AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze octobre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
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Z... Venancio,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 21 juillet 2005, qui, pour importation sans déclaration de marchandises non prohibées ou fortement taxées, l'a condamné à 1 500 euros d'amende et à la confiscation de ses deux véhicules, respectivement en nature et en valeur ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 27 août 2001, les agents des douanes de Saint-Julien-en-Genevois ont procédé au contrôle, à son entrée en France, d'un véhicule Mitsubishi immatriculé en Suisse conduit par Venancio X...
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Z... ; que, le 6 mai 2004, les agents des douanes de Lyon-Satolas ont effectué un contrôle similaire sur le véhicule Mercedes Vito lui appartenant également et immatriculé en Suisse ; que ces contrôles ont fait apparaître que la TVA afférente à ces véhicules n'avait pas été acquittée ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 510 et 592 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué mentionne simplement que la cour d'appel était composée, lors des débats, de M. Bessy, président, assisté du greffier et en présence du ministère public, et qu'il a été donné lecture de la décision par le même président, en application de l'article 485, dernier alinéa, du code de procédure pénale ;
"alors que la chambre des appels correctionnels est composée d'un président et de deux conseillers ; que l'arrêt attaqué, qui ne mentionne ni la présence ni même le nom d'autres magistrats que le président Bessy, que ce soit lors des débats ou lors du délibéré, et qui n'indique pas dans quelles circonstances s'est déroulé le délibéré, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des textes susrappelés" ;
Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que l'arrêt ne mentionne pas le nom de magistrats autres que le président, dès lors que, selon l'article l'article 547 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004, les appels formés contre les jugements du tribunal de police sont jugés par le président de la chambre des appels correctionnels siégeant à juge unique ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des prescriptions du Protocole des conférences de Paris du 3 novembre 1815, du Traité de Paris du 20 novembre 1815, du Traité de Turin du 16 mars 1816, du manifeste de la Cour des comptes de Sardaigne du 9 septembre 1829, de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1933, des articles 291, 1695 du code général des impôts, 1er, 2, 3, 43, 60, 412, 417, 423 du code des douanes, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Venancio X...
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Z... coupable d'importation sans déclaration de marchandise ni prohibée ni fortement taxée, en répression, l'a condamné à une amende douanière de 1 500 euros, outre le paiement d'une somme de 5 000 euros pour tenir lieu de confiscation du véhicule Mitsubishi, et a prononcé la confiscation du véhicule Mercedes Vito saisi par les services douaniers ;
"aux motifs qu'une lecture attentive et une analyse des dispositions de l'arrêt du 7 juin 1932 permet de retenir que les dispositions des traités de 1815-1816 n'ont pas été abrogées par le Traité de Versailles et que les zones franches sont maintenues, que le gouvernement français est tenu de reculer sa ligne de douanes conformément aux stipulations desdits traités et actes, ce régime devant rester en vigueur tant qu'il n'aura pas été modifié par l'accord des parties, que le recul de la ligne des douanes ne préjuge pas du droit, pour le gouvernement français, de percevoir, à la frontière politique, des droits fiscaux n'ayant pas le caractère de droits de douane ; qu'ainsi est réaffirmée l'existence des zones franches et autorisée l'importation de marchandises en franchise ou à droits réduits à travers la ligne des douanes fédérale, mais il n'est pas interdit aux agents des douanes d'être présents en zone franche ; que le développement du commerce international entre l'espace européen et la Suisse a conduit à la signature de divers accords pour faciliter les échanges de marchandises et de personnes à leurs frontières, tout en conservant des contrôles douaniers efficaces, en ramenant, en zone franche, la ligne douanière française à la frontière politique ; que ces accords démontrent l'intention des deux Etats de modifier l'organisation des contrôles douaniers imposés à la France par la Cour permanente de justice internationale, en vue de favoriser la fluidité du trafic de personnes et de marchandises, l'idée générale étant de faire en sorte que les contrôles sur les principaux points de passage à la frontière aient lieu sur un même site pour les douanes des deux pays, cette volonté valant également pour les zones franches ; que, dans ces conditions, l'Etat français peut percevoir, à la frontière politique, des droits fiscaux n'ayant pas le caractère de droits de douane ; que l'article 291 du code général des impôts dispose que l'entrée en France d'un bien, originaire ou en provenance d'un Etat n'appartenant pas à la Communauté européenne, est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'article 1er de la loi du 27 décembre 1933, rédigée au regard de l'arrêt rendu le 7 juin 1932 par la Cour de justice internationale, prévoit qu'y demeurent perçus les impôts de toutes sortes recouvrés à l'occasion de la consommation de marchandises ; que la taxe sur la valeur ajoutée est un impôt sur la consommation, elle est recouvrée sur les territoires de Gex et de Haute-Savoie ; que cette taxe ne s'analyse pas en une taxe d'effet équivalent à une taxe douanière dès lors qu'elle ne constitue pas un droit unilatéralement imposé qui frapperait spécifiquement un produit importé d'un pays membre à l'exclusion du produit national similaire et aurait pour résultat, en altérant son prix, d'avoir sur la libre circulation des produits la même incidence qu'un droit de douane ;
que la TVA est harmonisée au niveau communautaire depuis 1977, les règles harmonisées prévoient, notamment, sa perception en suite d'importation, en tout état de cause, elle frappe sans discrimination de taux, les produits importés, les produits introduits et ceux fabriqués sur le territoire communautaire, elle ne peut dès lors constituer une taxe d'effet équivalent à une taxe douanière ; que l'administration compétente aux fins de recouvrer la TVA est définie par le code général des impôts en fonction du fait générateur de l'impôt ; que, lorsque le fait générateur de la taxe est constitué par l'importation, son produit est recouvré par l'administration des douanes et ses agents sont seuls habilités à percevoir la TVA à l'importation, les contrôles opérés par eux en zone franche, sur la base de l'article 60 de ce code, sont donc non seulement compatibles avec les dispositions de la loi de 1933 et l'arrêt de 1932, mais, de surcroît, indispensables à leur application ;
en conséquence, dès lors que cette administration a constaté que Venancio X...
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Z... résidait en zone franche, il lui appartenait de percevoir, à l'encontre de celui-ci, la TVA se rapportant aux véhicules importés sans déclaration ; que, dès lors qu'il réside en zone franche, Venancio X...
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Z... n'est redevable que de la TVA, égale à 19,6% de la valeur du véhicule en sorte que seule l'importation sans déclaration peut être reprochée au contrevenant et il appartient à la seule juridiction pénale de qualifier les faits dont elle est saisie ;
"1 ) alors que le service des douanes exerce ses missions sur le territoire douanier national, à l'exclusion des zones franches soustraites aux lois et règlements constitutifs du régime des douanes ; que, dans ces zones, le service des douanes laisse place à un service de contrôle spécifique confié aux contrôleurs de zone, exclusivement compétents pour intervenir sur le territoire des zones franches et pour contrôler les conditions de fluidité du trafic de personnes et de marchandises ; qu'en retenant la régularité de la présence des agents des douanes en zone franche, cependant que les contrôleurs de zone sont seuls habilités à y exercer une mission de contrôle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2 ) alors que l'Etat français ne peut percevoir, en zone franche, aucun droit de douane ou assimilé ; que, si la taxe sur la valeur ajoutée est un impôt sur la consommation, elle s'apparente à une taxe douanière dès lors que son fait générateur est constitué par l'importation d'un bien, qu'elle est perçue, à cette occasion, "comme en matière de douane" et que l'administration compétente aux fins de la recouvrer est l'administration des douanes, qui exerce alors une activité douanière par essence exclue du territoire des zones franches ; qu'en retenant que l'administration des douanes avait régulièrement perçu, à l'encontre du contrevenant résidant en zone franche, la TVA se rapportant aux véhicules importés sans déclaration, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu que, pour écarter les conclusions par lesquelles le prévenu faisait valoir que les marchandises en provenance de Suisse et importées en zone franche ne sont pas soumises à la TVA et que les agents des douanes n'ont pas compétence pour effectuer des contrôles dans une telle zone, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que, d'une part, selon l'article 1er de la loi du 27 décembre 1933, non contraire aux dispositions conventionnelles invoquées, la franchise ne s'applique pas aux impôts recouvrés à l'occasion de la consommation de marchandises et que, d'autre part, les agents des douanes ont compétence pour effectuer, en zone franche, des contrôles destinés, notamment, à garantir la perception de cette taxe qu'ils sont chargés de recouvrer en vertu de l'article 285 du code des douanes, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes invoqués au moyen, lequel doit, en conséquence, être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 291 du code général des impôts, 412, 417, 423 du code des douanes, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Venancio X...
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Z... coupable d'importation sans déclaration de marchandise ni prohibée ni fortement taxée, en répression, l'a condamné à une amende douanière de 1 500 euros, outre le paiement d'une somme de 5 000 euros pour tenir lieu de confiscation du véhicule Mitsubishi, et a prononcé la confiscation du véhicule Mercedes Vito saisi par les services douaniers ;
"aux motifs qu'il a été démontré que Venancio X...
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Z... doit être considéré comme possédant la qualité de résident français, son lieu de résidence habituelle étant situé ... à Valleiry (74520), ce lieu de résidence est situé en zone franche où, conformément à la loi du 27 décembre 1933, les importations de marchandises originaires de Suisse se font en exonération de droits de douane, mais restent soumis aux taxes autres que douanières dont elles pourraient être passibles ; qu'ainsi, conformément à l'article 291 I.1 du code général des impôts, les importations de biens sont-elles soumises au taux normal, soit 19,6 % en sorte que l'infraction relevée à l'encontre de Venancio X...
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Z... est constitutive de la contravention qualifiée d'importation sans déclaration de marchandises ni prohibée ni fortement taxée et passible des sanctions fiscales prévues par l'article 412 du code des douanes ;
"alors qu'en s'abstenant d'établir que le contrevenant avait eu conscience que les biens importés en zone franche étaient soumis à la TVA et que, dans ces conditions, l'absence de déclaration d'importation était constitutive d'une fraude, la cour d'appel n'a pas caractérisé la contravention douanière poursuivie en tous ses éléments constitutifs, et a privé sa décision de base légale" ;
Attendu que, Venancio X...
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Z... n'ayant pas invoqué sa bonne foi devant la cour d'appel, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1790 du code général des impôts, 412, 435 du code des douanes, 132-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Venancio X...
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Z... au paiement d'une somme de 5 000 euros pour tenir lieu de confiscation du véhicule Mitsubishi ;
"aux motifs qu'au jour de la constatation des faits, le véhicule Mitsubishi litigieux avait une valeur minimale pouvant être estimée à 5 000 euros ;
"alors que la condamnation au paiement d'une somme pour tenir lieu de confiscation de la marchandise implique, lorsque celle-ci a été préalablement saisie, la mainlevée de cette mesure et la restitution de la marchandise ; qu'en condamnant le contrevenant au paiement d'une somme pour tenir lieu de confiscation du véhicule Mitsubishi sans prononcer la mainlevée préalable de la saisie du véhicule et sa restitution, la cour d'appel a violé les textes précités" ;
Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement d'une somme pour tenir lieu de la confiscation de son véhicule Mitsubishi, sans ordonner préalablement la mainlevée de la saisie et la restitution dudit véhicule, dès lors qu'il résulte des pièces de procédure que ce véhicule, dont Venancio X...
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Z... s'était vu confier la garde après saisie, a été détruit ;
Qu'ainsi, le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;