LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a adhéré le 2 septembre 2000 à un contrat collectif d'assurance sur la vie souscrit par la Société générale auprès de la société Sogecap (l'assureur) ; que, le 9 novembre 2000, Mme Y... a également adhéré à ce contrat ; que, par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception du 28 juin et du 1er juillet 2002, M. X... et Mme Y... ont chacun déclaré renoncer au contrat, conformément aux dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction en vigueur à l'époque, en faisant valoir qu'aucune des dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances n'avait été respectée et que le délai de renonciation avait été en conséquence prorogé ; que, l'assureur ayant refusé de faire droit à leurs demandes, M. X... et Mme Y... l'ont assigné devant le tribunal de grande instance pour se voir reconnaître le bénéfice de la faculté de renonciation et obtenir la restitution des primes versées ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à restituer certaines sommes à M. X... et Mme Y..., alors, selon le moyen, que les modalités d'information des adhérents à un contrat d'assurance de groupe étaient, avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant modification des articles L. 132-5-1 et suivants du code des assurances, régies par les dispositions particulières de l'article L. 140-4 du même code, dont l'application excluait le jeu des dispositions générales de l'article L. 132-5-1 ; qu'en affirmant, au contraire, que les dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances, dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce, s'appliquaient aux contrats d'assurance de groupe, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que les dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances, dans leur rédaction alors en vigueur, s'appliquent à tout contrat d'assurance sur la vie, y compris aux contrat d'assurance de groupe ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'assureur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que lorsqu'une directive communautaire ne comporte aucune disposition spécifique assortissant de sanctions les obligations qu'elle entend mettre à la charge de personnes privées, l'article 10 du Traité CE impose aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir l'efficacité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif ; que, dans le souci de préserver le principe de sécurité juridique, l'article 30 de la directive 92 / 96 / CEE (devenu l'article 35 de la directive 2002 / 83 / CEE) impose, par des dispositions précises et inconditionnelles, aux Etats membres d'enfermer le droit de repentir du preneur d'assurance dans un délai compris entre 14 et 30 jours à compter du moment où celui- ci est informé que le contrat est conclu ; que cette directive n'établit pas de lien entre l'exercice de ce droit de repentir et l'obligation faite aux assureurs de fournir les informations prévues par son article 31 ; que la sanction instituée par l'article L. 132- 5- 1 du code des assurances, consistant, en cas d'insuffisance de l'information précontractuelle fournie au preneur d'assurance, à proroger indéfiniment le délai d'exercice de son droit de repentir, sans exiger de sa part la démonstration préalable d'un préjudice, n'est pas proportionnée aux objectifs poursuivis par la directive précitée ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 10 du Traité CE ;
Mais attendu que la finalité de la directive 2002 / 83 / CEE, telle qu'elle résulte de son préambule, est de veiller à garantir au preneur d'assurance le plus large accès aux produits d'assurance en lui assurant, pour profiter d'une concurrence accrue dans le cadre d'un marché unique de l'assurance, les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins, ce d'autant que la durée de ses engagements peut être très longue ; que, dès lors, pour être proportionnée à cet objectif, la sanction édictée n'a pas à être subordonnée à la démonstration préalable d'un préjudice subi par le preneur d'assurance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que l'assureur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1° / qu'il est toujours permis à un contractant de renoncer au bénéfice d'une règle d'ordre public de protection instituée en sa faveur pourvu que cette renonciation intervienne postérieurement à l'acquisition de son droit ; qu'en l'espèce, l'assureur invitait la cour d'appel à constater que M. X... avait nécessairement renoncé à se prévaloir du délai de réflexion et de rétractation institué en sa faveur par l'article L. 132-5-1 du code des assurances en décidant, postérieurement à la conclusion du contrat d'assurance vie, d'effectuer un nouveau versement d'un montant de 1 125 220 francs (171 538,68 euros), puis de nantir ce contrat d'assurance au profit de la Société générale, en garantie d'un prêt personnel consenti par cette dernière ; qu'en refusant de faire droit à ce moyen de défense, aux motifs erronés que le caractère d'ordre public du délai de réflexion institué par l'article L. 132-5-1 du code des assurances se serait par principe opposé à une telle renonciation et que le droit de rétractation ne serait pas né avant la remise effective de l'ensemble des informations dues au preneur d'assurance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2° / que la renonciation à un droit peut être tacite et s'évincer de tout acte de volonté incompatible avec l'exercice de ce droit ; que la décision du preneur d'assurance d'affecter son contrat d'assurance vie en nantissement à la garantie d'un prêt bancaire qui lui est octroyé est incompatible avec l'intention de se prévaloir ultérieurement de la faculté de rétractation instituée en sa faveur par l'article L. 132-5-1 du code des assurances ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a derechef violé le texte susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que, selon l'article L. 132-5-1 du code des assurances, le défaut de remise des documents et informations énumérées par l'alinéa 2 de ce texte entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu par son premier alinéa ; qu'en vertu de l'article L. 111-2 du code des assurances, ces dispositions sont d'ordre public ; que la renonciation au bénéfice des dispositions d'ordre public de l'article L. 132-5-1 n'est pas possible ;
Et attendu que l'arrêt retient que le droit de renonciation au contrat de M. X... et de Mme Y... ne peut être éteint par l'expiration du délai dans lequel il doit être exercé, avant qu'ils aient été en mesure de l'exercer de façon utile par la remise effective des documents dont s'agit ; que la renonciation au bénéfice du formalisme protecteur et d'ordre public énoncé à l'article L. 132-5-1 du code des assurances n'est pas possible puisque le droit n'avait pas pris naissance au moment où est intervenue la renonciation ;
Que par ces énonciations la cour d'appel a fait une exacte application des dispositions en cause ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à restituer certaines sommes à M. X... et Mme Y..., alors, selon le moyen :
1° / que le caractère discrétionnaire de la faculté de renonciation instaurée par l'article L. 132-5-1 du code des assurances a pour seule signification de dispenser l'assuré d'avoir à motiver son exercice et n'interdit pas au juge de sanctionner, le cas échéant, l'exercice abusif de ce droit ; qu'en l'espèce, l'assureur rappelait dans ses écritures que, postérieurement à la conclusion de son contrat d'assurance vie, M. X... avait successivement effectué un nouveau versement d'un montant de 1 125 220 francs (171 538,68 euros), puis décidé de nantir ce contrat d'assurance dans le but d'obtenir un prêt personnel de la Société générale ; qu'à la lumière de ces décisions, qui procédaient de l'intention de l'assuré de mobiliser son contrat d'assurance vie pour en retirer les utilités économiques, l'assureur soulignait que M. X... n'avait pu, de bonne foi, prétendre exercer ultérieurement son droit de renoncer au contrat au vu de l'évolution décevante de son placement ; qu'en refusant de rechercher, comme elle y était invitée, si M. X... n'avait pas, par là, abusé de son droit de renoncer au contrat d'assurance vie, au motif erroné que la faculté de renonciation instaurée par l'article L. 132-5-1 du code des assurances ne serait pas susceptible d'abus de la part du souscripteur, dont la bonne foi ne serait pas requise, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1134, alinéa 3, du code civil ;
2° / qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes que lorsqu'une directive communautaire ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation des prescriptions qu'elle édicte, l'article 10 du Traité CE impose aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif ; que la prorogation sans limitation de durée du délai d'exercice de la faculté de rétractation instituée en faveur du souscripteur ne peut revêtir le caractère d'une sanction proportionnée aux objectifs poursuivis par la directive 2002 / 83 / CEE si l'assureur se voit interdire d'invoquer, le cas échéant, un abus du souscripteur dans l'exercice différé de sa faculté de rétractation ; qu'en déniant à l'assureur la faculté d'invoquer un tel abus, la cour d'appel a violé l'article 10 du Traité CE ;
3° / que l'existence d'une faculté de rétractation est destinée à permettre au preneur d'assureur d'émettre un consentement éclairé au contrat d'assurance vie, à la faveur d'un bref délai de réflexion ; que la prorogation sans limitation de durée de cette faculté de rétractation, y compris lorsque le contrat a été exécuté pendant plusieurs années par un souscripteur qui en a tiré profit, aboutit en revanche à transformer la rétractation en une peine privée sanctionnant, indépendamment de toute preuve d'un grief, une insuffisance d'information, en faisant supporter par l'assureur l'intégralité des pertes financières de l'opération d'assurance, sans aucun pouvoir modérateur du juge ; qu'en considérant cette sanction, que le preneur d'assurance peut décider de mettre en oeuvre au moment de son choix et pour des considérations de pure opportunité, comme étant toujours juste et proportionnée, sans qu'il y ait place à un examen par le juge, au vu des circonstances de l'espèce, de l'éventuel abus ou de la mauvaise foi du preneur d'assurance à invoquer une insuffisance d'information, la cour d'appel a également violé l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit de toute personne au respect de ses biens ;
Mais attendu qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes que, lorsqu'une réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation ou renvoie sur ce point aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, l'article 10 du Traité CE impose aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif ;
Et attendu qu'il résulte de l'article L. 132- 5- 1 du code des assurances, d'ordre public, et conforme à la directive 2002 / 83 / CEE du 5 novembre 2002 que l'exercice de la faculté de renonciation prorogée ouverte de plein droit pour sanctionner le défaut de remise à l'assuré des documents et informations énumérés par ce texte est discrétionnaire pour l'assuré dont la bonne foi n'est pas requise ;
D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, et, comme tel, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction alors en vigueur, et l'article 1315 du code civil ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que l'entreprise d'assurance ou de capitalisation doit remettre, contre récépissé, une note d'information sur les dispositions essentielles du contrat, sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation, ainsi que sur le sort de la garantie décès en cas d'exercice de cette faculté de renonciation ;
Attendu que pour condamner l'assureur à restituer certaines sommes à Mme Y..., l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que le bulletin d'adhésion signé par Mme Y... porte la mention suivante : " l'Adhérent assuré déclare avoir reçu un exemplaire du présent bulletin d'adhésion ainsi que de la note d'information n° 539.236 relative au contrat collectif " ; qu'il est cependant impossible, en l'état des pièces versées aux débats par l'assureur, de déterminer quelle est la note n° 539.236 qui a été remise à Mme Y... ; qu'il apparaît donc impossible de vérifier si, en l'espèce, les exigences de l'article L. 132-5-1 du code des assurances ont été respectées envers le preneur d'assurance ; que la charge de la preuve en incombant à l'assureur, le requérant doit de ce seul chef être considéré comme ayant usé à bon droit de sa faculté de rétractation ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que Mme Y... avait signé le récépissé établissant la remise de la note d'information, la cour d'appel, inversant la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Sogecap à restituer à Mme Y... la somme de 68 283, 44 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2002 jusqu'au 3 octobre 2002, puis au double du taux légal, l'arrêt rendu le 21 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Sogecap d'une part, de M. X... et de Mme Y... d'autre part ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille huit.