AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIETE ISOTEC ENTREPRISE, témoin assisté ,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de ROUEN, en date du 17 février 2005, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée, notamment du chef d'emploi d'étranger sans titre de travail, a prononcé sur une requête en annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 juin 2005 où étaient présents : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mme Guirimand conseillers de la chambre, Mme Ménotti conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 7 avril 2005, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que le droit reconnu au témoin assisté, par l'article 173, alinéa 3, du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004, de saisir la chambre de l'instruction d'une requête aux fins d'annulation d'actes de la procédure implique que, bien que n'étant pas partie à la procédure, celui-ci soit recevable à se pourvoir contre l'arrêt statuant sur une demande d'annulation ;
Que, dès lors, le pourvoi est recevable ;
Au fond ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 611-10 du Code du travail, 170, 171, 173, 173-1, 174, 206 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, ainsi que de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article préliminaire du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a seulement ordonné la cancellation des pages 13 et 14 du procès-verbal n° 45/2003 établi par l'Inspection du travail de la Seine-Maritime ;
"aux motifs que, "aux pages 13 et 14 de ce procès-verbal, est constatée la "non-majoration des heures supplémentaires", c'est-à-dire le non-respect de l'article L. 212-5 du Code du travail portant dispositions sur le paiement des heures supplémentaires constatées ; que le procès-verbal constate donc une infraction aux dispositions relatives à la durée du travail du livre II, titre I, chapitre 2 ; qu'il devait donc être établi en trois exemplaires dont l'un à remettre à la société Isotec ; que ce procès-verbal a été transmis au procureur de la République du Havre le 5 janvier 2004 ;
que des pièces du dossier il apparaît qu'aucune transmission n'a été faite au préfet de la Seine-Maritime et surtout qu'aucune remise n'a été faite au contrevenant, la société Isotec ; que les dispositions de l'article 611-10 (du Code du travail) n'ont donc pas été respectées ;
que le manquement à ces dispositions constitue nécessairement, par lui-même, une atteinte aux droits de la défense ; que les pages 13 et 14 du procès-verbal seront cancellées" ;
"alors, d'une part, que le manquement aux prescriptions de l'article L. 611-10 du Code du travail constitue, par lui-même, une atteinte aux droits de la défense entachant de nullité le procès-verbal à la base de la poursuite et la procédure subséquente ; que l'arrêt, qui relevait que les dispositions de l'article L. 611-10 du Code du travail n'avaient pas été respectées en l'espèce, le procès-verbal constatant les infractions relatives notamment à la durée du travail n'ayant pas été transmis au préfet de la Seine-Maritime ni, surtout, remis au contrevenant, la société Isotec, et qu'il y avait donc "atteinte aux droits de la défense", ne pouvait se borner à canceller les pages 13 et 14 dudit procès-verbal, et devait annuler ledit procès-verbal ainsi que toute la procédure pénale qui a suivi ; qu'en statuant comme elle l'a fait la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés, ensemble les droits de la défense ;
"alors, d'autre part, que, en toute hypothèse, la chambre de l'instruction devait rechercher, comme elle y était invitée, si l'annulation ne devait pas s'étendre non seulement à l'acte vicié, mais aussi à tout ou partie de la procédure ultérieure ; qu'en s'abstenant, ainsi, d'examiner, comme l'article 206 du Code de procédure pénale lui en fait l'obligation, la procédure qui lui était soumise, de prononcer le cas échéant l'annulation du procès-verbal en son entier, mais aussi de tirer de l'annulation qu'elle prononçait les conséquences qu'elle comportait sur la procédure ultérieure, dans la mesure où le procès-verbal, et notamment la question de la non-majoration des heures supplémentaires ou de la durée du travail, y est mentionné à plusieurs autres reprises (pages 1, 5, 9, 10, 11, 21, 22, 23, 26, 27 et 31), et porte sur des faits qui ont fondé les poursuites, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision" ;
Attendu que la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que la chambre de l'instruction n'ait ordonné qu'une cancellation partielle du procès-verbal de l'inspecteur du Travail dès lors qu'aucun délai n'étant imparti par l'article L. 611-10 du Code du travail pour que soit effectuée la remise au contrevenant d'un exemplaire du procès-verbal, la nullité de cet acte ne pouvait être invoquée en cours d'information ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 611-10 du Code du travail, 429 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale,
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen de nullité résultant de ce que l'identité des adjoints ayant procédé à des constatations lors de la visite du chantier n'a pas été précisée et que ceux-ci n'ont pas signé le procès-verbal ayant fondé les poursuites ;
"aux motifs que, "l'inspectrice du Travail était certes accompagnée d'adjoints qui ont visité le chantier pendant qu'elle rencontrait les responsables de celui-ci ; que cette visite n'a eu aucune incidence sur le constat des infractions dès lors qu'il est expressément mentionné à la page 5 du procès-verbal que, "suite à ces divers entretiens sur le chantier, à la réception de documents demandés et aux entretiens complémentaires effectués à notre bureau, nous avons constaté six infractions à la législation du travail" ; que le moyen tiré du défaut de signature du procès-verbal par les trois auxiliaires de l'inspectrice du Travail n'est donc pas fondé" ;
"alors, d'une part, que les procès-verbaux n'ont de valeur probante que dans la mesure où leur auteur rapporte les faits et circonstances qu'il a pu constater personnellement ; qu'en l'espèce il résultait du procès-verbal lui-même que Mme X..., inspectrice du Travail, qui a rédigé le procès-verbal, a réalisé son contrôle, sur le chantier de construction, accompagnée de trois collègues, respectivement inspectrice du Travail et contrôleurs du Travail, qui ont visité le chantier et effectué, avec elle, des constatations et entretiens sur ce chantier ; que, en l'état des constatations et énonciations du procès-verbal, il est impossible de savoir qui, précisément, a effectué directement telles ou telles constatations de fait sur le chantier, qui, seules, pouvaient avoir force probante en tant qu'éléments matériels à l'origine des investigations effectuées ensuite, intéressant de possibles infractions à la législation du travail, ce, nonobstant tous entretiens et réception de documents subséquents ; que, en considérant, ainsi, que la visite sur le chantier n'a eu aucune incidence sur le constat des infractions, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
"alors, d'autre part, que l'arrêt, qui constatait que les infractions ont été établies suite à "divers entretiens sur le chantier" qui ont eu lieu tant avec l'inspectrice du Travail qu'avec les adjoints qui l'accompagnaient, ne pouvait, sans se contredire, affirmer que "la visite du chantier n'a eu aucune incidence sur le constat des infractions" ;
"alors, surtout, que seules les constatations matérielles, effectuées, précisément, sur le chantier où l'inspection a eu lieu, et directement observées par l'inspecteur ou ses adjoints, pouvaient faire foi jusqu'à preuve contraire des prétendus manquements imputés, intéressant des infractions à la législation du travail ; que le procès-verbal devait donc contenir des mentions suffisantes pour permettre d'identifier l'auteur de chacune desdites constatations ;
"alors, enfin, que le procès-verbal devait être rédigé et signé par les inspecteurs ou contrôleurs du Travail ayant pris une part personnelle et directe à la constatation des faits susceptibles de constituer l'infraction, et non pas seulement par l'un d'entre eux ;
qu'en décidant le contraire la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés" ;
Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 611-10 du Code du travail, 429 du Code de procédure pénale, de l'article 593 du même Code, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a seulement déclaré rejeter "les autres moyens de nullité" ;
"alors que la chambre de l'instruction était tenue de répondre à tous les moyens soulevés par la société Isotec, témoin assisté ayant la qualité de partie dans le contentieux des nullités, dans son mémoire ; que la société Isotec faisait précisément valoir que la date des faits prétendument constatés et la date du procès-verbal étaient imprécises, alors même que ce procès-verbal, interrompant la prescription pénale, devait avoir date certaine et qu'également la date des faits constatés devait, elle aussi, être précisée pour éviter toute incertitude sur le moment de leur commission ; que la chambre de l'instruction aurait dû s'expliquer sur ces chefs péremptoires du mémoire de la partie civile, et motiver sa décision sur ce point ; que, en s'abstenant de répondre à ce moyen, la chambre de l'instruction a privé sa décision des motifs nécessaires à son soutien" ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du mémoire produit par la société Isotec qui faisait valoir que la date des faits et celle du procès-verbal de l'inspection du Travail étaient imprécises, ce qui devait selon elle entraîner la nullité de cet acte, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci précise, infraction par infraction, les constatations effectuées par l'inspecteur du Travail, les 26 février, 4, 7 et 24 avril 2003 ;
Attendu qu'en l'état de tels motifs, les griefs allégués ne sont pas encourus ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un juin deux mille cinq ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;