité de la rémunération, n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, violant ainsi, par fausse application, l'article L. 2511-1 (anciennement L. 521-1) du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE les salariés, qui sont seuls titulaires du droit de grève, ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis ; qu'ils peuvent rejoindre le mouvement de grève pendant la période fixée par le préavis ; que la Cour d'appel, qui a considéré comme illicite le préavis en ce qu'il permettait aux salariés de se mettre en grève au dernier moment avant les travaux de maintenance et de sécurité, a violé, par fausse application, l'article L. 2512-2 (anciennement L. 521-3) du Code du travail ;
ALORS, DE SIXIEME PART, QUE le préavis doit préciser la durée limitée ou illimitée du mouvement de grève envisagé ; qu'en relevant que la durée illimitée du préavis avait désorganisé l'entreprise au motif qu'en conséquence de ce caractère illimité, les travaux de maintenance et de sécurité avaient été désorganisés, quand ces circonstances caractérisaient une désorganisation de la production et qu'un préavis pour une grève illimitée n'est pas illicite, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 2511-1 (anciennement L. 521-1) du Code du travail et, par fausse application l'article L. 2512-1 (anciennement L. 521-2) du même Code ;
ET ALORS ENFIN QUE le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ; qu'en l'absence de réglementation par le législateur du droit de grève dans les services publics, il appartient aux ministres responsables du bon fonctionnement des services publics placés sous leur autorité, de fixer eux mêmes, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, en ce qui concerne ces services, la nature et l'étendue des limitations qui peuvent être apportées au droit de grève en vue d'éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public ; qu'il ne leur appartient pas de préciser les modalités d'exercice du droit de grève dans les établissements placés sous leur tutelle ; que s'il appartient aux chefs de service des établissements publics de fixer ces modalités, de façon compatible avec la continuité du service public, ils n'y sont pas tenus ; qu'en considérant comme illicite un mouvement de grève atteignant des activités de maintenance et de sécurité au motif que la participation des salariés à ces activités était imposée par les contrats de travail, la Circulaire PERS 194 et le Guide Permanent de Réglementation et de rémunération de l'activité, quand l'exercice du droit de grève n'était pas réglementé dans ces activités, la Cour d'appel a excédé l'étendue de ses pouvoirs, en méconnaissance de l'alinéa 7 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 repris par le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, ensemble la Circulaire PERS 194, le Guide Permanent de Réglementation et de rémunération de l'activité et l'article 1134 du Code civil.