AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Gary,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 7 avril 2005, qui, pour transfert de capitaux sans déclaration, l'a condamné à une amende douanière et à la confiscation des sommes saisies ;
Vu le mémoire personnel produit en demande et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 29 août 2003, à Biriatou, les agents des douanes ont procédé à la fouille d'un véhicule immatriculé en Angleterre et conduit par Gary X..., ressortissant britannique ; que cette opération a permis de découvrir une somme de 149 980 livres sterling, qui n'avait pas été déclarée ;
Attendu que, pour écarter les conclusions par lesquelles le prévenu prétendait qu'il n'avait pas été mis en mesure de comprendre la portée de la question des agents des douanes relative aux sommes qu'il transportait et de la réponse qui y serait apportée, l'arrêt relève qu'il résulte du procès-verbal que ceux-ci ont posé à l'intéressé, dans sa langue maternelle, la question de savoir s'il transportait des valeurs ou des titres d'un montant supérieur à 7 600 euros et qu'en réponse, ce dernier a présenté une somme de 600 euros ; qu'après que la question lui a été posée à nouveau en anglais, il a présenté deux liasses de livres sterling en affirmant, sur question des agents des douanes, qu'il n'en possédait pas d'autres ; que, cependant, la fouille du véhicule a permis de découvrir, dans les cavités naturelles de l'aile arrière droite et des portières, trente paquets contenant 149 980 livres sterling ;
Que les juges en déduisent que Gary X... ne peut pas prétendre qu'il n'avait pas compris les questions posées ou qu'il n'était pas à même d'en comprendre l'importance ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 593 du Code de procédure pénale, 465 du Code des douanes et 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 465 du Code des douanes ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour confisquer la somme saisie dans le véhicule de Gary X..., l'arrêt relève que les sommes litigieuses avaient été soigneusement cachées dans trente paquets enveloppés de scotch marron, soit du même type que celui qui est fréquemment utilisé pour conditionner de la résine de cannabis ; que les juges ajoutent que la somme importante de 149 980 euros, dont l'origine n'est pas justifiée, était acheminée suivant un axe nord-sud et donc, dans la logique d'un trafic, aux fins de financer un éventuel achat de stupéfiants ; qu'ils relèvent encore que les explications de l'intéressé sur l'utilisation aux fins d'investissement immobilier en Espagne paraissent peu plausibles et ne sont absolument pas justifiées ;
Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, qui n'établissent pas que le prévenu ait été en possession d'objets laissant présumer sa participation passée ou actuelle à la commission d'une infraction au Code des douanes ni qu'il y ait eu des raisons plausibles de penser qu'il avait commis ou participé à la commission d'une telle infraction, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 7 avril 2005, mais en ses seules dispositions ayant ordonné la confiscation de la somme saisie, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Challe, Dulin, Mme Desgrange, MM. Rognon, Chanut, Mme Nocquet conseillers de la chambre, M. Lemoine, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Charpenel ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;