LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 31 octobre 2007), que par télécopie du 11 février 2002, adressée à la société Axa France IARD (l'assureur), la société Bouchons franco-portugais (BFP) sollicitait, par l'intermédiaire de son courtier d'assurance, la souscription d'une assurance couvrant sa responsabilité civile professionnelle ; que le 6 juin 2002, la société BFP a signé avec l'assureur une police d'assurance ; que le 2 décembre 2005, l'assureur a assigné la société BFP devant un tribunal de commerce afin de voir prononcer la nullité du contrat d'assurance, sur le fondement de l'article L. 113-8 du code des assurances, en reprochant à son assurée de lui avoir fourni, par l'intermédiaire de son courtier, pour établir le contrat d'assurance, des informations inexactes, ce qui avait eu pour conséquence de modifier l'appréciation du risque assuré ;
Attendu que la société BFP fait grief à l'arrêt d' annuler la police d'assurance, alors, selon le moyen, que faute de produire un questionnaire sur les circonstances de nature à faire apprécier l'objet du risque pris en charge auquel l'assuré était tenu de répondre avant la conclusion du contrat, l'assureur n'apporte pas la preuve d'une déclaration intentionnelle faite de mauvaise foi ; qu'en retenant l'existence d'une déclaration intentionnelle faite de mauvaise foi par l'assuré sur le point de savoir si celui-ci avait déjà fait l'objet de "mise en cause" ou de "réclamations" antérieures, cependant qu'elle avait elle-même constaté que la société BFP n'avait eu à répondre à aucun questionnaire et n'avait par conséquent pas eu à s'expliquer sur ses activités, sur les risques présentés par celles-ci, ni sur ses antécédents, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 113-2 et L. 113-8 du code des assurances ;
Mais attendu que si les dispositions de l'article L. 113-2,2° du code des assurances imposent à l'assuré d'informer l'assureur des circonstances de nature à lui faire apprécier le risque qu'il prend en charge, lorsque lui sont posées des questions, le juge peut prendre en compte, pour apprécier l'existence d'une fausse déclaration intentionnelle prévue à l'article L. 113-8 du même code, les déclarations faites par l'assuré à sa seule initiative lors de la conclusion du contrat ;
Et attendu que la cour d'appel, ayant constaté que la société BFP avait signé une déclaration contenue dans les conditions particulières de la police d'assurance, selon laquelle elle n'avait fait l'objet d'aucune réclamation au cours des cinq années précédant la souscription du contrat, alors qu'elle avait été attraite en justice pour deux sinistres différents, en a tenu compte à juste titre et a souverainement décidé que cette déclaration était fausse et intentionnelle et qu'elle avait diminué l'opinion du risque pour l'assureur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres branches du moyen qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bouchon franco-portugais La Maison du liège aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bouchon franco-portugais La Maison du liège à payer à la société Axa France IARD la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Bouchon franco-portugais La Maison du liège.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la police d'assurance n°1814677204 souscrite par la société BOUCHONS FRANCO-PORTUGAIS au titre de sa responsabilité civile professionnelle auprès de la société AXA ;
1° AUX MOTIFS QUE « sur la formation du contrat et le fondement de l'action ; la SA AXA FRANCE IARD cite l'article L. 113-2 du Code des assurances aux termes duquel « l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge », mais elle fonde son action sur l'article L. 113-8 qui stipule que le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre ; qu'il est demandé l'annulation de la police n°0000001814677204 souscrite le 6 juin 2002 après acceptation par l'assureur de l'offre de souscription présentée par la SAS BOUCHONS FRANCO-PORTUGAIS par l'intermédiaire de son courtier, la société LSN ASSURANCES, contenant les indications jugées suffisantes par les deux parties concernant son activité et les risques présentés par celle-ci ainsi que ses antécédents ; qu'il a bien existé sous la forme d'une télécopie du 11 février 2002 une proposition d'assurance transmise par LSN à AXA et portant l'indication par celle-ci de son accord aux conditions y définies avec majoration de 15% de la prime ; que si les développements de l'appelante sur l'absence de questionnaire présenté par l'assureur sont dans ces conditions sans incidence, son observation selon laquelle l'assureur acceptant l'offre de souscription de l'assuré n'est pas dispensé de rechercher des renseignements complémentaires par le biais d'un questionnaire conserve sa pertinence ; mais attendu qu'en l'espèce l'assureur a pu légitimement s'estimer suffisamment édifié sur l'objet du risque alors que l'approbation par la signature de la police de la SAS BFP du paragraphe des conditions particulières aux termes duquel elle déclarait, en application des conditions générales, qu'à sa connaissance elle n'avait fait l'objet d'aucune réclamation au cours des cinq années précédent la souscription du contrat se trouvait confortée par la teneur de la télécopie adressée le 11 février 2002 par LSN indiquant qu'au titre des antécédents la SAS BFP « n'avait pas de garantie responsabilité civile depuis le 1er janvier 1995 sans aucune mise en cause depuis cette date » ; que la SAS BFP se trouvait engagée par les déclarations de son mandataire et ne prétend pas à leur fausseté et par ailleurs le fait qu'elle se soit précisément trouvée assistée par un professionnel de l'assurance prive de toute portée le débat sémantique qu'elle entend soutenir sur la portée des termes « réclamation » ou « mise en cause » p. 4 al. 4 à p. 5 al. 2 » ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE faute de produire un questionnaire sur les circonstances de nature à faire apprécier l'objet du risque pris en charge auquel l'assuré était tenu de répondre avant la conclusion du contrat, l'assureur n'apporte pas la preuve d'une déclaration intentionnelle faite de mauvaise foi ; qu'en retenant l'existence d'une déclaration intentionnelle faite de mauvaise foi par l'assuré sur le point de savoir si celui-ci avait déjà fait l'objet de « mise en cause » ou de « réclamations » antérieures, cependant qu'elle avait elle-même constaté que la société BOUCHONS FRANCO-PORTUGAIS n'avait eu à répondre à aucun questionnaire et n'avait par conséquent pas eu à s'expliquer sur ses activités, sur les risques présentés par celles-ci, ni sur ses antécédents, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 113-2 et L. 113-8 du Code des assurances ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'une simple demande de renseignements ne comportant aucune offre de prix ne peut être qualifiée de proposition de contrat de nature à engager l'assuré ; qu'en qualifiant de proposition de contrat la télécopie du 11 février 2002, cependant que, par ce courrier qui ne comportait aucune offre de prix émanant de la société BOUCHONS FRANCO-PORTUGAIS, le courtier demandait seulement à l'assureur « vous voudrez bien m'indiquer à quelles conditions vous seriez susceptible de vous intéresser à cette affaire », ce dont il résultait qu'il n'était pas suffisant pour établir l'accord de l'assurée quant aux conditions proposées par l'assureur et qu'il ne pouvait dès lors être qualifié que de simple demande de renseignements, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 112-2 du Code des assurances ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la connaissance des termes du contrat par les parties s'apprécie en la personne même de ces parties ; que l'assuré ne peut se voir reprocher d'avoir intentionnellement procédé à une déclaration inexacte si la formule employée prêtait à confusion ; qu'en se bornant à retenir que la société BOUCHONS FRANCO-PORTUGAIS était « assistée par un professionnel de l'assurance », sans rechercher si les termes « réclamation » ou « mise en cause » ne prêtaient à aucune confusion et si la société assurée en avait par conséquent eu personnellement une connaissance suffisamment claire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-2 et L. 113-8 du Code des assurances ;
2° AUX MOTIFS QUE « sur la renonciation de la SA AXA FRANCE IARD à se prévaloir des irrégularités dénoncées ; que l'appelante fait valoir qu'AXA a continué à percevoir les primes d'assurance, a renouvelé le contrat à son échéance du 1er juillet 2005 en majorant la prime et lui a même délivré le 31 janvier 2006 une attestation d'assurance sans aucune réserve, manifestant par ces actes positifs sa renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat pour fausses déclarations intentionnelles ; qu'elle vise l'article L. 113-4 du Code des assurances aux termes duquel l'assureur ne peut plus se prévaloir de l'aggravation du risque en cours de contrat quand, après en avoir été informé de quelque manière que ce soit, il a manifesté son consentement au maintien de l'assurance, l'intimée répliquant que l'annulation du contrat n'a pas pour fondement l'aggravation du risque en cours de contrat mais la fausse déclaration intentionnelle lors de la formation du contrat ; mais attendu que l'intimée répond utilement que les primes ont en l'espèce été appelées par LSN ASSURANCES et que la perception de primes par un courtier, mandataire de l'assuré et non de la compagnie d'assurance, ne constitue pas un acte positif de renonciation de l'assureur à se prévaloir de la nullité du contrat ; que l'appelante fait valoir d'autre part qu'AXA, ayant été destinataire fin 2003 de la part de LSN d'une plaquette de présentation de l'entreprise mentionnant l'existence de ses filiales et de ses rapports avec la société SOLICOR et ayant eu connaissance de la lettre du 6 août 2004 qu'elle avait adressée le 2 septembre 2004 au mandataire d'AXA, le cabinet d'expertise CEVAQOE, avec accusé de réception du 3 novembre 2004 et faisant état de la décharge de responsabilité donnée à SOLICOR, disposait dès le mois de novembre 2004 de tous les éléments d'information sur le risque assuré et avait la faculté de dénoncer le contrat alors qu'elle n'avait engagé son action qu'en décembre 2005 ; que l'intimée répond : - que c'est par un bordereau de pièces en date du 1er septembre 2005 communiqué par le conseil de la SCEA CHATEAU LAFITTE et faisant état des différentes décisions de justice rendues à l'encontre de la SAS BFP qu'elle avait découvert l'existence des sinistres survenus antérieurement à la souscription du contrat ; - que c'est par le rapport d‘expertise LATEYRON déposé en mars 2006 dans le cadre de la procédure DOMAINE DE PEYRONNIE qu'elle a eu confirmation de la vente par la SAS BFP en connaissance de cause de bouchons contaminés ; et que ce n'est ainsi qu'entre novembre 2004 et début 2006 qu'elle a progressivement recueilli les éléments d'information nécessaires à l'introduction de son action par une assignation du 2 décembre 2005 ; que c'est dans ces conditions que la police avait été renouvelée à son échéance de juillet 2005 et qu'une attestation d'assurance avait été délivrée pour le premier semestre 2006 ; qu'étant observé que la plaquette d'information et le courrier du 6 août 2004 cités par l'appelante ne constituaient que des éléments d'information très partiels il peut être admis qu'à partir de novembre 2004 AXA ait entendu les voir confirmer et il ne peut être tiré aucune conséquence du délai écoulé entre cette date et l'assignation ; qu'en dernier lieu l'appelante, visant l'article L. 113-17 du Code des assurances aux termes duquel l'assureur qui prend la direction du procès intenté à l'assuré est censé avoir renoncé à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès, fait valoir qu'AXA a, par son intervention dans plusieurs procédures l'impliquant, manifesté son intention d'assurer la défense de ses intérêts ; qu'elle cite la procédure l'opposant à la SCEA CHATEAU LAFITTE dans laquelle AXA a en juin 2005 mandaté un conseil afin de mettre en cause par assignation en intervention forcée la société SOLICOR à la requête commune d'AXA et de BFP et elle produit copie d'un courrier à elle adressé le 24 mars 2005 par le conseil d'AXA lui indiquant « avoir été mandaté par la compagnie AXA pour vous représenter dans la procédure qui a été engagée à votre encontre… » ; que l'intimée répond que la SAS BFP avait alors déjà son propre conseil et qu'en l'absence de conclusions communes l'intervention de son avocat n'était pas significative d'une prise de direction du procès, mais aussi plus utilement qu'une telle direction impliquerait d'admettre la connaissance par elle d'éléments d'information qui n'ont été portés à sa connaissance que postérieurement soit notamment en septembre 2005, ce qui rejoint les précédents motifs » p. 7 al. 5 à p. 8 der. al. ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'assureur qui continue à recevoir les primes après avoir été informé de quelque manière que ce soit d'une cause de nullité du contrat manifeste son consentement au maintien de l'assurance et donc sa renonciation à se prévaloir de cette nullité ; qu'en retenant que la perception des primes par le courtier n'aurait pas constitué un acte positif de renonciation de l'assureur à se prévaloir de la nullité du contrat, sans constater que les primes versées au courtier et destinées à l'assureur n'auraient pas in fine été encaissées par celui-ci, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-4 du Code des assurances et 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'assureur qui continue à recevoir les primes après avoir été informé de quelque manière que ce soit d'une cause de nullité du contrat manifeste son consentement au maintien de l'assurance et donc sa renonciation à se prévaloir de cette nullité ; qu'en l'espèce la société BOUCHONS FRANCO-PORTUGAIS faisait valoir que l'assureur avait renouvelé le contrat à son échéance du 1er juillet 2005 en majorant la prime et lui avait délivré, le 31 janvier 2006, une attestation d'assurance sans aucune réserve, et ce cependant que dès le mois de novembre 2004, il avait eu connaissance de deux des causes de nullité ultérieurement invoquées, à savoir l'existence d'une activité d'achat et de revente de liège distincte de l'activité professionnelle déclarée de vente de bouchons, et la décharge de responsabilité donnée à la société SOLICOR dans le cadre de cette activité distincte ; qu'en omettant de se prononcer sur le point de savoir si, alors qu'il avait connaissance d'une au moins des causes de nullité du contrat qu'il opposera ensuite à l'assuré, le renouvellement du contrat avec augmentation de la prime et la délivrance d'une attestation d'assurance sans réserve, ne traduisaient pas la volonté de l'assureur de maintenir un contrat dont il aurait déjà pu demander la nullité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-4 du Code des assurances et 1134 du Code civil.