Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 mai 2007, présentée pour M. Michel A, ... ;
M. A, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502087, en date du 15 février 2007, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2002 ;
2°) de prononcer la décharge de ladite cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de mettre à la charge de l'Etat, à son bénéfice, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A soutient, qu'à la suite d'une vérification de comptabilité il a fait l'objet d'un redressement en matière de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'année 2002, après que le service vérificateur a considéré que l'indemnité qui lui a été allouée par la Cour d'Appel de Paris présentait le caractère d'une recette d'exploitation, imposable au taux de droit commun, et non d'une plus-value à long terme, au motif qu'il s'agissait d'une indemnité dont l'objet était de l'indemniser des conditions de la rupture de son contrat de concession ; que ce contrat n'ayant pas été immobilisé, l'administration, sans définir la nature de l'indemnité, a considéré par un raisonnement à contrario qu'elle devait être traitée fiscalement comme une recette ordinaire d'exploitation ; que la question qui était posée au Tribunal ne se limitait pas à rechercher, en aval, si l'indemnité en cause se rapportait ou non à un élément de l'actif immobilisé mais à rechercher, en amont, la nature et l'objet de cette indemnité ; que la réponse doit être recherchée dans la lecture du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris et de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris ; que, selon ces décisions de justice, l'indemnité que la société Rover France a été condamnée à lui verser avait pour objet de l'indemniser de l'échec de la vente de son fonds de commerce, du fait du comportement fautif de cette dernière et non de la rupture du contrat de concession ; qu'ainsi l'indemnité était destinée à compenser la perte de chance de vendre son fonds de commerce, perte de chance qui est devenue définitive du fait de la rupture intempestive du contrat de concession ; que c'est à tort que l'administration a considéré que l'indemnité litigieuse avait pour objet de réparer la rupture du contrat de concession ; que l'indemnité était destinée à compenser la dépréciation d'un élément de l'actif immobilisé puisque les fonds de commerce sont considérés, au plan fiscal, comme des actifs immobilisés par nature ; que le Tribunal a commis une erreur en estimant que cette indemnité était la contrepartie de la perte du contrat de concession ; que, conformément à la doctrine administrative, les indemnités qui ont pour objet de compenser la perte d'un élément d'actif ou la dépréciation d'un fonds de commerce doivent être assimilées à une plus-value provenant de la cession d'un élément de l'actif immobilisé et sont soumises, à ce titre, au régime d'imposition des plus-values ; que l'indemnité qui lui a été versée doit suivre le régime des plus-values à long terme ; que c'est à tort qu'elle a été imposée au taux normal ; qu'il pouvait prétendre au bénéfice de l'exonération prévue à l'article 151 septies du code général des impôts puisque les recettes provenant de son seul bénéfice industriel et commercial ne dépassaient pas les limites requises ; que l'administration ne peut additionner son bénéfice industriel et commercial personnel et sa quote-part de résultat lui revenant dans l'EURL, dès lors que, dans son instruction 4 G 2- 99 n° 7 du 20 juillet 1999, elle a estimé que lorsqu'un contribuable est associé ou membre d'une société de personnes, il n'y a pas lieu de tenir compte du chiffre d'affaires réalisé par cette société ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu enregistré au greffe le 22 octobre 2007, le mémoire en défense présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'indemnité litigieuse a été versée à l'intéressé en 2002 ; que la circonstance que la Cour de cassation a, postérieurement à l'année d'imposition, cassé l'arrêt de la Cour d'appel est sans incidence, la créance étant certaine, tant dans son principe que dans son montant, à la date de clôture de l'exercice clos en 2002 ; que le service vérificateur a considéré que dès lors que la société Rover France disposait du pouvoir unilatéral de résilier le contrat de concession à tout moment, à sa seule initiative et sans indemnité, ce contrat ne pouvait pas constituer un élément de l'actif immobilisé ; que l'indemnité compensatrice allouée par la Cour d'appel ne pouvait pas, en conséquence, être considérée comme constitutive d'une plus-value à long terme sur l'actif immobilisé, mais devait être appréhendée comme une recette d'exploitation imposable à l'impôt sur le revenu au taux de droit commun ; que la jurisprudence considère que ne doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé de l'entreprise que les droits constituant une source régulière de profits dotés d'une pérennité suffisante et susceptibles de faire l'objet d'une cession ; que tel n'était pas le cas en l'espèce, du fait des clauses de résiliation unilatérale, du contrat de concession en question ; que, dans la mesure où la valeur d'un fonds de commerce s'apprécie en fonction du chiffre d'affaires, le service a estimé que l'indemnité versée avait pour objet de compenser la perte de produits d'exploitation et non celle d'un élément d'actif immobilisé ; qu'à supposer que cette indemnité soit regardée comme compensant la perte d'un élément d'actif, la plus-value professionnelle qui en résulterait ne serait pas, pour autant, exonérée d'imposition ; qu'en effet, l'article 151 septies IV du code général des impôts, applicable à compter de 2004, prévoit que lorsque le contribuable exploite personnellement plusieurs entreprises, le montant des recettes à comparer aux seuils légaux d'exonération est le montant total des recettes réalisées dans l'ensemble de ces entreprises ; que, pour la période antérieure, le bénéfice de l'exonération devait être apprécié sur le fondement de l'ensemble des règles régissant le champ d'application des régimes d'imposition ; que tel est le sens de la réponse ministérielle Martin du 30 janvier 2002 ; qu'ainsi, l'article 50-0 du code général des impôts prévoyait que dans le cas où un contribuable exploite personnellement plusieurs entreprises commerciales, il convenait de globaliser les recettes annuelles réalisées dans chacune d'elles ; qu'il convient, au titre de l'article 151 septies du code général des impôts alors applicable, de faire masse des divers bénéfices industriels et commerciaux de M. A afin d'apprécier le seuil d'exonération ; que si M. A se prévaut de la doctrine administrative 4 G 2-99, il a participé, à titre individuel, à plusieurs entreprises commerciales au sein desquelles seules deux EURL constituent des sociétés de personnes ; que, toutefois, en vertu de l'article 238 bis K II du code général des impôts, l'associé unique étant une personne physique, la part de bénéfice est déterminée et imposée en tenant compte de la nature de l'activité et du montant des recettes de l'entreprise ; que l'activité des deux EURL étant commerciale elle relève de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que c'est donc les recettes commerciales provenant de l'ensemble des entreprises commerciales de M. A qu'il y a lieu de retenir ; que les seuls bénéfices commerciaux de l'entreprise Michel A et de l'EURL Europe Automobile dépassent le seuil d'exonération ; que l'impôt sur le revenu correspondant à la plus-value s'élèverait à 21 920 euros et le dégrèvement se trouverait limité à 34 783 euros, dans la mesure où l'imposition supplémentaire a été établie pour un montant de 56 703 euros ;
Vu enregistré le 17 mars 2008, le mémoire présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 2009 :
- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Raisson, rapporteur public ;
Considérant que M. A était titulaire, pour une durée indéterminée, depuis le 1er décembre 1986, d'un contrat de concession automobile conclu avec la société Rover France, pour la vente exclusive de véhicules automobiles et de pièces commercialisés par la concédante ; que, le 7 décembre 1994, il a signé une promesse de vente de son fonds de commerce de garage pour un prix de 1 000 000 francs, avec, notamment, la condition suspensive d'obtention de l'agrément de l'acquéreur par la société Rover France ; que, par courrier du 24 mai 1995, cette dernière, qui n'a pas donné son agrément, a décidé de mettre fin au contrat qui la liait à M. A ; que celui-ci a obtenu, par un arrêt du 2 mai 2002, de la Cour d'Appel de Paris, la condamnation de la société Rover France à lui verser la somme de 137 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait du comportement fautif de celle-ci ; que M. A a déclaré cette indemnité, au titre de l'année 2002, comme plus-value à long terme et l'a placée sous un régime d'exonération ; que, pour sa part, l'administration fiscale, à l'issue d'une vérification ponctuelle de comptabilité, a regardé cette somme comme une recette d'exploitation imposable selon le droit commun ; que la Cour de cassation a, le 5 octobre 2004, cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris pour défaut de base légale et renvoyé les parties devant cette même Cour ; que, cependant, ces dernières se sont conformées au dispositif de l'arrêt de la Cour d'appel, dans le cadre d'un protocole d'accord du 19 mars 2007, sans qu'il y ait intervention d'une autre décision de justice ; que M. A fait appel du jugement du Tribunal administratif de Dijon du 15 février 2007, qui a rejeté sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti en 2002, au titre des bénéfices industriels et commerciaux ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ; qu'aux termes de l'article 39 duodecies du même code : 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. / 2. Le régime des plus values à court terme est applicable : / a) / Aux plus-values résultant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans (...) ; / 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2. (...) ;
Considérant que ne doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé de l'entreprise que les droits constituant une source régulière de profits, dotés d'une pérennité suffisante et susceptibles de faire l'objet d'une cession ;
Considérant qu'après avoir estimé que la SA Rover France avait manqué à son devoir de loyauté contractuelle et résilié abusivement le contrat de concession qui la liait à M. A, depuis le 1er décembre 1986, la Cour d'appel de Paris l'a, par l'arrêt susmentionné du 2 mai 2002, condamnée à verser à M. A une indemnité de 137 000 euros en réparation des préjudices subis par celui-ci et résultant d'une perte de bénéfices, de son éviction du contrat de concession et d'une perte de chance de vendre son fonds de commerce à un prix avantageux ; qu'en premier lieu, l'indemnité litigieuse, en tant qu'elle a été versée au titre d'une perte de bénéfices, constitue une recette d'exploitation imposable au taux de droit commun ; qu'en second lieu, et ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Dijon, si le contrat de concession du 1er décembre 1986, conclu entre M. A et la société Rover France, était à durée indéterminée, la clause 8 de l'annexe IV audit contrat prévoyait que chaque partie était libre d'y mettre fin à tout moment, sans avoir à justifier sa décision, sous réserve d'un préavis de douze mois ; que la même clause prévoyait, par ailleurs, de nombreux cas de résiliation immédiate, certains à la seule initiative de la société concédante et concernant de multiples aspects du fonctionnement de l'entreprise du concessionnaire ; que, dès lors, ce contrat, qui ne conférait pas à M. A des droits dotés d'une pérennité suffisante, ne constituait pas un élément incorporel de l'actif immobilisé de sorte que l'indemnité litigieuse, en tant qu'elle a été allouée au titre de l'éviction de M. A dudit contrat, a pour objet non de compenser la perte d'un élément d'actif immobilisé mais celle de recettes d'exploitation ; qu'en troisième lieu, l'indemnité en cause, en tant qu'elle est destinée à réparer la perte de chance pour M. A de vendre son fonds de commerce à un prix avantageux a pour objet de compenser la dépréciation de ce fonds de commerce ; qu'elle apparaît, en conséquence, dans cette mesure, comme engendrant une plus-value de même nature que celle provenant de la cession d'un élément d'actif immobilisé ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux demandes de M. A devant la Cour d'appel de Paris, cette dernière fraction d'indemnité doit être regardée comme représentant le tiers de la somme globale qui lui a été allouée, soit 45 666 euros ;
Considérant qu'aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : Les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité artisanale, commerciale ou libérale par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas le double de la limite des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter, appréciée toutes taxes comprises sont exonérées, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, et que le bien n'entre pas dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G. (...) ; et qu'aux termes de l'article 50-0 du même code dans sa rédaction applicable : 1. Les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année civile, n'excède pas 76 300 euros hors taxes s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement, ou 27 000 euros hors taxes s'il s'agit d'autres entreprises, sont soumises au régime défini au présent article pour l'imposition de leurs bénéfices . (...) 2. Sont exclus de ce régime : a. Les contribuables qui exploitent plusieurs entreprises dont le total des chiffres d'affaires excède les limites mentionnées au premier alinéa du 1, appréciées, s'il y a lieu, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de ce même 1. (...) ;
Considérant que l'administration fiscale soutient que M. A ayant participé, à titre individuel, à plusieurs entreprises commerciales, dont deux EURL constituant des sociétés de personnes, il ne pourrait prétendre à aucune exonération de plus-value dès lors que le chiffre d'affaires cumulé de ces entreprises excèderait le seuil au-delà duquel est exclu le régime d'exonération prévu à l'article 151 septies ; que, toutefois, la circonstance que M. A était associé unique de deux EURL ne constitue pas l'exploitation personnelle d'entreprises ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que M. A était exclu du bénéfice de l'exonération prévue à l'article 151 septies du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2002 à raison d'une réduction de son bénéfice commercial de 45 666 euros et à demander la réformation, dans cette limite, du jugement attaqué, du 15 février 2007, du Tribunal administratif de Dijon ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de M. A, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. A au titre de l'année 2002, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, est réduite d'une somme de 45 666 euros.
Article 2 : M. A est déchargé des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 15
février 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2009 à laquelle siégeaient :
M. Bernault, président de chambre,
M. Montsec, président-assesseur,
Mme Besson-Ledey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2009.
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N° 07LY01065