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06/03/2007 | FRANCE | N°06-87446

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 mars 2007, 06-87446


N° Z 06-87. 446 FS-P + F
N° 1502

SC 6 MARS 2007

M. JOLY conseiller doyen, faisant fonction de président,

R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mars deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BEAUVAIS, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
CASSATION sur les pourvois formÃ

©s par Z...
X..., Y...
A..., contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appe...

N° Z 06-87. 446 FS-P + F
N° 1502

SC 6 MARS 2007

M. JOLY conseiller doyen, faisant fonction de président,

R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mars deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BEAUVAIS, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
CASSATION sur les pourvois formés par Z...
X..., Y...
A..., contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 27 juin 2006, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prescrivant la destruction d'un navire placé sous main de justice
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires personnel et ampliatif produits ;
Sur la recevabilité du mémoire personnel :
Attendu que ce mémoire, produit au nom de A...
Y... par un avocat au barreau de Fort-de-France, ne porte pas la signature du demandeur ; que, dès lors, en application de l'article 584 du code de procédure pénale, il n'est pas recevable et ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il pourrait contenir ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 99-2 du code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant ordonné la destruction du navire " Master Endeavour " qui avait été précédemment placé sous scellé ;
" aux motifs propres, que " la procédure permettant aux parties intéressées, en l'espèce les mis en examen, de contester la décision de destruction du navire placé sous main de justice, ne les autorise pas à cette occasion à faire juger, même incidemment, la régularité d'actes de l'information ; qu'il s'ensuit que les moyens développés sur la destruction des produits dangereux et illicites trouvés sur le navire (1,8 tonne de cocaïne) seront écartés comme étant hors débat et sans lien avec l'unique objet liant la juridiction saisie du recours contre l'ordonnance de destruction du navire ; attendu qu'au-delà des incantations d'ordre général à la violation des droits de la défense et des droits de l'homme, aucun des mis en examen ne démontre en quoi la destruction du navire serait, concrètement, pour chacun d'eux, de nature à faire grief à leurs droits ; qu'aucun texte relatif à la destruction des biens placés sous main de justice n'exige de recueillir un avis préalable de la défense en sorte qu'il ne peut être que faussement allégué une atteinte au principe de l'égalité des armes dans un procès équitable, dès lors que toutes les opérations concernant ce navire, arraisonnement, inspection et saisies, nécessaires à l'instruction et à la manifestation de la vérité ont été accomplies et consignées dans des procès-verbaux figurant au dossier qui n'ont soulevé, de la part de la défense, aucune demande d'actes particuliers ; attendu, d'autre part, sans s'attarder sur la définition innovante d'un navire comme un immeuble par destination bien éloignée de celle posée par l'article 531 du code civil, qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, d'appelants ressortissants étrangers en situation de transit dans le port de Fort-de-France consignés sur le navire susceptible de leur servir, ne serait-ce que momentanément, de domicile, mais d'individus tous mis en examen pour avoir participé en toute connaissance de cause au narcotrafic en contrepartie d'une forte rétribution ; qu'en l'état de ce dossier des indices graves et concordants pesants sur eux, confortés par leur propres aveux, et en l'absence de garanties de représentation, ils ont été placés sous mandat de dépôt criminel dans cette procédure relevant des JIRS, en sorte que la nécessité de leur assurer un " domicile " ne peut constituer véritablement un argument sérieux pouvant s'opposer à la destruction du navire ; attendu, au regard du respect invoqué des droits de l'environnement, que le navire est rendu dangereux et nuisible en raison, d'une part, de son mauvais état d'entretien ne lui permettant plus de répondre aux exigences de navigabilité et, d'autre part, des difficultés de garde et de conservation à proximité de la saison cyclonique annoncée d'une intensité particulière ; qu'aucun élément du dossier ne justifie, pour les nécessités de l'instruction, de conserver ainsi ce navire (quel qu'en soit son mode, à sec ou au mouillage) qui, au-delà des frais considérables que son placement sous main de justice engendre, présente un véritable danger qu'il est désormais urgent d'écarter ; attendu que les autorités françaises chargées des opérations de destruction ne manqueront pas d'apprécier la contribution apportée par les appelants à la préservation de l'environnement martiniquais de la part de personnes mises en examen pour trafic de produits illicites et dangereux se faisant ainsi les vecteurs de graves atteintes à la santé, à la salubrité et à la sécurité publique, et qui ont contribué à la nécessité de détruire le navire utilisé comme moyen de transporter les marchandises prohibées ; qu'en admettant que " le bateau contient des produits toxiques ", les mis en examen, par le truchement de leurs conseils, justifient dès lors la mesure urgente d'élimination des risques prise par le juge d'instruction, sans que soit pour autant apportée la preuve d'un grief qui leur soit personnel ; qu'il doit être rappelé, enfin, que ce navire, dont le propriétaire n'est autre que la société panaméenne commanditaire du narcotrafic, est déjà impliqué dans trois transports de cocaïne ; attendu que c'est donc à bon droit que le juge d'instruction a estimé que la conservation de ce navire n'étant plus nécessaire à la manifestation de la vérité méritait la destruction " (arrêt, pages 7 in fine à 9) ;
" et aux motifs adoptés, que " le navire Master Endeavour, placé sous scellé n° " M.E UNIQUE " ne présente plus aucun intérêt pour la poursuite de l'information en cours ; que sa conservation n'apparaît plus utile à la manifestation de la vérité et qu'elle est impossible à compter du 15 juillet 2006 en raison du début de la saison cyclonique ; qu'il convient de prendre toutes mesures utiles à sa destruction ; qu'en effet la garde et la conservation de ce cargo de grande taille et en mauvais état d'entretien, au regard des conditions géographiques spécifiques à la Martinique et à la prochaine saison cyclonique, ne sauraient être garanties dans des conditions de sécurité suffisantes, s'agissant de la protection immédiate de la zone portuaire et de la zone de mouillage proches d'une zone industrielle où se trouve une raffinerie, d'une côte à forte densité de population et très fréquentée par des bateaux de toutes tailles et de toutes natures (marine nationale, paquebots de croisière, navires de commerce, bateaux de plaisance) " ;
" alors qu'en ne recherchant pas si la restitution du navire s'avérait impossible soit parce que son propriétaire ne pouvait être identifié soit parce que ce dernier ne l'avait pas réclamé dans un délai de deux mois à compter d'une mise en demeure adressée à son domicile, et en ne justifiant pas plus de ce que ledit navire constituait un bien qualifié par la loi de dangereux ou de nuisible ou dont la détention était illicite, la chambre de l'instruction, qui s'est bornée à énoncer que la conservation du navire n'était plus nécessaire à la manifestation de la vérité et qu'il s'agissait d'un bien dangereux et nuisible en raison de son mauvais état d'entretien et de la proximité de la saison cyclonique, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Vu l'article 99-2 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte du texte précité que le juge d'instruction ne peut ordonner la destruction des biens meubles placés sous main de justice dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité que s'il s'agit d'objets qualifiés par la loi de dangereux ou de nuisibles, ou dont la détention est illicite ou, à défaut, si la restitution s'avère impossible, soit parce que le propriétaire ne peut être identifié, soit parce que le propriétaire ne réclame pas l'objet dans un délai de deux mois à compter d'une mise en demeure adressée à son domicile ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 27 février 2006, un cargo appartenant à la société panaméenne Angara maritime corporation a été arraisonné par les autorités maritimes françaises alors qu'il transportait 1,8 tonne de cocaïne ; que le navire a été placé sous main de justice ; que le capitaine, A...
Y..., et l'ensemble des membres d'équipage, dont X...
Z..., ont été mis en examen pour infractions à la législation sur les stupéfiants ; que, par ordonnance du 3 avril 2006, le juge d'instruction a prescrit la destruction du navire, dont la conservation n'apparaissait plus utile à la manifestation de la vérité ;
Attendu que, pour confirmer cette ordonnance, la chambre de l'instruction retient que ledit navire est dangereux et nuisible en raison de son mauvais état d'entretien et des difficultés de garde et de conservation à l'approche de la saison cyclonique annoncée comme devant être d'une particulière intensité ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si la loi elle-même qualifiait cet objet de dangereux ou de nuisible, ou en interdisait la détention, et, à défaut, sans constater que la restitution s'avérait impossible, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 27 juin 2006, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Basse-Terre, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Fort-de-France et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Joly conseiller doyen, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Beauvais conseiller rapporteur, Mme Anzani, M. Beyer, Mmes Palisse, Guirimand, MM. Guérin, Bayet conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Ménotti conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-87446
Date de la décision : 06/03/2007
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Saisie - Pouvoirs des juridictions d'instruction - Destruction d'un bien meuble - Conditions - Détermination

Selon l'article 99-2 du code de procédure pénale, le juge d'instruction peut ordonner la destruction des biens meubles placés sous main de justice dont la conservation n'est plus utile à la manifestation de la vérité, si la restitution s'avère impossible, soit parce que le propriétaire ne peut être identifié, soit parce que le propriétaire ne réclame pas l'objet dans un délai de deux mois à compter d'une mise en demeure adressée à son domicile, ou s'il s'agit d'objets qualifiés par la loi de dangereux ou de nuisibles, ou dont la détention est illicite. Encourt dès lors la censure l'arrêt qui, pour ordonner la destruction d'un navire dont la conservation n'apparaissait plus utile à la manifestation de la vérité, retient que ce navire est dangereux et nuisible en raison de son mauvais état d'entretien et des difficultés de garde et de conservation à l'approche de la saison cyclonique annoncée comme étant d'une particulière intensité, sans rechercher si la loi elle-même qualifie cet objet de dangereux ou de nuisible, ou en interdit la détention, et, à défaut, sans constater que la restitution s'avère impossible


Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Fort-de-France, 27 juin 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 mar. 2007, pourvoi n°06-87446, Bull. crim. criminel 2007, n° 71, p. 366
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007, n° 71, p. 366

Composition du Tribunal
Président : M. Joly (conseiller doyen, faisant fonction de président)
Avocat général : M. Finielz
Rapporteur ?: M. Beauvais
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.87446
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