LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 février 2006), que Mme X..., qui était au service de la société Azur Net Poitou en qualité d'ouvrier nettoyeur depuis le 22 avril 1980, a été licenciée le 10 novembre 2003, pour inaptitude physique, après avoir fait l'objet de trois avertissements et d'une mise à pied ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Azur Net Poitou fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à Mme X... un rappel de salaire et de congés payés, alors, selon le moyen, que la nouvelle classification issue de l'avenant du 25 juin 2002 à la convention collective nationale des entreprises de propreté est effectuée en fonction de trois critères : autonomie/initiative, technicité et responsabilité, se différenciant en cela de l'ancienne classification qui ne se référait qu'à la technicité des tâches ; que, notamment, la qualification d'agent qualifié de service (AQS) prévue par la nouvelle classification suppose, outre la maîtrise et l'utilisation, pour la réalisation de travaux diversifiés, d'une combinaison de techniques de travail, l'organisation par le salarié relevant de ses activités à partir d'instructions générales, ainsi que l'aptitude à communiquer avec le client et à régler un problème technique permettant de satisfaire la qualité de la prestation, toutes conditions qui n'étaient pas exigées pour l'obtention du niveau ASP 2 dans l'ancienne classification ; qu'en l'espèce précisément, elle faisait valoir que la salariée n'avait pas le niveau d'autonomie et de prise d'initiatives dans le travail que le niveau AQS de la nouvelle classification impliquait ; qu'en se bornant à se référer à la technicité des tâches pour en conclure qu'au vu de la nouvelle classification, l'emploi qui se rapproche le plus de l'ancien niveau ASP 2 était l'emploi de niveau AQS, sans s'expliquer sur le degré d'autonomie requis par la nouvelle classification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'avenant susvisé ;
Mais attendu que, selon la classification des emplois de l'avenant du 25 juin 2002, étendu par arrêté du 17 octobre 2002, à l'annexe à la convention collective nationale des entreprises de propreté du 1er juillet 1994, relève du niveau agent qualifié de service (AQS), échelon 1, le salarié dont l'autonomie et la liberté d'initiative lui permettent d'organiser les travaux relevant de ses activités à partir d'instructions générales et qui dispose d'un niveau technique suffisant pour maîtriser et utiliser, pour la réalisation de travaux diversifiés relevant de ses activités, une combinaison de techniques de travail, acquises par formation, par expérience ou sanctionnée par un titre ou un diplôme ;
Et attendu que la cour d'appel a relevé que la salariée effectuait des opérations variées et combinées, nécessitant la mise en oeuvre de techniques spécialisées acquises par formation initiale, continue ou par expérience ainsi que la maîtrise des techniques d'utilisation de matériels divers et fait ressortir qu'elle exerçait ses fonctions à partir d'instructions générales ; qu'elle a ainsi pu décider qu'elle occupait un emploi du niveau AQS, échelon 1 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Azur Net Poitou fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'annulation des avertissements des 16 avril, 17 avril et 23 juin 2003, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article L. 122-41 du code du travail que, lorsque la sanction est un avertissement l'employeur n'est pas tenu d'observer la procédure prévue parle deuxième alinéa dudit article ; que, par conséquent, il n'est pas tenu de convoquer le salarié à un entretien préalable, et s'il le fait cependant, il n'a pas l'obligation de notifier l'avertissement dans le délai maximum d'un mois suivant l'entretien, peu important qu'initialement l'employeur n'ait pas su quelle sanction il allait prononcer ; qu'en jugeant le contraire, pour annuler les avertissements des 16 avril et 23 juin 2003, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/ que le prononcé d'une sanction n'épuise le pouvoir disciplinaire de l'employeur que relativement aux seuls faits sanctionnés ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que l'avertissement du 16 avril 2003 a été prononcé pour d'autres faits que celui sanctionné par l'avertissement du 17 avril 2003 ; qu'en décidant cependant qu'elle avait épuisé son pouvoir disciplinaire le 16 avril 2003 dès lors qu'elle avait déjà connaissance à cette date du fait sanctionné le lendemain, la cour d'appel a violé l'article L. 122-40 du code du travail ;
Mais attendu que, dès lors qu'il a choisi de convoquer le salarié selon les modalités de l'article L. 122-41 du code du travail, l'employeur est tenu d'en respecter tous les termes, quelle que soit la sanction finalement infligée ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait notifié les avertissements plus d'un mois après les entretiens préalables, loin d'avoir violé le texte visé à la première branche, en a fait une exacte application, de sorte qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Azur Net Poitou fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la salariée des dommages-intérêts pour harcèlement moral, en ce compris le préjudice résultant des sanctions annulées, alors, selon le moyen :
1°/ que l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction et de son pouvoir disciplinaire, jugé fondé en son principe et partiellement dénoncé pour de simples irrégularités de procédure, ne saurait caractériser un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, pour dire que la salariée aurait été victime d'un harcèlement moral, la cour d'appel a relevé que sur la période allant du 16 janvier 2003 au 28 juillet 2003, elle avait convoqué Mme X... à cinq entretiens dont trois en vue d'une sanction et deux pour mises au point, lui avait infligé trois avertissements dont deux à vingt-quatre heures d'intervalle, et une mise à pied, et lui avait adressé (en plus des sanctions et convocations) trois lettres recommandées de mise au point ; qu'en statuant de la sorte, quand elle avait constaté que la mise à pied prononcée était justifiée compte tenu des retards imputables à la salariée et de la mauvaise exécution du travail sur un site et que l'annulation des avertissements, qui avaient été jugés justifiés par les premiers juges et prononcés pour des faits non contestés par la salariée, était motivée par de simples irrégularités de procédure, la cour d'appel n'a pas relevé un abus par l'employeur de son pouvoir de direction et de sanction caractérisant un harcèlement moral, et a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-49 du code du travail ;
2°/ qu'à supposer que la notification d'avertissements irréguliers puisse caractériser le harcèlement moral, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a dit les avertissements irréguliers entraînera la censure du chef du dispositif ayant retenu le harcèlement moral, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
3°/ que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a alloué à la salariée un rappel de salaire et de congés payés afférents en raison de la prétendue sous-qualification opérée par l'employeur entraînera la censure du chef du dispositif ayant retenu le harcèlement moral, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
4°/ qu'un fait isolé ne saurait caractériser le harcèlement moral ; qu'en se bornant, pour dire que la salariée aurait été victime de harcèlement moral, à relever que dans l'application qu'elle avait faite de la nouvelle grille de classification, la société aurait attribué à la salariée un niveau "manifestement inférieur à celui auquel elle pouvait prétendre, ce qu'elle ne pouvait ignorer", la cour d'appel n'a pas caractérisé le harcèlement moral, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-49 du code du travail ;
5°/ qu'elle faisait valoir que le niveau AQS de la nouvelle classification supposait une certaine autonomie et une prise d'initiatives dans le travail que la salariée n'avait pas et qui n'était pas nécessaire pour l'obtention du niveau ASP 2 dans l'ancienne classification ; qu'en affirmant péremptoirement qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle avait attribué à la salariée, lors de la nouvelle grille de classification, un niveau "manifestement inférieur à celui auquel elle pouvait prétendre", sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-49 du code du travail ;
Mais attendu que l'arrêt qui retient que l'employeur avait déclassé la salariée à la faveur de l'entrée en vigueur d'une nouvelle classification conventionnelle des emplois et lui avait adressé, dans une période de quelques mois, outre plusieurs mises en garde, trois avertissements irréguliers et qu'il en était résulté une dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible de porter atteinte à sa santé physique ou mentale, n'encourt pas les griefs du moyen ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Azur Net Poitou aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Azur Net Poitou à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize avril deux mille huit.